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Mali – Les accords de paix : deux ans et demi… pour (presque) rien
Publié le mercredi 17 janvier 2018  |  courrierinternational.com
Cérémonie
© aBamako.com par DR
Cérémonie de signature de l`accord de paix au Mali.
Bamako, le 20 juin 2015 au CICB. La rébellion à dominante touareg du nord du Mali a signé à Bamako l’accord de paix entériné le 15 mai par le camp gouvernemental et la médiation internationale.
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Le conflit en ricochet de l’effondrement du régime du Colonel Kadhafi survenu en 2012 et qui oppose les rebelles touaregs à Bamako est incontestablement la pire des crises que le Mali a connu. Il a déjà fait des milliers de victimes et des flots de déplacés qui attendent dans les pays voisins, principalement en Mauritanie, au Burkina, en Algérie et au Niger, que quelque chose se passe qui leur permette de rentrer dans chez eux, là où la vie quotidienne normale n’a pas repris et où les écoles et les centres de santé, exemples symptomatiques de la situation, demeurent pour la plupart fermés à ce jour.

Déstabilisation permanente par divers groupes armés et absence d’autorités gouvernementales disposées à aider les populations locales… Le nord du Mali est un paradis criminel : terrorisme djihadiste, narcotrafic, trafic d’armes, business de l’enlèvement, assassinats entre factions et brigandage de tout poil… Autant de maux devenus endémiques s’y sont durablement répandus, sous les regards probablement vigilants mais surtout impuissants de l’opération française Barkhane et de la Minusma (la force onusienne déployée au Mali) qui, elles-mêmes, sont fréquemment ciblées par des attaques d’origines diverses.

Le 25 juin 2015, un accord dont le but était de promouvoir un processus de pacification et de sécurisation du nord du Mali, supervisé par la communauté internationale, fut signé entre le gouvernement du Mali et la Coalition des Mouvements armés et la Plateforme (deux organisations qui regroupent la majeure partie des mouvements armés du nord du Mali, à l’exclusion des groupes islamistes), mettant ainsi officiellement fin aux affrontements entre les parties signataires. Très vite, cependant, les affrontements reprenaient entre deux de ces mouvements armés, la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad, qui subsiste principalement à Kidal) et le Groupement d’Autodéfense touareg Imghad et Alliés (le GATIA, principalement basé à Gao). De ce fait, il aura fallu un an pour seulement entamer la première étape de la mise en œuvre de l’accord, à savoir l’installation des autorités intérimaires désignées par Bamako pour réinstaller l’État dans le nord du Mali.

Au même moment, le groupe islamiste Ansar ed-Dine de Iyad Ag Aghali et Al-Qaïda (AQMI) multiplient les attaques et attentats dans le nord comme dans le sud, y compris dans la capitale Bamako, tandis que le Front de Libération du Macina, un mouvement à la fois islamiste mais aussi ethnique peul et désormais allié d’Ansar ed-Dine (le FLM a ainsi pris le nom d’Ansar ed-Dine Macina) terrorise les populations et attaquent les forces armées maliennes dans le centre, principalement dans la région de Mopti.

Autant dire que la seconde étape des accords de paix, la plus importante, à savoir le processus de désarmement des factions, de démobilisation des combattants et de réinsertion des individus concernés dans la vie civile (DDR) est dans l’impasse, et notamment parce que, indépendamment du chaos résultant de l’action des groupes djihadistes, la CMA et le GATIA ne se font pas mutuellement confiance, comme en témoignent les affrontements répétés qui les opposent à Kidal et Gao, et ce même après la tentative d’entente et l’accord de cessez-le-feu pourtant signé à Niamey (Niger) en juillet 2016.

En septembre 2017, ils ont signé un nouvel accord de non-agression… Mais combien de temps l’accalmie durera-t-elle ?

Le pouvoir en place à Bamako semble quant à lui mobilisé par d’autres préoccupations, essentiellement électoralistes (à l’approche des présidentielles). Il est certes empêtré dans cette situation catastrophique ; mais il ne se donne nullement les moyens d’une politique déterminée à résoudre le conflit inter-nordiste et la dérive insécuritaire qui s’étend à la faveur de la montée en puissance des mouvements djihadistes. Les diverses décisions prises, la création d’un ministère de la Réconciliation nationale (aujourd’hui transformé en une simple commission) et de la Commission Vérité et Réconciliation, en plus du programme du retour volontaire des réfugiés, apparaissent tels des slogans ronflants mais vides de contenu. Plusieurs acteurs, au sein des commissions, tentent tant bien que mal de jouer leur rôle ; mais la réalité du terrain échappent à leurs palabres et, concernant les réfugiés qui croupissent dans des camps à l’étranger, aucune perspective de retour n’est encore à l’ordre du jour, puisque ces derniers, bien conscients de l’insécurité qui se renforce dans les zones qu’ils ont quittées et craignant pour leur vie, refusent de regagner leurs villages, même si l’envie de retrouver leurs terres ne manque pas.

Entre les nombreuses manifestations qui secouent la société civile, celles de l’opposition et des jeunes de plus en plus actifs, contre l’insécurité, la mauvaise gouvernance, le chômage et la cherté de la vie qui devient un problème pressant, au quotidien, pour une frange de plus en plus large de la population malienne, et ce en plus du cas Sanogo (capitaine de l’armée malienne qui, en mars 2012, avait renversé le gouvernement incapable de faire face à l’avancée djihadiste dans le nord du Mali), dont la question du procès reste une énigme, et face au bloc qui s’est récemment formé contre la révision constitutionnelle voulue par le pouvoir et qui a donné naissance à une nouvelle force citoyenne de taille avec laquelle il faudra désormais compter, le président IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) semble avoir perdu le contact avec les Malien ; du moins n’a-t-il plus la confiance d’une très large partie de la population, une perte de popularité qu’il essaie de retrouver à quelques mois des élections présidentielles par des gesticulations de dernières minutes, mais qui brouille soudainement l’image de l’avenir politique du Mali.

À Bamako, on l’accuse notamment et de plus en plus ouvertement d’être une marionnette dans les mains de la France ; et la France elle-même (ainsi que la Minusma) est mise en cause, désignée comme l’un des acteurs responsables de la lenteur avec laquelle le processus de paix est mis en œuvre : les forces françaises sont accusées d’impartialité dans cette crise et d’autres voix vont plus loin, affirmant que la France a profité de cette crise qu’elle aurait même commanditée pour promouvoir des intérêts stratégiques et géopolitiques afin d’avoir une mainmise sur d’éventuelles richesses du sous-sol dans le nord du Mali. Et de rappeler la petite phrase de François Mitterand : « La France n’a pas d’amis ; la France a des intérêts. » Un ressentiment grandissant depuis la visite inopportune du président français Emmanuel Macron, en juillet 2017 ; le 3 août, plusieurs manifestations des jeunes de Bamako ont exprimé ce sentiment, lesquelles se sont succédées devant l’ambassade de France. La question, ainsi, n’est pas tant de connaître la réalité des intentions françaises au Mali, mais de comprendre que, quoi qu’il en soit, une partie de la population, à tort ou à raison de plus en plus hostile à Paris, pourrait à l’avenir jouer un rôle dans le paysage politique du pays.

Les accords de paix ont été signés et les autorités intérimaires ont finalement été installées, certes : sur le papier, le processus de paix progresse ; la réalité est toute différente, l’insécurité et la pauvreté s’étendent et le désordre et la colère sociale augmentent.

Fin 2017, le constat global est amer ; et aucun facteur de stabilisation n’est à envisager pour l’instant.

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