La construction de la force conjointe du G5 Sahel entame une nouvelle étape ce lundi 15 janvier, avec la réunion ministérielle de Paris. Au même moment, une rencontre de djihadistes du centre se réclamant de l’Etat islamique dénommé « Etat islamique dans le Grand Sahara » (EIGS), dirigé par Adnan Abou Walid Sahraoui, se débat dans tous les sens pour faire échouer l’initiative des cinq pays. Simple propagande ou menace réelle ?
La construction de la force conjointe du G5 Sahel a entamé, depuis hier lundi, un nouveau virage avec la réunion ministérielle de Paris. La ministre des Armées, Florence Parly, a reçu dans l’après-midi à l’hôtel de Brienne, ses homologues des pays du G5 accompagnés des chefs d’état-major des armées des cinq pays de la région. Du côté des contributeurs, 8 pays étaient représentés ainsi que 3 institutions, l’ONU, l’UA, et l’Union européenne. Quant à la conférence de donateurs, elle est prévue pour le 23 février prochain à Bruxelles.
Articulation des postes de commandement
L’objectif est de mettre en action cette force du G5 et de récolter des résultats concrets sur le terrain. Si la nouvelle force anti-djihadiste, G5 Sahel, appuyée par la France, a déjà fait un essai sur le terrain avec l’opération baptisée «Hawbi», les spécialistes des questions sécuritaires, pensent qu’il reste encore beaucoup de choses à régler pour la montée en puissance du G5 Sahel.
Ainsi, les contours du commandement exercé par le général malien Didier Dacko, qui, précise-t-on à Paris, doit « jouer le rôle d’interface entre les pays de la région » : l’articulation des postes de commandement, la génération de force, la liste précise des équipements nécessaires.
« L’objectif est de ressortir de la réunion avec une feuille de route, et un calendrier des opérations », particulièrement dans le fuseau centre qui inclut la zone des 3 frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, indique-t-on à Paris. C’est dans ce fuseau que se concentre l’action de la force dans un premier temps. Mais « constituer des coalitions prend du temps », rappelle-t-on au ministère des Armées à Paris qui « n’exclut pas de solliciter l’armée tchadienne, pour accélérer les choses ».
Les guerriers tchadiens en renfort ?
Les combattants tchadiens autrefois envoyés dans l’Adrar des Ifoghas au début de Serval, il y a 5 ans, puis engagés sous les couleurs des Nations unies (MINUSMA), pourraient alors revenir jouer un rôle de « force bélier » dans la région, estime-t-on. Pour le moment, rien n’est encore joué, mais l’option est envisagée, alors que la zone d’action des Tchadiens dans le cadre de la Force conjointe (FCG5S) se trouve en principe à 2 000 km plus à l’Est.
Sur le plan de la mobilisation des fonds pour le G5, à l’issue de la rencontre de la semaine dernière des ministres des Affaires étrangères de l’organisation, sur les 423 millions d’euros nécessaires à la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), 294 millions étaient déjà engagés. C’est du moins, ce qu’a annoncé lundi, le ministre malien des Affaires étrangères, Tiéman Hubert Coulibaly, à l’issue d’une réunion de ses collègues des Affaires étrangères et de la Défense du G5 (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad).
En dehors des pays concernés, les donateurs sont l’Union européenne, la France (aide militaire et logistique), les Etats-Unis (aide bilatérale) et l’Arabie saoudite.
La rencontre de Bamako a recommandé la mise en place d’un fonds fiduciaire pour recevoir les ressources nécessaires à l’opérationnalisation de la Force conjointe.
La réunion a également recommandé le «pilotage politique» de la FC-G5S par la désignation d’un responsable chargé du plaidoyer politique et sécuritaire et la mise en place rapide d’un mécanisme d’information et de communication performant et proactif de la FC-G5S.
«L’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel est prévue en mars 2018», selon le chef de l’état-major général des armées du Mali, le général M’Bemba Moussa Kéita.
La réunion de Bamako visait surtout à préparer les prochaines réunions de Paris et de Riyad sur la Force anti-djihadiste du Sahel ainsi que la Conférence internationale sur la sécurité et le développement au Sahel, prévue le 23 février à Bruxelles afin de mobiliser des contributions suffisantes en faveur de l’opérationnalisation rapide de la FC-G5S.
Malgré la mobilisation des Etats du G5, l’engagement et la détermination des partenaires, le groupe djihadiste dirigé par Adnan Abou Walid Sahraoui et qui se fait appeler « Etat islamique dans le Grand Sahara » (EIGS), multiplie les propagandes contre cette initiative des cinq Etats du Sahel. Il a revendiqué vendredi dernier une série d’attaques, notamment contre la force française Barkhane jeudi au Mali et celle qui a coûté la vie à 4 membres des forces spéciales américaines et 4 soldats nigériens le 4 octobre au Niger.
Ledit groupe est actif dans la «zone des trois frontières», aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, sur laquelle se concentre la force conjointe du G5 Sahel, une organisation régionale réunissant ces trois pays, plus la Mauritanie et le Tchad.
Le groupe djihadiste jure de tout mettre en œuvre pour faire échouer la force anti-djihadiste.
«Nous allons tout faire pour que le G5 Sahel ne s’installe pas » dans cette zone, a déclaré le porte-parole, un proche de longue date d’Adnan Abou Walid Sahraoui qui s’est identifié comme «Amar», dans un entretien téléphonique à l’AFP, cette semaine.
Union Djihadistes contre le G5
«Nos frères Iyad Ag Ghaly et les autres moudjahidines défendent comme nous l’islam », a-t-il dit, en référence au chef du groupe Ansar Dine, à la tête du « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans », principale alliance djihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda et formée en 2017.
«Pour combattre les mécréants, nous nous donnons la main », a ajouté le porte-parole, précisant que son groupe maintenait son allégeance à l’EI. « Nous allons continuer à lutter ensemble », a-t-il ajouté.
Le chef terroriste aurait confirmé des informations récentes de sources de sécurité et militaires occidentales faisant état d’une coopération renforcée sur le terrain entre divers groupes djihadistes du Sahel.
Dans son dernier rapport trimestriel sur le Mali, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, juge « extrêmement préoccupante» la situation dans le Nord et le Centre du pays, « en particulier dans les régions de Mopti et de Ségou, où il y a eu davantage d’actes terroristes ou liés au terrorisme que dans l’ensemble des 5 régions du Nord ».
Il faut noter qu’Adnan Abou Walid Sahraoui avait fait allégeance à l’EI en mai 2015, mais ce n’est qu’en octobre 2016 que le groupe dirigé par l’Irakien Abou Baqr al-Baghdadi en avait officiellement pris acte, via son agence de propagande, Amaq. Depuis, l’absence de contacts annoncés entre les deux entités ont conduit certains analystes à s’interroger sur la réalité de cette relation.