Dans cette seconde partie de son intervention dans l’émission politique “Politik” d’Africable TV du dimanche 7 janvier 2018, Racine Thiam, l’ex-directeur de la Communication de la Présidence de la République du Mali et non moins vice-président de l’Union pour la République et la Démocratie (Urd) revient sur les motivations de son virage à l’opposition et se prononce sur les élections de 2018.
Sur son rendez-vous (fusion) avec l’Urd, Racine Thiam a indiqué que lui et ses camarades font des choix qu’ils assument. “Il faut tirer des leçons de ses erreurs. Il ne faut pas toujours penser qu’on ne fait pas d’erreur. Nous construisons sur des acquis, sur des succès, mais aussi sur des erreurs. Et il est important à un moment de s’arrêter pour faire une introspection pour savoir où ça a marché et où ça n’a pas marché. Mes camarades et moi, nous réfléchissons beaucoup, nous regardons ce qui marche, ce qui ne marche pas. Quand nous avons créé notre parti, des concitoyens nous ont dit qu’il y a trop de partis au Mali. Cela est le premier constat. Plus de 150 partis dont la plupart est insignifiant. Je ne pense qu’il y ait 150 idées. Quand on se rend compte que la floraison de partis ne donne pas de possibilité d’avancement pour notre démocratie, il faut s’arrêter et se dire qu’est-ce qu’on fait. Cela est le premier point. Le 2e point, c’est que mon expérience à Koulouba, mon expérience avec la Majorité présidentielle, nous a enseigné quelque chose : la difficulté actuelle de notre pays réside dans le fait que des gens qui n’ont en réalité pas de représentation populaire, qui n’ont pas de mandants, qui ne représentent pas suffisamment la population se retrouvent à des postes de responsabilité simplement parce que le président de la République l’a voulu ou quelqu’un dans l’entourage du président l’a voulu” a-t-il réagi.
Et Racine Thiam de continuer ainsi : “Aujourd’hui, il y a des ministres qui n’ont pas un seul député. Il y a des responsables politiques qui, en réalité, n’ont pas le poids que le choix du président leur donne. Ce qui fait que nous avons décidé de ne plus continuer à faire la politique ainsi. Le jour où nous serons appelés aux affaires, nous serons appelés aux affaires parce que nous détenons une représentation, une représentativité de nos concitoyens. Et pour ces deux raisons, nous pensons que pour mûrir notre démocratie, nous devons revenir sur les fondamentaux avec une démocratie semi présidentielle. Les gens doivent aller à la recherche du suffrage universel pour être des représentants du peuple à l’Assemblée nationale. Et la couleur de l’Assemblée nationale doit déteindre sur le gouvernement. Vous avez un mandat d’être au gouvernement. C’étaient les deux questions que nous nous sommes posées. Nous sommes arrivés à la réponse que le cas dans sa structuration actuelle ne nous permettait pas de répondre à la question. Nous nous sommes dit que nous allons partir sur des grands ensembles, dans des formations politiques qui correspondent à ce que nous cherchons” a affirmé Racine Thiam.
Toujours dans sa lancée, Racine Thiam poursuit : “Le 3e point, nous avons dit que s’il y a le choix de fusionner avec un parti ou de cheminer avec un parti, nous allons le faire sur la base de critères réels : d’abord l’obédience du parti. Pour cela, nous avons analysé des projets de société. Nous avons vu des similitudes avec le projet de société de l’Urd. Nous avons entamé des discussions avec Soumaïla Cissé et ses camarades de l’Urd. Et cela a abouti à la fusion avec l’Urd sans condition. Nous avons décidé d’intégrer l’Urd, ils nous ont accepté en me proposant le poste de vice-président et à un certain nombre de mes camarades d’intégrer des commissions de travail et le Bureau politique national. Cela s’est fait dans un esprit de fraternité. Pour cela, je salue l’esprit d’ouverture du président Soumaïla Cissé. Les gens peuvent dire que nous étions de la Majorité et maintenant nous sommes de l’opposition. Cela est de notre liberté. Il faut qu’on arrête de diaboliser l’homme politique et se dire que nous ne pouvons pas nous comprendre”, s’est-il largement expliqué.
L’Urd était-il le bon choix ?
En réaction à cette question, Racine Thiam répondra : “Ce qui s’est imposé, c’est que la Convergence d’action pour le peuple (Cap) comme tant d’autres partis politiques au Mali tournent autour du président et de quelques cadres. En réalité, la démocratie représentative qui est la nôtre ne permet pas à ces partis de poser suffisamment leur voix. Et la 2e chose, est que ces partis, idéologiquement, d’un point de vue programmatique, ont-ils des différences avec les autres ? Dès fois, ça devient un concours d’égo, chacun estimant être président chez lui. Faire la politique n’était pas un problème d’égo chez nous. J’estime que notre démocratie a besoin de plus de concentration d’idées, de concentration de talents. Je ne crois pas en l’homme providentiel qui viendra sauver le Mali. Je crois en une équipe de talents organisés qui tourne autour de quelqu’un qui a une vision. Après analyse et discussions, nous avons compris que le président Soumaïla Cissé avait cette vision. Beaucoup de nos compatriotes savent cela. Il a la capacité de travail, de conception, de mise en œuvre, d’animation d’équipe nécessaire. Et je me suis inscrit dans cette alternance de gouvernance, une alternance politique, une alternance de vision, mais pas simplement une alternance d’âge, ce qui n’est pas suffisant”, s’est-il défendu.
Il a ajouté qu’ils ont viré à l’Urd pour apprendre. Car, a-t-il soutenu, le processus politique est long. “Aider un pays demande beaucoup d’autres compétences, beaucoup de capacités, d’organisation. Nous sommes venus à l’Urd parce que nous pensons pouvoir apprendre dans cette formation politique qui est un parti bien structuré, très bien organisé, qui respecte ses instances, qui a une démocratie interne. A l’Urd, le président est écouté, il écoute. Nous pensons avoir notre place, être écoutés, apprendre à côté d’hommes politiques chevronnés qui ont beaucoup d’expériences acquises sur leurs erreurs et sur leurs acquis, sur leurs succès. Nous pensons qu’ensemble nous pouvons faire quelque chose. Cela est important. Je ne crois pas en l’homme providentiel mais en une équipe”, a-t-il argumenté.
“L’Urd a suffisamment de compétences pour amorcer le décollage dont le pays a besoin en 2018”
Sur les élections présidentielles de 2018, Racine Thiam dira que cela est une question vitale pour l’Urd, une question vitale pour le Mali. Il a affirmé que l’alternance en 2018 est une question vitale pour le Mali. “Si j’ai décidé de parler après 8 mois de silence, c’est que nous avons dépassé le cadre du mandat octroyé au président Ibrahim Boubacar Kéîta. Nous rentrons dans une phase de conquête de pouvoir, de précampagne. Il est important que le peuple malien soit suffisamment éclairé sur les risques, les possibilités et les dangers qui guettent l’existence même de notre pays. Nous traversons une crise multidimensionnelle, une crise sécuritaire sans précédent dans notre pays avec plus de 240 militaires tués en 2017. Nous n’avons jamais vu ça. Il y a des problèmes dans le pays, la crise économique, l’une des plus graves de notre existence. Les jeunes n’ont plus d’espoir. Et cela n’a pas commencé aujourd’hui. Les jeunes n’ont plus de possibilité d’avoir de l’espoir demain. C’est très compliqué. L’école se trouve dans un état aberrant. J’ai été militant de l’Aeem. Le spectacle que l’école offre aujourd’hui est aberrant. Il y a des troubles partout dans le pays. Et 2018 va nous permettre de remettre les choses à l’endroit. Je pense en objectivité que le Mali se trouve dans une période de turbulence, d’incertitude, de crise”. Ainsi a-t-il peint l’état du pays.
Racine a félicité les jeunes qui veulent être candidats aux élections présidentielles et encouragé les nouveaux regroupements qui, à ses dires, sont bénéfiques pour la démocratie. “Mais dans des périodes troubles, il faut avoir une valeur refuge. Et l’Urd est une valeur refuge qui a participé à la construction d’un Etat moderne de 1991 à 2002, qui a participé au pouvoir du président Amadou Toumani Touré en apportant des cadres de valeur. Je pense qu’aujourd’hui, l’Urd a suffisamment de compétences autour du président Soumaïla Cissé pour véritablement amorcer le décollage dont le pays a besoin en 2018, avec un grand rassemblement de tous ceux qui, aujourd’hui, estiment qu’ils sont dans l’alternance autour d’un socle structuré qui peut être l’Urd. Je suis heureux que beaucoup de talents, des cadres, même de l’Armée décident de se lancer dans la politique parce que la situation est très grave. Je pense qu’ensemble, si tout le monde revient sur des bases claires, des programmes, de visions, de structures, de compétences et de capacités de rassemblement, nous pouvons choisir le président Soumaïla Cissé pour mener tout ce beau monde à bon port. Cela est mon souhait pour 2018”, a-t-i indiqué.
Quelle appréciation Racine fait-il du bilan d’IBK ?
Racine répondra qu’il n’est pas la personne la mieux indiquée pour critiquer le bilan d’IBK. “Une éthique morale, personnelle, ne me permet pas de critiquer le bilan d’IBK, un bilan dans lequel j’ai participé. Je ne peux pas m’ériger en donneur de leçon sur son bilan. Je laisse le soin aux hommes et femmes qui ont beaucoup de courage, beaucoup d’abnégations, qui souvent au risque de leur vie, qui ont été menacés, insultés, mais qui ont tenu à dire ce qui n’allait pas dans le pays. Je parle de l’opposition républicaine et démocratique, je parle de mouvements associatifs, je parle des leaders d’opinions. Je leur tire mon chapeau. Ils ont travaillé pendant 4 ans à dire ce qui ne marche dans le pays. J’estime que c’est leur rôle de continuer de dire ce qui ne marche au Mali […] L’opposition a fait un travail remarquable avec pondération. Elle n’a pas voulu mettre le feu au pays. Cela est à saluer. Ce sont les leaders de l’opposition qui doivent tirer le bilan. Nous allons assumer nos erreurs avec des sentiments de gêne”, a-t-il dit, avant d’ajouter qu’il n’est pas fier du bilan d’IBK.
“Si j’étais fier du bilan d’IBK, je n’allais pas partir à l’opposition pour demander l’alternance sérieuse, crédible, représentée par le président de l’Urd “, a-t-il souligné.
“Il y avait un malaise au sein de la majorité présidentielle”
Sur ce qui n’a pas marché dans le bilan d’IBK, Racine Thiam rétorquera : ” Ce qui n’a pas marché est connu de tout le monde. L’opposition l’a dit, les mouvements associatifs l’ont dit, les chroniqueurs engagés l’ont dit. Le célèbre chroniqueur que tout le monde connaît s’est battu avec bec et ongles pour dire que la majorité présidentielle est dans le faux. Il y avait un malaise au sein de la majorité présidentielle. Ça n’allait pas. Beaucoup de gens savent que ça n’allait pas. Ça ne marche pas. Avec 5 Premiers ministres en 4 ans, tout est dit. Le président de la République a été 6 ans Premier ministre. Donc, avec 5 Premiers ministres en 4 ans, le Président lui-même a compris que ça ne marche pas. Mais il est préférable que ceux qui ont porté ce combat au risque souvent de leur vie gardent le flambeau de la critique du bilan d’Ibrahim Boubacar Kéita. Mon rôle est de tirer les leçons de mon engagement, de travailler pour que cela ne se reproduise plus, de me mettre sur l’avenir. Les gens discutent trop sur ce qui n’a pas marché. Mais personne ne dit comment ça va marcher, comment ça doit marcher”, a-t-il avancé.
“Je ne suis pas fier du bilan d’IBK qui n’est pas bon “
Sur ce qui a marché dans le bilan d’IBK, Racine Thiam reconnaîtra l’augmentation des salaires de 20 %, l’équipement de l’Armée qui ont été de bonnes choses. Mais il a dénoncé les surfacturations qui ont accompagné l’équipement de l’Armée et les commandes non livrées. “Dans un bilan, il y a les actifs et les passifs. On peut ne pas être d’accord avec quelqu’un, mais cela ne doit pas nous pousser à nous insulter. Certains, par manque d’argument, n’ont que l’injure à la bouche. Cela est une difficulté de notre démocratie. Je pense que le bilan d’IBK n’est pas bon. Mais d’autres que moi l’ont dit et continueront à le dire. Je ne suis pas fier du bilan d’IBK. Mais j’y ai participé et j’assume cela. Je ne fais pas de faux fuyant. J’assume ma part de responsabilité dans ce bilan”, a-t-il soutenu. Il a ajouté que le problème du Mali est économique. A ses dires, le problème du Mali ne doit pas se résumer au seul problème de Kidal.
“Nous avons fait une erreur en nous focalisant sur Kidal. Je ne dis pas que Kidal n’est pas un problème. Kidal est un problème qui doit être réglé. Rassembler tous les problèmes du Mali à une région pose problème depuis l’indépendance du Mali. Cela est une erreur d’analyse. Le véritable problème du Mali est économique. Le véritable problème, c’est que nous nous enfonçons de plus en plus dans la pauvreté. Le véritable problème, c’est que les mendiants dans nos rues se sont multipliés par 10. Et ceux qui ne mendiaient pas auparavant mendient maintenant par nécessité. Le problème est que nous avons eu un arrêt dans le processus de développement économique de notre pays, les infrastructures ne suivent plus. Le problème, c’est que les jeunes ne peuvent plus trouver d’emplois. Le problème, c’est que la santé est en train de péricliter. Le développement passe par la création de richesses, par la mise en place d’un programme pour créer de la richesse. Le Mali a d’énormes potentialités. Nous sommes un pays travailleur et fier. Nous avons des compétences en interne. Le problème, c’est la vision pour un développement économique. Le problème de Kidal, c’est un problème de développement. Pendant plus de 50 ans d’indépendance, le Nord ne s’est pas suffisamment développé. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu des efforts. S’il y avait des universités au Nord, si Kidal était un pôle économique où il y a une université, un hôpital moderne, l’éclairage et l’eau un peu partout, s’il y avait des entreprises dans la ville de Kidal, je pense que les jeunes de Kidal auront d’autres possibilités que de prendre des armes. Donc, il faut des solutions concrètes. Nous à l’Urd, nous avons des solutions concrètes. Il est important que tout ce qui compte de compétences, de talents au Mali se mettent ensemble pour s’attaquer au développement du pays. 2018 passera par là. Le problème du Mali est un problème économique, un problème de développement. Il faut quelqu’un qui a une vision qui peut nous permettre de sortir de l’ornière”, a-t-il argumenté.