Bamako, 21 jan 2018 (AFP) - Les pétales d'hibiscus écarlates infusent dans
une grande marmite avec les feuilles vertes du kinkeliba. Une pincée de "pain
de singe", le fruit du baobab, et de gingembre, et la boisson baptisée
"Prince" est prête à être goûtée puis mise en bouteille au Mali.
Aïssata Diakité, 28 ans, ingénieure en agro-business, a lancé Zabbaan, une
gamme de jus de fruits 100% naturelle, en se réappropriant les méthodes
traditionnelles de son enfance à Mopti, dans le centre du Mali, sur les bords
du fleuve Niger.
C'est là qu'elle a mûri ce projet, parallèlement à ses études en France.
"Quand j'étais étudiante, je venais chaque année en vacances au Mali. Il m'a
fallu une voiture pour aller dans la zone rurale échanger avec des
agriculteurs, comprendre les saisonnalités, comment gérer la contre-saison",
raconte avec passion la jeune femme.
Elle a créé en 2016 Zabbaan en référence au zaban, un type de liane
poussant dans la brousse, mais c'est en décembre 2017 qu'elle a officiellement
lancé sa start-up, devant une centaine d'acteurs économiques au Mali.
"Produisons ce que nous consommons. Par cela, nous créons de l'emploi et de
la richesse", s'est félicité à cette occasion le ministre du Développement
industriel Mohamed Aly Ag Ibrahim, saluant "un modèle qui doit inspirer",
celui d'une "jeune dame de la diaspora qui quitte l'étranger pour venir
investir dans son pays et réussir son challenge".
Une semaine auparavant, Bamako accueillait le forum "Invest in Mali", dont
Aïssata Diakité était l'une des ambassadrices. Ce forum vise à exposer les
opportunités du pays, malgré l'instabilité qui s'étend, en particulier dans la
région natale de la jeune cheffe d'entreprise.
- Bouteilles aristocratiques -
"Venir au Mali aujourd'hui est un acte de foi", a reconnu le président
Ibrahim Boubacar Keïta dans son discours d'inauguration du forum, qui a généré
des promesses d'investissements de 34 milliards de FCFA (environ 51 millions
d'euros), dans le ciment, l'énergie solaire en milieu rural et la production
d'emballages, selon les organisateurs.
La foi, Aïssata Diakité, qui a hérité de la fibre entrepreneuriale de ses
parents, n'en manque pas, ni de persévérance. "Le temps d'avoir tout un réseau
d'agriculteurs c'est pas évident, ça m'a pris environ trois ans",
précise-t-elle.
L'entreprise emploie aujourd'hui 65 personnes et produit en moyenne 1.000
bouteilles par jour, commercialisées principalement dans les supermarchés de
Bamako au prix de 500 F CFA (environ 75 centimes) la bouteille.
Afin de pénétrer de nouveaux marchés et d'exporter, Zabbaan est en cours de
certification bio.
La marque s'appuie notamment sur des recettes à base de feuilles, de tiges,
de fleurs ou de fruits issus de la savane africaine, dont "la plupart sont
sauvages", comme le baobab, le zaban ou le kinkeliba, plante connue pour ses
propriétés diurétiques.
"On travaille avec des réseaux d'agriculteurs qui nous approvisionnent et
ont souvent hérité de terres de père en fils. Ces produits sont également
employés dans la médecine traditionnelle africaine", poursuit-elle.
- Moringa, hibiscus, baobab -
Ce matin, l'équipe de production est à la tâche. Avant la mise en bouteille
de "Prince", un des produits les plus appréciés, une dégustation s'impose et
c'est un travail d'équipe.
"Certaines personnes pensent qu'il manque du gingembre, donc on va
retoucher un peu, on va ajouter un peu de gingembre", explique Lala Coulibaly,
responsable qualité et hygiène, vêtue d'une blouse blanche.
Du "roi" (mangue et baobab) à la "guerrière" (moringa, hibiscus, menthe et
baobab) en passant par le "prince" ou le "duc" (zaban et baobab), etc, chaque
bouteille porte un nom évoquant l'épopée de l'Empire mandingue, l'un des plus
vastes qu'ait connus l'Afrique de l'Ouest.
Une réminiscence des histoires que lui racontait sa grand-mère, confie
Aïssata Diakité: "On a associé les noms de la marque avec l'histoire de la
famille royale: du roi à la reine, jusqu'au guerrier..."
La fondatrice de Zabbaan travaille déjà à un nouveau projet: l'extraction
et l'exportation d'arômes naturels "made in Mali".
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