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Edito : « Être noires et luire différemment »
Publié le lundi 22 janvier 2018  |  Le Sursaut
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Amadou Toumani Touré a été le premier à commettre la faute. A son arrivée au pouvoir, il se trouve confronté au dossier de la rébellion, non des Touaregs, mais de quelques jeunes gens originaires de l’Adagh et rentrés de Libye. Acculés à leur dernier retranchement, ils avaient sollicité et obtenu un cessez-le-feu. Un accord avait été signé, en ce sens, à Tamanrasset le 6 janvier 1991.

Puis, le régime est renversé. L’accord était bon, Iyad Ag Ghaly disposé à contribuer à son application. Mais Amadou Toumani Touré le relègue aux oubliettes, fait appel à Edgard Pisani pour l’aider à trouver une solution à un problème qui en avait déjà trouvé une. Et de justifier son choix : Mitterrand lui avait fait appel pour trouver une solution au problème des revendications kanak de la Nouvelle-Calédonie.

La faute est double. Un, la Nouvelle-Calédonie n’est pas le Mali : ici, il est question de rébellion contre un Etat aux frontières reconnues que l’on veut disloquer ; là, d’une question de décolonisation. Deux : le concept « d’indépendance-association », rejeté aussi bien par les Français que par les indépendantistes néo-calédoniens a inspiré, pour le cas malien, le concept de « large décentralisation ». Sur cette proposition, le Pacte National a été signé. La suite est connue : les rebelles continuent à se battre pour la reconnaissance de ce que ce pacte leur a offert comme sur un plateau d’argent : une autonomie du Nord qui évite de dire son nom, bien que réelle.

Ibrahim Boubacar Keïta est en passe d’être le deuxième à commettre la faute. L’on se rappelle que la Conférence d’Entente Nationale avait retenu, parmi ses recommandations, « des mesures spéciales de cessation de poursuite ou d’amnistie en faveur de certains acteurs de la rébellion armée de 2012.» Avec le souci de mettre en œuvre cette recommandation, le Chef de l’Etat a déclaré, dans son Message à la Nation du 31 décembre 2017:
« Suivant ces recommandations, je ferai initier dans les semaines qui viennent un projet de loi sur l’Entente nationale. Ce texte proposera notamment :
- l’exonération de poursuites de tous ceux impliqués dans une rébellion armée, mais qui n’ont pas de sang sur les mains ;
- des mesures d’apaisement après l’accélération des procédures en cours et les réparations accordées aux victimes reconnues ;
- un programme de réinsertion pour tous ceux qui déposeront les armes et s’engageront publiquement à renoncer à la violence. »

L’intention est noble. Tout ce qui concourt à l’instauration de la paix, de la stabilité, de la concorde entre les Maliens, ne peut être que favorablement accueilli. Mais la manière dont cette loi va être initiée inspire le scepticisme quant à son efficacité. En effet, instruction a été donnée au Premier ministre d’élaborer le projet de loi. Ce dernier prend l’avion pour se rendre à Alger s’inspirer de ce qui y été fait par la passé avec « la Concorde civile » et la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » : deux textes voulus par Abdelaziz Bouteflika pour réintégrer dans la vie nationale ceux qui s’en étaient eux-mêmes exclus en perpétrant des actes de violence, de terrorisme.

L’expérience algérienne a été concluante : les deux textes de loi ont eu, comme conséquence : la reddition de plus de 6 000 islamistes, la libération de 2 200 prisonniers incarcérés pour faits de terrorisme, le retour d’exil des responsables du FIS (Front Islamique du Salut), le dépôt des armes par les combattants du Groupe Armé islamique (GIA), une fructueuse collaboration entre certains anciens chefs terroristes et les services de sécurité...

Cependant, force est de reconnaître que le cas malien diffère fondamentalement du cas algérien. En Algérie, c’est un parti politique légalement constitué, le FIS, qui, privé de sa victoire aux élections de proximité, a pris les armes pour faire valoir ses droits, non pour disloquer le pays ; au Mali, ce sont des mouvements armés qui se sont constitués pour provoquer la dislocation du territoire national.

En Algérie, c’est un pouvoir fort qui, après avoir maté la sédition a octroyé une loi amnistiante et une charte de réconciliation nationale à ceux des séditieux qui se repentiraient et déposeraient les armes. Au Mali, c’est un Etat pratiquement sous tutelle, fragile qui se trouve confronté à des mouvements armés qui ne cessent de le narguer, comme l’attestent certains faits récents (tournée des certains responsables de la CMA aux Etats-Unis, communiqué annonçant la célébration du 17 janvier) ou anciens (interdiction aux représentants du pouvoir central de se rendre à Kidal et dans sa région).

Alors, pour qui la loi d’Entente Nationale ? Pour Hassan Ag Fagaga, grand déserteur devant l’Eternel, aujourd’hui maître incontesté de Kidal ? Qui, aujourd’hui, des rebelles et de l’Etat malien, peut accorder quelque chose, une amnistie par exemple, à l’autre, vu le rapport des forces ? Assurément, comme l’enseigne la sagesse bamanan : « Deux choses peuvent être noires et luire différemment » : ce qui a réussit en Algérie risque de se révéler inefficace au Mali.

LA REDACTION
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