Puis-je me permettre, deux semaines d’affilée, de donner la migraine aux lecteurs d’Inf@Sept friands de cette chronique, en remplissant leurs poches de Bitcoins et d’autres monnaies virtuelles ? Oui, j’en prends le risque mesuré pour la simple et bonne raison que la cryptomonnaie s’impose de plus en plus comme une alternative à la bonne vieille bourse de grand-père et même aux moyens de paiement électroniques conventionnels qu’elle tente de ringardiser.
Et n’en déplaise à Warren Buffett, milliardaire américain et pape de la finance qui brocardait les cryptomonnaies, le jeudi dernier, par une sombre prophétie : « En matière de cryptomonnaies, je peux dire avec quasi-certitude qu'elles finiront mal… Nous n'en avons pas acheté, nous n'en vendons pas, nous n'aurons jamais de position… J'ai assez de problèmes avec des choses que je connais un peu, pourquoi est-ce que je prendrais une position dans quelque chose que je ne connais pas ? ».
A 87 ans, le président de Berkshire Hathaway a, de toute évidence, passé l’âge de prendre des risques en misant sur des algorithmes mathématiques, la puissance de calcul de processeurs informatiques et surtout sur un board aussi ouvert qu’il peut se trouver d’internautes sur la terre. Mais à la différence de Warren Buffett, Jamie Dimon, le PDG de JP Morgan fait un rétropédalage à 180° en déclarant publiquement, lors d’une conférence à New York, qu’i regrette d'avoir qualifié le Bitcoin d'escroquerie. Il a raison, ce bon monsieur, de revoir sa copie au sujet des cryptomonnaies dont la capitalisation boursière, à la mi-décembre, dépassait les 500 milliards de dollars. Oui, vous n’en croyez pas vos yeux, j’écris bien 500 milliards de dollars !
J’ai l’intime conviction qu’il faudra se résoudre à admettre qu’une autre économie, très puissante, très prometteuse et surtout très agressive est en train de prospérer parallèlement à l’économie classique et conventionnelle qui régnait jusque-là en maîtresse absolue. Cette économie est forte de nombreuses monnaies - des devises, si vous voulez – dont les dix premières sont : Bitcoin, Ethereum, Ripple, Litecoin, Dash, Monero, Ethereum Classic, NEM, Augur et MadeSafeCoin (Voir le classement établi par Coinmarketcap.com). Il faudra aussi se familiariser avec tous ces noms de monnaies virtuelles comme vous l’êtes déjà avec le Dollars, l’Euro, le Yen, la Livre ou le Franc Suisse.
En fin de semaine dernière, un Bitcoin s’échangeait contre 13.500 dollars et, rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps, l’étalon des monnaies virtuelles a frôlé les 20.000 dollars. De la pure folie qui emballe et enrhume toute la planète économie !
Les Etats sont inquiets et perdent le nord ; les sommités de la finance se perdent en conjectures et la ruée vers le nouvel el dorado virtuel se poursuit de plus belle. Le rythme est si effréné qu’il suffit d’une simple déclaration malencontreuse d’une autorité pour provoquer un crash boursier. C’est ce qui est arrivé le jeudi dernier en Corée du Sud où l’on prête au ministre de la Justice des propos insinuant la fermeture des principales plateformes d’échanges des cryptomonnaies.
Il n’en fallait pas plus pour que les 2 millions de Sud-Coréens détenteurs de bitcoin ou d’ether paniquent et déversent une colère d’une rare virulence sur les réseaux sociaux. Conséquence, le pays a connu un jeudi noir pour les cryptomonnaies qui ont perdu en quelques heures l’équivalent de plus de 100 milliards de dollars de valeur. Le ministre des Finances, Kim Dong-yeon, a dû accourir en véritable pompier vendredi pour éteindre le début d’incendie en opposant un cinglant démenti aux propos de son collègue du gouvernement.
« Ce sujet de la fermeture des plateformes d'échanges dans le pays évoqué par le ministre de la Justice n'est qu'une proposition de son ministère et devra être discuté entre les différents ministères ». Ce qui a le mérite de la clarté ! Ces propos rassurants ont permis au cours des principales cryptomonnaies de se redresser vendredi et, sur Bithumb, la grande plateforme sud-coréenne, le Ripple affichait un gain de 35 % en fin de journée pendant que le Bitcoin, lui, gagnait 7 %.
Pour conclure mon sujet-migraine, je voudrais inviter nos lecteurs à butiner le web pour découvrir l’incroyable ressource sur les cryptomonnaies dont la saga a démarré en 2008-2009 avec l’avènement de la Blockchain, et lancer un appel pressant aux sociétés civiles, aux universitaires et aux autorités nationales pour ouvrir, très rapidement, un débat national sur la problématique des cryptomonnaies.
Il urge, dès à présent, de comprendre le phénomène et d’anticiper les dérives qu’il pourrait provoquer dans un futur proche. Il ne faut jamais perdre de vue que le monde est devenu un village global et que tout soubresaut de l’économie en Asie pourrait avoir, à la minute près, des répercussions plus ou moins fâcheuses dans nos pays très fragiles.