Alors que les feux du « Printemps arabe » et le rêve du Califat s’éteignent lentement dans un Moyen-Orient qui retourne progressivement à son éternelle routine animée par le ballet des dictatures et un chassé-croisé irano-saoudien sur fond de tensions confessionnelles sunno-chiites, une nouvelle guerre de grande envergure sourd déjà, dans le Sahel cette fois ; en Afrique de l’Ouest, où les troubles divers qui écartèlent le Mali font tache d’huile et inquiètent de plus en plus directement les États voisins, et même Paris et Bruxelles.
Au nord, rien de nouveau
Si Kidal demeure impénétrable, Tombouctou et Gao, les deux seuls autres centres urbains du nord, sont plus abordables par un observateur occidental. Non, toutefois, sans quelques précautions élémentaires…
C’est à Tombouctou que mon voyage à travers le Mali et la Mauritanie a commencé.
Un début « prometteur », marqué d’emblée par une attaque spectaculaire contre le centre administratif de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali), menée par le groupe djihadiste Ansar ed-Dine (les « défenseurs de la religion », dirigé par Iyad Ag Ghaly). Cette base onusienne a été implantée au cœur de la ville de Tombouctou (et non dans le « super-camp », zone fortifiée située à quelques kilomètres de l’agglomération, à proximité de l’aéroport local), précisément dans le but de démontrer, d’une part, que la mission de l’ONU pouvait s’intégrer à la population et n’en était pas coupée, par aucune barrière, et, d’autre part et surtout, que la sécurité avait été restaurée à Tombouctou…
Le 14 août 2017, cependant, le choc subi par les forces onusiennes (et la non-intervention des forces françaises de l’opération Barkhane pourtant situées à 5 km de la zone des combats) a montré que l’Occident ne peut pas maîtriser les insurrections qui se pérennisent dans le nord et le centre du Mali et qui s’étendent à toute l’Afrique de l’Ouest, un mouvement de révoltes qui anime plusieurs ethnies et présente un fort ancrage islamiste, comme dénominateur commun et qui n’entre pas en conflit avec les traditions locales.
L’événement a pourtant été largement passé sous silence, et les conséquences de l’attaque n’ont pas été correctement appréciées. Probablement parce que le nombre de victimes a été relativement limité et n’a concerné que des « indigènes » ; mais ce fut un incroyable coup de chance…
Le fait que les djihadistes qui ont donné l’assaut à la base de l’ONU dans Tombouctou aient eu à la fois le nombre de combattants nécessaire et les informations utiles pour pénétrer jusqu’au centre du camp des forces onusiennes et provoquer l’évacuation de la mission civile vers le super-camp démontre que la situation échappe désormais à tout contrôle.
En outre, cette importante attaque sur le QG de la MINUSMA à Tombouctou aurait été coordonnée avec celle qui a eu lieu le même jour à Mopti, dans le centre du Mali, contre une autre base onusienne. Le bataillon du Togo y a subi des pertes…
À Tombouctou, les djihadistes ont apparemment choisi le moment du déjeuner pour attaquer, lorsque le personnel originaire de la ville avait quitté la base et que le personnel étranger était rassemblé dans le réfectoire, de sorte à tuer un maximum de personnes et à frapper le plus grand nombre de nationalités possible.
L’attaque a été menée par deux commandos et a mobilisé une dizaine de djihadistes, qui ont investi le centre de Tombouctou : ils sont descendus de deux véhicules, un tout-terrain blanc et un pick-up. Le premier commando était constitué de quatre hommes : ils ont approché avec beaucoup de calme l’entrée de la base de l’ONU, une zone fortifiée autour de l’hôtel Hendrina Khan, réquisitionné pour loger le personnel onusien, avant de soudainement découvrir leurs armes et d’ouvrir le feu sur les agents contrôleurs du check-point ; les assaillants se sont ensuite précipités en direction des blocs préfabriqués qui abritaient les bureaux de l’administration en arrosant les installations de balles qui ont traversé les parois de tôle, criblant le mobilier par-dessus les têtes des agents de l’ONU couchés au sol.
Un second commando suivait le premier ; il s’est immédiatement dirigé vers l’hôtel, où une grande partie du personnel était réunie dans le réfectoire, au cœur de la base. Un des djihadistes a détruit le centre des communications par un tir de roquette, isolant dès lors la base du « super-camp » (où sont stationnées les troupes de la MINUSMA) et des forces françaises de l’opération Barkhane, également basées à côté de l’aéroport de Tombouctou.
L’armée française avait toutefois été informée des événements dès le début de l’attaque, juste avant la coupure des communications. Selon les militaires français que j’ai pu interroger sur place, « les véhicules et les hommes ont été très rapidement mis en ordre de marche, mais il fallait le feu vert de l’état-major, qui a mis plus d’une heure pour parvenir à l’unité » ; c’est donc une heure et quarante-cinq minutes après le début de l’attaque que les blindés français sont arrivés sur les lieux.
Tandis que le premier commando occupait les casques bleus, un des hommes du second commando s’est rué en direction du réfectoire et a jeté une grenade dans la pièce, avant d’être abattu par un des membres de la sécurité onusienne.
L’engin n’a pas explosé : lorsque le djhadiste a dégoupillé la grenade, l’anneau s’est détaché de la goupille qui, par chance, est restée en place.
Sans cet extraordinaire « coup de bol », c’est l’ensemble du staff international qui aurait été atteint ; et certainement l’événement aurait-il alors fait la une des média d’information. Aussi, considérer que l’attaque a été un échec serait faire preuve d’un singulier déni, d’un refus de tirer les enseignements de l’événement et d’admettre la réalité des nouveaux rapports de forces qui se sont instaurés… jusqu’à ce que, une fois prochaine, la goupille se détache effectivement de la grenade…
Il apparaît en effet que les djihadistes connaissaient parfaitement la configuration des lieux ; et certains enquêteurs en concluent qu’ils disposaient d’informateurs au sein du personnel auxiliaire engagé localement.
L’échange de tirs entre les assaillants et les casques bleus burkinabés qui gardaient la base a duré près de deux heures. Sept djihadistes ont été tués et des militaires maliens en ont capturé un, lequel avait tenté de fuir après avoir jeté son arme ; toutefois, selon certaines rumeurs persistantes (et non démenties), l’individu aurait été exécuté et ne pourrait donc plus être questionné.
Le groupe armé qui a organisé l’attaque a néanmoins commis une erreur, en mitraillant les cinq agents contrôleurs du premier check-point : « Ils étaient tous des enfants du pays ; et beaucoup de familles de Tombouctou sont très choquées », s’indigne un habitant interrogé. « Et en plus, ils n’étaient même pas armés. »
Comme l’explique un représentant de l’administration locale, « la population de Tombouctou est partiellement ‘maillée’ avec certains groupes djihadistes ; les collusions locales existent : liens familiaux, trafics divers, etc. Mais le deal, c’est que les habitants ne doivent pas pâtir des combats. » Un ami Touareg m’a introduit parmi ses proches : « Les assaillants ne sont pas d’ici ; ils n’ont pas respecté les règles… », me dit l’un d’eux. « S’il font ça, maintenant, Ansar ed-Dine ne sera plus du tout bienvenu à Tombouctou. »
Ce massacre ne laissera pas la population indifférente… Ce pourquoi l’attaque n’a finalement jamais été revendiquée.
Toutefois, plusieurs sources au sein de la MINUSMA et de la population de Tombouctou attribuent sans doute aucun l’attaque au mouvement peul d’Amadou Koufa, le Front de Libération du Macina (FLM), depuis peu rebaptisé Ansar ed-Dine Macina (après avoir fusionné avec le mouvement d’Iyad Ag Ghaly) et allié d’AQMI (al-Qaeda au Maghreb islamique). Le FLM aurait dès lors dépassé ses revendications originelles, essentiellement liées à l’amélioration des conditions de vie des Peuls au Mali, pour dorénavant partager les objectifs djihadistes d’AQMI.
Ce sont donc des combattants originaires du centre du Mali qui ont mené l’offensive contre l’ONU à Tombouctou. Le fait est nouveau…
Désormais, les factions djihadistes ont uni leurs forces et agissent en front commun.
Gao
J’ai ensuite rejoint Gao. Par le même biais que, de Bamako, j’avais gagné Tombouctou, à savoir un avion spécial de l’ONU. Il serait en effet littéralement « suicidaire » pour un « petit blanc », désormais et plus que jamais auparavant, de se déplacer par la route dans le nord du Mali, comme je l’avais fait en 2012 en traversant le désert en jeep de Bamako à Tombouctou. « Suicidaire », car les derniers cas d’enlèvements d’Occidentaux se sont mal terminés, par l’exécution des prisonniers, quand ces derniers n’ont pas tout simplement disparu, sans que personne n’en ait jamais plus reçu la moindre nouvelle.
Néanmoins, il était impératif de rencontrer la population de Gao, d’écouter les jeunes, les notables, les différents mouvements de la société civile, de passer avec eux du temps, pour apprendre et comprendre à la fois leur sentiment par rapport à la situation que vit le nord du Mali, depuis 2012, et à la fois leurs attentes et leurs intentions.
Gao n’est cependant pas sûre ; le risque d’enlèvement y est très élevé, et plus aucun Occidental ne s’aventure dans les rues de la ville, même en pleine journée. Il m’a donc fallu m’entourer de nombreuses garanties (autant que faire se peut), et obtenir la protection de quelques personnalités influentes ; mais j’ai surtout compté sur la force citoyenne des « patrouilleurs ».
De toute évidence, les habitants de Gao sont très contrariés par « le retour du Mali » dans la région ; et ce n’est qu’après un long bras de fer avec Bamako qu’ils ont cessé de s’opposer, in fine, à l’investiture d’un gouverneur dépêché par la capitale : une longue crise, qui a duré tout l’été 2017.
J’ai abordé très directement la question du rétablissement de l’autorité de l’État malien avec les jeunes (et moins jeunes) du mouvement de résistance civile de Gao qui (un peu poussés par les très riches commerçants et trafiquants de la ville) se sont durement opposé au gouverneur désigné par Bamako, lequel entendait rétablir l’autorité de l’État, après l’expulsion des djihadistes, et réimposer les institutions gouvernementales.
J’avais pris contact avec quelques-uns de leurs leaders, qui m’avaient fixé rendez-vous dans un des quartiers populaires de Gao. Je ne devais quitter le super-camp de la MINUSMA, où j’avais établi mon logement, qu’une grosse demi-heure durant (et à mes seuls risques et périls), une heure au plus. Mais, arrivé au lieu du rendez-vous, une grosse centaine de « jeunes » m’attendaient dans la vaste cour d’une maison cernées de murs d’adobe, des jeunes passionnés et bien décidés à s’exprimer ; le sol en terre avait été balayé du sable que le vent infiltre partout, et des bancs avaient été alignés, en carré…
– On n’a plus besoin du Mali à Gao !, m’a d’emblée lancé un des leaders du mouvement. Où était-il le Mali ? Où était-il l’État malien, lorsque les rebelles du MNLA (le Mouvement national de Libération de l’Azawad est le principal groupe armé, essentiellement touareg, qui s’est insurgé en 2011 contre l’autorité de Bamako, avec pour objectif l’indépendance de l’Azawad, à savoir le nord du Mali) sont arrivés ici ? Ils se sont tous enfuis, les fonctionnaires, les militaires… Les autorités ! Et les gens du MNLA, ils ont commis beaucoup de larcins : ils te prenaient ton véhicule ou ta moto, tu devais payer pour passer les contrôles… C’est pour ça que les jeunes de Gao se sont organisés, pour former des patrouilles et les chasser de la ville.
– Le MNLA ne vous a pas résisté ?
– Bon… On a fait appel aux djihadistes, me répond un autre intervenant. C’est eux qui ont chassé le MNLA de la ville. D’abord, ils étaient alliés, puis ils se sont fâchés, et comme les djihadistes ont vu que nos patrouilles assuraient l’ordre et la paix en ville, ils nous ont laissé faire.
– Donc, vous avez collaboré avec les djihadistes ?
– À Gao, nous sommes tous musulmans. À part quelques détails, comme couper la main des voleurs… Mais il ne l’ont fait que trois ou quatre fois… Tout ce qu’ils disent, c’est dans le Coran. Donc, ça ne pose pas de problème, ici.
– Les habitants de Gao n’étaient pas opposés aux djihadistes ?
– Quelqu’un n’est pas musulman, ici ?, demande mon interlocuteur en s’adressant à la foule qui ne cesse de croître autour de nous, au fur et à mesure que la discussion progresse et que de nouveaux arrivants rejoignent le groupe. Non ? Personne ? Bon… Tu vois : on est tous musulmans. Il y avait quelques Chrétiens, mais ils sont partis et on ne les a plus revus. En plus, ils ont rétabli l’ordre et la justice, qui fonctionnait bien. Les gens n’étaient plus rackettés par les fonctionnaires de Bamako. Il y a beaucoup de gens qui pensent que c’était mieux sous l’occupation.
– Pourtant, c’est la population de Gao qui a manifesté, massivement, pour qu’ils quittent la ville… Non ?
– Oui, parce qu’à un moment ils sont allés trop loin. Ils ont voulu empêcher les jeunes de fumer ou bien de jouer avec la playstation tard le soir devant la porte, d’écouter de la musique la nuit, dans la rue. On ne pouvait plus jouer au foot sur la place… On en a eu marre !
– Et ils sont partis ?
– Les djihadistes ? Non !, s’exclame un jeune garçon. Enfin, oui… Mais il y en a encore beaucoup qui sont avec nous… Les Maliens en ont arrêtés, mais ils ont été relâchés, tous les chefs ont été relâchés ; ce sont des gens connus à Gao, importants, riches, et ils vivent dans leur maison, ici, en ville. Après, le Mali est revenu à Gao. Nous, on voulait le départ des djihadistes, mais on ne voulait pas le retour du Mali. On se débrouille très bien sans lui.
– Des djihadistes qui ont participé à la guerre de 2012 vivent ici, à Gao ? Librement ?
– Oui, oui ! Bien sûr !, renchérit un autre. Mais c’est normal… Toi, ça te paraît bizarre, parce que tu viens de Bamako. À Bamako, ils ne peuvent pas comprendre ça : les « terroristes », comme ils disent là-bas… Ici, ils sont nos frères. Ils sont parfois de la famille ; on les connaît. Ce ne sont pas des envahisseurs venus de Libye ou d’Algérie ; ce ne sont pas des ennemis… On peut s’expliquer, résoudre les problèmes ; on peut s’entendre avec eux… On s’assoit avec un thé, et on discute… Et on s’arrange… Ils ne sont pas plus bêtes que d’autres. Tu comprends ?
– Vous dites tous souvent « le Mali », en parlant de Bamako, du gouvernement. Vous dites « le retour du Mali ». Ce n’est pas le Mali, ici, à Gao ? Vous n’êtes pas des « Maliens » ?
– Ici ?! Non ! Ce n’est pas le Mali !, hurle du fond de la cour un jeune homme, applaudi par l’assemblée et suivi pas des rires et tout un brouhaha. Ça n’a jamais été le Mali !, reprend le jeune homme après que le calme est revenu. Les Maliens, tu les trouveras plus au sud !
– Ni Gao, ni Tombouctou, ce n’est pas le Mali !, poursuit un autre. Je suis de Tombouctou ! Ni Gao, ni Tombouctou, ni Kidal !
– L’image que vous donnez de Gao n’est pas vraiment celle que véhicule la presse internationale… On prétend au contraire que la population du nord était hostile aux djihadistes et que vous êtes heureux du retour de l’État malien ; que vous vous considérez comme maliens, et même que vous êtes reconnaissants à la France de vous avoir aidés…
– Tu veux que je te dise ? Tu es le premier journaliste occidental qui est venu seul, ici, pour nous voir et nous parler. Les autres, ils racontent n’importe quoi ! Et je compte sur toi pour ne pas déformer mes paroles et nous faire passer pour ce que nous ne sommes pas ; on t’a fait confiance en t’acceptant ici. C’est pour cela qu’il y a autant de personnes qui se sont déplacées pour te dire ce que, nous, on pense vraiment. Nous, on vient de tous les quartiers de la ville, et on sait ce que veulent les gens, ici. C’est nous, Gao ! Et l’État malien, on n’en veut plus. Ici, ce n’est pas le Mali ! Tout le reste, ce sont des mensonges !
Le lendemain, j’ai rencontré l’assemblée des notables de Gao. Une poignée de riches commerçants m’ont reçu dans la maison de leur chef. J’ai posé les mêmes questions, mais la discussion tournait en rond ; la langue de bois était de mise face à ce journaliste européen qu’ils ne connaissaient pas. Il n’était question que de « respect », « d’honneur », du « manque de considération des autorités maliennes » envers les notables de la ville… Au bout d’un moment, il était devenu évident que je ne tirerais rien de ces barbes blanches à l’air digne et au regard sévère qui n’attendaient qu’une chose : ayant fait leur devoir d’hospitalité à mon égard, ils voulaient que je m’en aille.
Je reformule cependant une dernière fois ma question : « Pourquoi n’avez-vous pas voulu du gouverneur dépêché par Bamako ? Je comprends vos griefs ; il vous a manqué de respect en ne vous invitant pas à le conseiller, comme vous me l’avez bien expliqué… Mais c’est quand même un peu léger comme justification d’une telle opposition… »
La question fait mouche. Le chef des notables, exaspéré par mon insistance, s’emporte l’espace d’un bref instant : « Nous ne voulons pas d’un gouverneur qui ne ferait pas ce qu’on veut ! » Avant d’immédiatement recouvrer sa contenance, après s’être rendu compte qu’il venait de se trahir.
Silence gêné… Il est temps de dire au revoir.
Comme je l’apprendrai plus tard en conversant avec d’autres acteurs de la société civile, les commerçants de la ville regrettent les mois durant lesquels l’État a été totalement absent de Gao ; ils avaient alors la mainmise totale sur la ville et décidaient seuls de tout ce qui se faisait ou non dans la région. Ils ne payaient plus aucune taxe ni impôt, avaient un accord avec les djihadistes et s’adonnaient à de nombreux trafics aussi lucratifs qu’illégaux en temps normal.
C’est pourquoi plusieurs de ces nobles vieillards ont poussé les jeunes à manifester contre « le retour du Mali » ; du moins jusqu’à ce qu’un semblant de compromis fût trouvé avec Bamako… Le président de la république malienne, IBK (Ibrahim Boubacar Keïta), dont les projets de réformes constitutionnelles étaient de plus en plus ouvertement contestés par la rue et dans la capitale même, a fini par céder, soucieux de ne pas perdre davantage la face alors que les habitants de Gao lui avaient adressé un ultimatum : la ville proclamerait son indépendance si Bamako ne lui envoyait pas un autre gouverneur… plus « compréhensif ».
* * *
Ainsi, rien de nouveau dans le nord du Mali, cette vaste région comprise entre Tombouctou, Kidal et Gao. Ou plutôt, si : ce qui y est nouveau, c’est l’expansion des groupes armés, à savoir des organisations criminelles, petites bandes ou réseaux plus vastes, qui profitent du chaos, de l’absence de l’État.
L’État malien… Ses représentants sont revenus dans le nord ; mais à peine tolérés, ou dépendants du bon vouloir des véritables maîtres des lieux, comme à Kidal où le gouverneur n’a pu entrer dans la ville qu’une fois adoubé par les rebelles de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Ils n’ont qu’une autorité toute théorique et peinent à garder bonne figure.
Les groupes armés bénéficient aussi de la faiblesse des forces onusiennes et françaises et font prospérer les trafics en tous genres. A ceux-là, s’ajoutent encore les factions armées locales qui imposent leurs lois (ces dernières étant souvent étroitement liées aux premiers, quand il ne s’agit pas tout simplement des mêmes acteurs) et, surtout, les organisations djihadistes désormais alliées et qui ont ainsi accru leur potentiel de nuisance et leur efficacité logistique ; elles ont la main sur la plupart des groupes armés et factions, et Iyad Ag Ghaly, à la fois rebelle touareg et sabre de l’Islam, chapeaute l’ensemble.
D’année en année, depuis 2011, de mois en mois, la situation sécuritaire se dégrade dans le nord, et l’Azawad s’affirme de plus en plus comme l’épicentre du nouveau foyer mondial du djihad.