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Moussa Mara, ancien pm et président de Yelema : «Le Premier ministre est un fusible au Mali»
Publié le mercredi 10 janvier 2018  |  Le Reporter
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© aBamako.com par mouhamar
Activités du président Blaise Compaoré au Mali
En visite au Mali pour 48 heures, le président du Faso Blaise Compaoré s’est entretenu avec le premier ministre Moussa Mara dès son arrivée
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Cinq Premiers ministres en 4 ans, 3 mois et 18 jours d’exercice de pouvoir. Ce constat a été fait par un observateur au lendemain (30 décembre 2017) de la formation du gouvernement du nouveau Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Aux yeux de l’opposition politique, de certaines composantes de la société civile et de nombreux observateurs, cette cadence dans la succession des Premiers ministres est dénoncée comme un signe «d’instabilité» au Mali. Qu’en pensent certains acteurs ou observateurs de la scène politique malienne ? Quelques éléments de réponses dans ses entretiens.

Moussa Mara, ancien pm et président de Yelema : «Le Premier ministre est un fusible au Mali»



Le Reporter : Selon vous, qu’est-ce qui peut avoir poussé le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga à rendre le tablier si vite ?

Moussa Mara : N’étant pas dans les secrets de nos gouvernants, je ne peux qu’avancer des hypothèses fondées sur certaines rumeurs. La plus persistante étant un dernier désaccord entre M. Maïga et le président de la République au sujet des dernières élections, dont rien ne justifiait le report, si ce n’est des considérations politiciennes. Le Premier ministre voulait tenir ces élections. Ce qui est à son honneur.

Qu’est-ce qui peut justifier l’instabilité chronique à cet important et stratégique poste ?

Le président est le seul décideur. Cette question devrait lui être posée. Il faut savoir que les hommes sont choisis en fonction du projet qu’on mène. On nomme des personnes qui ont le plus d’aptitudes techniques, sociales, politiques…à conduire l’action que l’on veut mettre en place. En changeant fréquemment d’homme, on démontre qu’on se trompe régulièrement de casting ou qu’on ne dispose pas de projet. En ce moment, c’est au gré de l’humeur, des intérêts ou des calculs politiciens qu’on choisit. Autant de choses qui ne grandissent ni le pays ni celui qui le dirige.

En cas d’une éventuelle révision constitutionnelle, ne serait-il pas judicieux de supprimer le poste de Premier ministre au Mali et d’instaurer un système président/vice-président ?

Je l’ai écrit en 2011 dans mon second livre sur l’Etat au Mali. Le poste de Premier ministre n’est pas productif dans notre pays ; le Premier ministre est un fusible. Après avoir occupé le poste, je suis encore plus sûr de ce que j’avançais dans le livre. On devrait engager un profond changement institutionnel avec un rééquilibrage des rapports entre les Institutions, un président avec un vice-président sans Premier ministre, et sans la possibilité pour le chef de l’Etat de dissoudre le parlement. Certaines nominations du président devraient également être validées par le Parlement. Tout cela figure dans mon ouvrage. Ces changements profonds nécessitent une équipe déterminée à la tête du pays. Gageons que cela soit le cas en 2018. Meilleurs vœux à la Rédaction de Le Reporter et à toute la presse nationale.

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Boubou Bilaly Diallo, intellectuel de la diaspora malienne en France : «Les Maliens ont plutôt besoin d’un changement générationnel»

Le Reporter : Selon vous, qu’est-ce qui peut avoir poussé le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga à rendre le tablier si vite ?

Boubou Diallo : En analysant cette question je pourrais dire que la raison du départ du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga se trouverait à 3 niveaux. Primo, l’incapacité. Il pourrait estimer être incapable d’apporter des solutions pérennes aux problèmes liés en grande partie aux dossiers relatifs à la bonne gouvernance, aux aspirations des Maliennes et des Maliens. Conscient de cela, il a préféré démissionner. Secundo, la contrainte. Il pourrait être contraint à abandonner certains dossiers malgré qu’il en ait la capacité, les voies et les moyens de les résoudre avec efficacité. Nul n’ignore que des noms des personnalités politiques, des membres de la famille IBK ou des ministres sont associés à différentes malversations (corruption, détournement du denier public, népotisme…). S’il avait demandé (sans succès) à limoger ou à ne plus travailler avec ces hommes ou femmes qui sont cités directement ou indirectement dans ces dossiers de malversation, alors pour sa dignité, il sera contraint de rendre sa démission. Tertio, une stratégie politique. À mon avis, il est l’un des rares hommes et femmes politiques dont le nom n’est associé à aucune affaire. Il ne traîne pas de casserole derrière lui, c’est donc «Monsieur propre». À ce titre, il peut être le Joker ou le Plan B au cas où IBK ne serait pas candidat en 2018. Pour donc le protéger des attaques stériles des opposants ou même de certains camarades de la convergence, IBK peut lui demander de démissionner.

Qu’est-ce qui peut justifier l’instabilité chronique à cet important et stratégique poste ?

La réponse à cette question se trouve d’une part dans les réponses à la première question. À celles-ci, on peut ajouter une dernière réponse liée à l’indépendance ou à la personnalité des hommes choisis pour ce poste de Premier ministre. Ils ne sont pas indépendants ou libres dans leurs décisions ou arbitrages. Et au fil du temps, ils deviennent des marionnettes. Enfin, ils jettent l’éponge pour ne pas être ridiculisés. Sinon, 5 Premiers ministres en 4 ans, c’est vraiment trop et inefficace. C’est le signe de l’échec !

En cas d’une éventuelle révision constitutionnelle, ne serait-il pas judicieux de supprimer le poste de Premier ministre au Mali et d’instaurer un système président/vice-président ?

Comme on le dit c’est toujours bon d’essayer une nouvelle recette qui peut apporter des remèdes appropriés. Mais le cas du Mali est toujours particulier. Les nouvelles recettes ressemblent toujours au finish aux mêmes plats réchauffés. C’est toujours les mêmes têtes qui reviennent. Au Mali, on limoge un ministre ou un cadre pour incompétence et, quelques mois après, on le revoit à un autre poste plus important, plus stratégique que le précédent. Même en supprimant le poste de Premier ministre pour le poste de vice-président, tant qu’on ne passe pas à la purge générationnelle, on n’avancera jamais. On déshabillera Jean pour habiller Paul. En un mot, l’instabilité chronique à ce poste stratégique va toujours demeurer. C’est très décevant ! La preuve en est ce dernier remaniement. Si ce n’est pas pour raison stratégique politique, je ne vois pas une autre raison bénéfique pour les Maliens. Les Maliens ont plutôt besoin d’un changement générationnel. Les compétences sont là, mais elles sont mal exploitées pour cause de clientélisme et népotisme.

Fousseyni Camara, société civile de la diaspora malienne de France :

«Au Mali, le Premier ministre est comme un sélectionneur qui n’est pas associé au choix de ses joueurs»

Les raisons de cette instabilité à la Primature sont à rechercher dans un calcul politique car l’ex-PM (Premier ministre) ne semblait pas être quelqu’un de très doué dans le bric-à-brac des combinaisons politiques. La mission du nouveau PM consiste très probablement à concocter un plan B de transition au cas où le président sentirait sa défaite inévitable pour renoncer à briguer un second mandat. On ne peut raisonnablement rien reprocher à l’ex-PM Maïga (Abdoulaye Idrissa Maïga) qui, je pense, a exercé avec dignité. On se souviendra que c’est quand même lui qui a, par exemple, trouvé une solution honorable à la longue grève dans nos hôpitaux.

L’instabilité chronique de nos Premiers ministres s’est beaucoup accentuée durant ce mandat du président Ibrahim Boubacar Kéita. Et cela tout simplement parce que tout nouveau chef du gouvernement, qui arrive à la Primature, fait le constat qu’il existe un gouvernement bis qui tire les ficelles, qui détient le vrai pouvoir et qui passe son temps à savonner les planches sous les pieds du PM officiel.

Nous sommes l’un des rares pays où un ministre peut désobéir à son PM sans conséquence parce qu’il est dans les grâces du chef de l’Etat. Il arrive également que, par ambition démesurée, certains de nos PM se croient en droit de lorgner sur le fauteuil présidentiel une fois à la Primature. Un trop grand charisme, une popularité ou même une ambition démesurée peuvent alors précipiter leur chute. Mais le problème majeur d’un Premier ministre malien est lié au fait qu’il est sélectionneur d’une équipe dont il n’a presque choisi aucun des joueurs, et il est rarement associé à leurs choix. D’où de fréquentes incompatibilités d’humeur dans l’équipe gouvernementale.

L’idée d’un vice-président risque de créer un monstre à deux têtes avec des crises institutionnelles à répétition. Je suis pour un système ou le chef de l’Etat préside et le Premier ministre gouverne avec des objectifs clairs. Nous devrions expérimenter le système qui consiste à donner au chef du gouvernement la possibilité de choisir au moins la moitié des ministres.

Propos recueillis par Moussa BOLLY

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