L’éducation est l’un des principaux défis de notre pays, qui a hérité d’un système éducatif qui coûte cher à l’Etat sans que la qualité de service soit au rendez-vous. La question est importante. Une jeunesse mal formée est un risque de basculement dans le chaos. Toute la société est responsable de cet état de fait et l’Etat en premier lieu.
Les causes de ces défaillances du système éducatif sont nombreuses. Une école publique malade de ses enseignants chasseurs de prime dans le privé, un programme d’enseignement archaïque, le désengagement de l’Etat expliquent en partie le problème. Le temps est loin où le Mali se vantait d’avoir des ressources humaines de qualité.
Le niveau de l’enseignement baisse d’années en années sous la surveillance coupable d’un Etat défaillant dans le recrutement des enseignants, dans le traitement de ses citoyens. Le parachutage de jeunes sans aucune formation dans les classes est un problème récurrent et inextricable du système éducatif .S’y ajoute le déclin des valeurs qui fondaient notre société. La réussite par l’éducation n’est plus citée comme exemple. Une nouvelle forme de réussite est mise en avant avec à la clé la promotion des footballers, des danseurs et des musiciens qui se glorifient de n’avoir jamais fréquenté les bancs.
Du fait de l’absence de formations adéquates et d’un accompagnement approprié à l’emploi, les jeunes maliens souffrent gravement du chômage ou de sous-emploi. Un pays qui aspire au développement et qui connaît un taux de chômage estimé à 60% avec plus de 100 000 nouveaux diplômés qui arrivent chaque année sur le marché du travail, ne peut espérer un décollage économique rapide. Touchée par la dureté de la vie, la jeunesse est abandonnée à elle-même sans accompagnement. Après plusieurs programmes gouvernementaux coûteux qui ne semblent pas avoir eu un grand impact, il devient urgent que le gouvernement malien repense sa politique de l’emploi en commençant d’abord par adapter la formation aux besoins sociaux-économiques du pays. En toute lucidité, il est impossible de faire l’état des lieux du chômage au Mali, l’Etat manquant de moyens statistiques de contrôle précis.
Sans formation, sans emploi, la voie du fanatisme est toute tracée pour des jeunes qui sont exploités par des imams et des pseudo-marabouts. La faillite est d’abord religieuse avant d’être sociale et politique. Sur le plan religieux, il y a un échec de l’enseignement religieux traditionnel dont la responsabilité incombe aux marabouts et chefs religieux. Sur l’autel du prestige et de la richesse, certains guides ont failli à une mission d’éducation des maliens dans les valeurs de respect, de l’amour du travail. Les voies tracées sont loin de celles recommandées originellement par l’islam. C’est ensuite l’échec d’un Etat complaisant et faible, incapable d’assurer une éducation de base à sa jeunesse. Cette carence est accentuée par une démission totale sur le plan sécuritaire dans les quartiers de la banlieue ou les pseudo-marabouts ont pris le relais. Enfin, l’absence d’autorité parentale est un facteur important du recul de l’éducation. Beaucoup d’enfants sont abandonnés dans la rue, jetés à la merci de vendeurs d’illusion qui en font un fond de commerce auprès de politiciens véreux.
Dans l’état actuel de la situation, cette pensée de François Guizot semble adéquate à la réalité malienne : « Le mépris du travail, l’orgueil de l’oisiveté sont des signes certains, ou que la société est sous l’emprise de la force brutale, ou qu’elle marche à la décadence ».
Il y a lieu et moyen d’arrêter cette marche vers la décadence. Inverser la tendance de l’échec scolaire passera nécessaire par un recrutement sérieux des enseignants et une formation adaptée à leurs missions. Il faudra aussi avoir le courage de combattre le clientélisme politique de circonstance dans le syndicalisme de l’enseignement. La politique du nombre ne rend pas toujours compte toujours de l’efficacité de notre système éducatif : le montant du budget alloué à l’éducation et le nombre de classes ouvertes ne sont pas des indicateurs de qualité de l’enseignement dispensé ni de ses résultats en termes d’insertion et d’employabilité. Si certaines réclamations salariales des syndicats sont légitimes, de même que leur combat pour l’amélioration de leurs conditions de travail, il est tout à fait inacceptable de faire de la grève un moyen de pression qui prive les jeunes maliens d’une éducation de qualité.
Avoir le courage des actes c’est aussi promouvoir une formation professionnelle de qualité pour tous les jeunes en rupture scolaire par l’adaptation des programmes aux besoins des entreprises. Enfin, une révolution culturelle et sociétale s’impose : rompre avec la facilité par la récompense de l’effort, l’encouragement des initiatives, la promotion des valeurs du mérite. Réprimer sans faiblir mais sans abus, juger sans sentiment dans l’équité et l’application du droit. Combattre ces marabouts véreux qui sont une maladie pour notre société par la dissolution de tous les groupes ou milices à caractère religieux. Assurer comme il se doit la sécurité des personnes et biens est un impératif pour un Etat qui se respecte en mettant nos forces de l’ordre dans les conditions d’assurer cette mission régalienne.
Ce changement de comportement est valable pour les hommes politiques et pour les agents de l’Etat. Pour cela nos hommes politiques doivent méditer cette pensée d’Emile Durkheim « Le devoir de l’homme d’État n’est plus de pousser violemment les sociétés vers un idéal qui lui paraît séduisant, mais son rôle est celui du médecin ; il prévient l’éclosion des maladies par une bonne hygiène et, quand elles sont déclarées, il cherche à les guérir. »