Le 7 janvier dernier, une délégation des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) était à New York aux Etats-Unis, pour rencontrer les membres du Conseil de sécurité de l’ONU pour faire part de leurs observations sur l’avancée du processus de paix. En effet, sur invitation de l’ONG independant Diplomat, Bilal Ag Cherif et Alghabass Ag Intalla, les deux principaux leaders de la CMA, se sont rendus à New York où ils devaient rencontrer la majorité des ambassadeurs ou les premiers conseillers des membres du Conseil de sécurité de l’ONU, dans le but de transmettre leurs avis sur l’avancée du processus de paix et surtout ses blocages. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le principe, en lui-même, n’est pas mauvais. D’autant qu’il s’agit d’ajouter de la terre à la terre, dans la recherche de solutions à l’une des plus graves et profondes crises que le Mali ait jamais connues, avec des répercussions sur toute la sous-région ouest-africaine. Mais la question que l’on pourrait se poser, est de savoir quel effet une telle démarche peut avoir sur le processus de paix au Mali.
La question de l’opportunité de ce déplacement de responsables de la CMA à l’ONU se pose pour certains
Surtout quand on sait que ce n’est pas la première fois que des responsables de la CMA sont conviés à une telle rencontre. L’année dernière déjà, ils y étaient, et il est peu probable que depuis lors, les choses aient véritablement évolué au point de nécessiter le déplacement d’une nouvelle délégation à New York. Et ce n’est pas tout. En octobre dernier, l’occasion leur a été donnée de dresser la liste de leurs doléances à l’attention du Conseil de sécurité de l’ONU, lorsque celui-ci s’était rendu au Mali. Au regard donc de tous ces éléments, la question de l’opportunité de ce déplacement de responsables de la CMA à l’ONU se pose pour certains qui y voient une sorte de complaisance de la communauté internationale qui peut, à la longue, être rédhibitoire à une sortie de crise rapide au Mali. En effet, pour les tenants de cette thèse, à force de caresser des groupes armés du Nord Mali comme la CMA dans le sens du poil en leur donnant une telle aura par des invitations à de telles tribunes, la communauté internationale contribue à renforcer en eux le sentiment d’indispensabilité dans la résolution de la crise malienne ; toute chose qui peut contribuer à leur faire pousser des ailes et à monter les enchères. Cela, pour ne pas perdre du jour au lendemain les privilèges liés à de tels voyages payés rubis sur ongle et qui ressemblent plus à de simples villégiatures qu’à autre chose, dans le but de participer à des rencontres dont on se demande si elles auront un véritable impact sur le processus de paix. D’un autre côté, on a ceux qui soutiennent que « pour éteindre un incendie, l’on n’a pas forcément besoin d’eau propre » et qu’il ne faut par conséquent négliger aucune piste. Surtout qu’au plan local et régional, aucune solution fiable et durable ne se dessine à l’horizon, depuis que sur le plan militaire, la décision n’a pu se faire sur le terrain, chaque partie tenant ses positions sans pouvoir prendre le dessus sur l’autre. Toutefois, l’on peut se poser des questions. Non seulement de savoir si les émissaires de la CMA frappent à la bonne porte, mais aussi sur le poids et la capacité de la structure initiatrice de l’invitation à faire véritablement bouger les lignes.
Tant que la question du désarmement ne sera pas résolue, la crise malienne risque de ne pas connaître de sitôt son épilogue
Sur un autre plan, l’on peut aussi s’interroger sur le format de la rencontre, en l’occurrence pour savoir si c’est la meilleure manière de procéder en n’invitant qu’une seule partie, quand on connaît toute la complexité du dossier malien. Dans le même ordre d’idées, quid de la partie gouvernementale et des autres protagonistes de la crise ? Cette façon de procéder par tri ne va-t-elle pas à la longue constituer elle-même un facteur de blocage ? Quoi qu’il en soit, la nécessité d’accélérer le processus de paix au Mali s’annonce aujourd’hui comme une véritable nécessité, pour permettre au pays d’avancer véritablement sur les questions de développement. Encore faut-il que les principaux acteurs y mettent de la volonté et surtout de la bonne foi, pour donner une chance au processus d’aboutir. Autrement, les tergiversations et autres retournements spectaculaires de veste qu’il nous a souvent été donné de voir et qui rythment le quotidien des Maliens depuis la signature du fameux accord de paix d’Alger, risquent de sonner le glas d’une paix improbable derrière laquelle les Maliens courent depuis bientôt cinq ans. C’est pourquoi l’on attend de voir l’effet que ce déplacement de leaders de la CMA pourrait avoir sur le processus, pour juger véritablement de son opportunité. En tout état de cause, il apparaît aujourd’hui comme une quasi-certitude que tant que la question du désarmement ne sera pas résolue, la crise malienne risque de ne pas connaître de sitôt son épilogue. Mais comment y parvenir ? Là est la véritable question.