C’est un Abdoulaye Idrissa Maïga jovial et cordial que l’opinion nationale et internationale a admiré le 2 janvier 2018 lors de la cérémonie de passation avec son successeur à la Primature, Soumeylou Boubèye Maïga. A l’image des neuf mois (8 avril-29 décembre 2017) passés dans le fauteuil de Chef du gouvernement, son discours du jour a marqué les esprits autant par son éloquence, sa profondeur, que aussi et surtout par cette farouche détermination à servir le Mali sans autres considérations que le devoir d’un fils à l’égard de la mère patrie.
«La confiance s’acquiert, elle ne se demande pas : qui la mérite n’a pas besoin de la demander» ! Telle est la conviction d’Emile de Girardin (21 juin 1806-27 avril 1881), homme politique, écrivain et journaliste français. Une conviction sans doute partagée par M. Abdoulaye Idrissa Maïga, le Premier ministre sortant qui a passé la main le 2 janvier dernier après avoir démissionné le 29 décembre 2017.
Entre lui et Ibrahim Boubacar Kéita, c’est une question de confiance. Une confiance qu’il a méritée par la compétence, le dévouement, la loyauté et la fidélité. En effet, même dans les moments le plus éprouvants de la traversée du désert, à l’époque où beaucoup ont abandonné le «Commandant» dans un navire (Rassemblement pour le Mali, RPM) sur le point de chavirer dans un océan tumultueux, il a été l’un des rares à continuer à croire au destin politique d’Ibrahim Boubacar Kéita.
Son enthousiasme et son optimisme ont balayé beaucoup de doutes qui pouvaient habiter le président-fondateur de la chapelle des «Tisserands». La confiance se nourrit aussi de la légitime reconnaissance.
Coordinateur de la campagne électorale législative, (second tour) en commune 4 (juillet 2007) ; Directeur de campagne en mai 2013 lors de l’élection présidentielle ; membre du gouvernement (Environnement, Eau et Assainissement ; Administration territoriale et de la décentralisation, Administration territoriale ; Défense et Anciens combattants) entre avril 2014 et avril 2017 et, enfin, Premier ministre (8 avril-29 décembre 2017).
Un parcours élogieux, un honneur pour lequel Abdoulaye Idrissa Maïga ne cessera pas d’exprimer sa «profonde gratitude» à Ibrahim Boubacar Kéita, plus un camarade de lutte politique qu’un mentor. La confiance se mérite et se nourrit de l’efficacité dans l’accomplissement des missions confiées.
«J’ai tenu à donner le meilleur de moi-même, à aller au bout de tous mes efforts au service de la Nation malienne à hauteur des suffrages exprimés en la faveur du Président démocratiquement élu…», a souligné AIM dans son discours de passation du 2 janvier 2017.
Et personne n’en doute puisque rares sont ceux qui n’ont pas été surpris par sa démission du 29 décembre 2017. En effet, pour beaucoup d’observateurs, IBK avait trouvé enfin l’homme qu’il lui fallait pour reprendre la main et se concentrer sur la satisfaction des préoccupations des Maliens.
«Quelles que soient les raisons qui l’ont poussé à démissionner, je suis convaincu que c’est pour sauvegarder l’intérêt général que pour son égo», nous a confié un député de la majorité. D’ailleurs, le PM (Premier ministre) sortant a précisé, dans ce discours qui a beaucoup marqué les esprits, qu’en présentant sa démission au chef de l’Etat le 29 décembre dernier, «il était moins question de notre personne que de l’intérêt général, à l’effet de combattre tout ordre impie».
Et de préciser que c’est de «cette façon qu’il serait possible de sauver l’essentiel et que jamais un quelconque sort individuel ne puisse être un facteur de blocage, pour réaliser la paix». Oui, AIM a préféré être le bélier de sacrifice sur l’autel de la paix.
Un homme politique atypique qui a ressuscité l’espoir d’intégrité et d’équité dans la gouvernance
Face aux «réalités imprévisibles», un vrai patriote sait toujours s’éclipser si cela permet d’avancer, de faire bouger les lignes. Une attitude autre de sa part aurait surpris son monde. Homme politique atypique dans l’arène malienne, Abdoulaye Idrissa Maïga est un leader réaliste qui ne souffrirait pas que ses convictions personnelles et sa vision soient perçues comme des obstacles pour la bonne marche du pays. Il a donc préféré passer la main pour continuer à mériter la confiance du président de la République et rester surtout dans l’estime des Maliens comme «l’homme qui pense plutôt au pays qu’à lui-même».
Et à lui, on peut tout reprocher sauf d’avoir eu à la Primature un autre agenda que celui de la mission à lui confiée. «La mobilisation de l’équipe gouvernementale sortante a été sous-tendue vers la mise en œuvre d’actions fortes au service du développement du Mali. Cela, a toujours été ma préoccupation et l’objet de mon engagement au service de notre pays», a-t-il rappelé au moment de tourner la page de cette courte mais enrichissante mission.
Et il est indéniable que ces quelques mois passés à la Primature ont ressuscité l’espoir au sein du peuple malien au moment où la confiance aux capacités d’IBK de faire face aux défis de l’heure fondait comme du beurre au soleil.
Malgré les peaux de bananes de certains membres de son équipe et de sa famille politique, il a réussi à impulser l’action gouvernementale «une dynamique porteuse d’espoirs» réussissant ainsi à désamorcer «les tensions qui empoisonnaient le climat social». Ce qui a d’ailleurs conforté la conviction de l’homme que «le dialogue demeure la voie la plus souhaitable, l’arme absolue pour venir à bout de nos contradictions sociétales». Le dialogue oui ! Mais, à condition que les parties en face soient animées de la même volonté d’avancer, la même bonne foi d’aller vers un dénouement dans l’intérêt de tous.
«Le dialogue véritable nous impose l’indispensable reconnaissance mutuelle qui suppose le respect de intérêt général. La pratique de la main tendue demeure un credo essentiel», a martelé Abdoulaye Idrissa Maïga avec forte conviction. Et cela devant ceux qui sont désormais ses anciens collaborateurs et de qui il a exigé intégrité et loyauté envers le nouveau locataire de la Primature.
D’où la l’organisation de la série des conférences sociales sur la problématique salariale, sur la santé et sur l’éducation. En plus de l’apaisement du climat social et l’amélioration des conditions de vie des Maliens, le Chef du gouvernement sortant et son équipe ont pris des initiatives appréciables pour permettre à notre pays de retrouver «le lustre du rayonnement qui fut le sien jadis dans le concert des nations».
C’est dans cette logique de «partenariat fécond de grande envergure» que s’inscrit son action consistant à nouer le dialogue avec des partenaires stratégiques au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), l’Union Européenne…
La paix, condition sine qua non de l’épanouissement d’un peuple
«La paix, la vie dans une société apaisée, apparaissent comme des conditions indispensables pour l’épanouissement des citoyens», a indiqué le PM sortant. Et ces derniers mois ont été marqués par «une volonté inébranlable» du gouvernement d’aller vers une application complète de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
Une débauche d’énergie qui s’est traduite par la finalisation et la validation de la Stratégie Spécifique de Développement des régions du nord du Mali ; le début des opérations de Réforme du Secteur de la Sécurité et Désarmement, Démobilisation, Réinsertion (RSS-DDR) ; le programme de renforcement de la paix au centre du pays ; la mission des bons offices conduite par l’imam Mahmoud Dicko.
Et le retour à Kidal, de son gouverneur a été perçu par tous les observateurs comme «un pas décisif vers la normalisation tant attendue de cette région».
Face aux défis de l’heure, Abdoulaye Idrissa Maiga demeure convaincu que «notre commune volonté de vivre en commun est le moteur de notre détermination à les relever». De Kayes à Taoudéni, nous pourrons «former un peuple fort et uni» pour construire l’avenir en revenant à nos valeurs et à l’hymne. «Vérité des temps anciensvérité de tous les jours. Le bonheur par le labeur fera le Mali de demain. La voie est dure, très dure qui mène au bonheur commun, courage et dévouement», a-t-il conseillé en rappelant un couplet de notre hymne national.
Abdoulaye Idrissa Maïga quitte la Primature sans amertume, avec la fierté de la mission bien accomplie et l’espoir que sera assurée «la continuité du service public… efficace au bénéfice des Maliens de toutes catégories».
L’homme d’Etat, un des rares actuellement, s’en va donc la tête haute et toujours prêt à se remettre à la tâche pour apporter sa petite pierre à l’édification d’un Mali débout, réconcilié et prospère. Et comme le disait un ancien combattant et chef de village, chaque moment passé à diriger permet de mieux connaître l’homo sapiens, de découvrir ses différentes facettes.
Et même si sa grandeur d’âme et d’esprit ne lui permet d’exprimer sa déception (une faiblesse en politique), il quitte la Primature avec certainement une piètre image de certains membres de son équipe ainsi que de sa famille politique.
Et comme le disait la poétesse et femme de lettres française Constance Marie de Théis (7 septembre 1767-13 avril 1845), «un des plus poignants chagrins que l’on puisse éprouver est de voir que ceux à qui on a donné son entière confiance n’en étaient pas dignes».
Mais, ne comptez pas sur AIM pour déroger à «l’obligation de réserves» qu’il s’est toujours imposé avec la plus grande sérénité. Pas surprenant de sa part, n’est-ce pas ?