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Dakar-Bamako Ferroviaire : Le train roule malgré les obstacles
Publié le mercredi 24 janvier 2018  |  L’Essor
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© aBamako.com par Androuicha
Visite de terrain du Ministre des Transports
Bamako, le 08 janvier 2018. Le tout nouveau ministre des Transports et du Désenclavement, M. Moulaye Ahmed Boubacar est allé s`imprégner des réalités du train voyageur de la ligne ferroviaire Bamako-Dakar. De la gare de ``Railda``, il s`est rendu par train à l`entrepôt de maintenance sis à Korofina.
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Absence de financements structurants, vétusté et détérioration de la voie ferrée, mauvais état des locomotives et arriérés de salaires… rien ne semble arrêter la volonté des autorités et des travailleurs de faire avancer les locomotives

Le transport se voit souvent assigner une antériorité (priorité de temps) et un rôle déterminant dans le processus de développement et de croissance économique d’un pays. L’histoire du transport ferroviaire dans notre pays s’inscrit dans cette vision globale de progrès. En inaugurant, en janvier 1924, la voie ferroviaire reliant le vaste bassin du Niger, cœur continental de l’avancée coloniale française en Afrique de l’Ouest, aux côtes atlantiques, l’ambitieux administrateur de l’ancien Soudan français, le commandant Gallieni ne se doutait guère que cette voie allait aussi impacter l’histoire politique, économique voire sociale du Mali et du Sénégal aujourd’hui.
Cet investissement n’a en réalité rien de révolutionnaire, selon les historiens du chemin de fer. Mais il est bon de le rappeler pour la jeune génération qui semble lier l’évolution des transports dans notre pays exclusivement à celle de l’automobile. Durant plusieurs décennies, notre pays a vécu une intense histoire d’amour avec les trains et le chemin de fer avant que le règne du transport routier et aérien ne plonge dans l’oubli le mystique «Dakar-Bamako».

L’espoir d’une renaissance. Pour reprendre l’expression du poète et philosophe Ralph Waldo Emerson : «le chemin de fer a eu ce mérite de transformer ce qui était une contrée agricole en capitale économique, bref en un pays». Instrument de la conquête coloniale, le train a converti en un pays unifié, un ensemble de territoires sauvages, disparates et disjoints. Comme cette histoire a tous les traits d’une épopée, elle a été racontée à de multiples reprises, souvent, avec toutes les déformations du mythe et les exagérations de la légende.

«C’est le chemin de fer qui a fait le Soudan français et c’est par lui que le développement économique du Mali se fera », lance un vieux cheminot rongé par les aléas du temps mais surtout par la précarité de sa société (ex Régie des chemins de fer). Personne ne peut lui reprocher de mal s’accommoder de la situation de son entreprise qui ne lui a pas versé un kopeck depuis août dernier. Mais il garde intacts sa conviction et son dévouement pour la renaissance du trafic ferroviaire.

En tout cas, la reprise du train voyageur redonne espoir au cheminot. Il rappellera que l’histoire de la voie ferrée est légendaire. Elle était longue de 1 289 kilomètres et reliait Dakar à Koulikoro, une ligne tracée au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Après le vote des crédits par le Parlement français, le 24 février 1881, il a fallu attendre près de 43 ans pour voir la totalité de la ligne Dakar-Koulikoro, inaugurée.
Avec le train, la France acheminait, via le port de Dakar, minerais et autres produits agricoles. Il a été aussi un instrument de domination. Outre le transport d’arachides et des passagers, les rails transportaient les troupes coloniales à la conquête du Soudan français (actuel Mali), révèle notre interlocuteur. Chronologiquement, l’on retiendra que le colonisateur a exploité ce corridor jusqu’en octobre 1947 quand les cheminots entamèrent une emblématique grève de près de 6 mois. Cet arrêt de travail participait de la lutte anticolonialiste. En 1962, l’ex Régie des chemins de fer de l’Afrique de l’Ouest est scindée entre le Mali et le Sénégal.

Après plus de 70 ans d’exploitation, l’entreprise (même avec des repreneurs stratégiques) peine à élaborer un solide plan de financement. Après moult plans de restructuration, la gestion de la ligne sera réunifiée et confiée successivement à CANAC (une société canadienne), puis Savage (une entreprise américaine) et enfin en 2003 Advens (une société française). Mais aucune de ces entreprises n’a pu entretenir l’espoir. Cette concession intégrale ne tiendra pas longtemps puisque la convention sera résiliée en 2015.

L’année d’après, les deux Etats décidèrent de créer une structure interétatique dénommée : «Organe provisoire de gestion de la phase transitoire» avec pour mission de gérer l’activité ferroviaire jusqu’à la mise en œuvre d’un nouveau schéma institutionnel.
Cette relance découle de la volonté des autorités de donner un nouveau souffle à l’entreprise dont l’histoire se conjugue fondamentalement avec celle du pays. Le responsable administratif et financier de Dakar–Bamako ferroviaire (DBF), Djibril Naman Keita observe que tout est parti de la volonté du gouvernement, sous l’impulsion du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keita, de relancer le transport ferroviaire.

«Pour matérialiser cette volonté politique, l’entreprise a proposé des mesures, notamment l’acquisition de nouvelles locomotives et voitures, la réhabilitation des points critiques de la voie ferrée et l’apurement des arriérés de salaires. Ces actions seront évaluées à 4,6 milliards de Fcfa. Elles n’ont pu être concrétisées puisque les multiples tentatives de rentrer en possession de ce fonds sont restées vaines. Nonobstant ce manque de ressources financières, les cheminots se sont remobilisés pour réhabiliter la seule voiture et locomotive encore en état de marche. Il y a eu un premier essai pour relier Bamako à Kayes en décembre passé, explique notre interlocuteur.


Le train génère plusieurs activités génératrices de revenus
Réformes structurelles. Il révélera que cet essai a permis de déceler des problèmes dans cette locomotive et de les réparer, tout au long du trajet qui a duré plus de 16 heures.
Un constat patent : une dégradation inquiétante des rails presqu’impraticables par endroits. La vitesse de croisière du train ne dépasse pas 20 km à l’heure. « Malgré ces difficultés criardes, nous avons décidé de reprendre l’activité «voyageur» en rétablissant toutes les anciennes gares ferroviaires le long du corridor», souligne le responsable de la société du côté malien.
Avec l’engouement suscitée par cette reprise, les dirigeants ont engagé la réhabilitation d’une autre locomotive. Le train de marchandises continue aussi de desservir Bamako–Dakar en dépit des difficultés (avec un temps de rotation de 6 jours, soit 74 heures à la montée et 66 heures à la descente et une vitesse commerciale de 17km/h) qui génère un chiffre d’affaires mensuelle de 180 millions de Fcfa.

Les deux pays ont engagé un véritable chantier de rénovation allant de la réforme institutionnelle à la recherche de financement structurant. Le nouveau schéma prévoit la création de deux sociétés de patrimoine ferroviaire.
Dans chaque pays, l’exploitation commerciale et l’utilisation des infrastructures seront séparées mais relèveront d’un organe de régulation. Pour Djibril Naman Keita, cette réforme permettra de segmenter l’activité ferroviaire entre les secteurs public et privé. Ce qui favorisera la création de société de patrimoine d’exploitation et de régulation.
Pour le financement structurant, plusieurs cartes ont été mises sur la table. «En effet, le gouvernement, à travers le département en charge des Transports, a engagé des discussions avec de potentiels investisseurs. Ainsi, la société Dangote Cement Sénégal (DCS), filiale du groupe détenu par le milliardaire nigérian Aliko Dangote serait prête à redynamiser le corridor par la dotation de 8 locomotives neuves.
D’autres propositions intéressantes existent aussi, notamment le partenariat avec Dubaï Port Word, le groupement de BTP constitué du Turc Tasyapi ainsi que China Railway Construction Corporation.
Cette dernière entreprise propose même de réhabiliter le tracé en voie standard avec un plus large écartement que la voie métrique actuelle permettant de supporter le passage de wagons, plus chargés et de trains plus rapides et plus longs. Les deux Etats étudient avec intérêt les différentes propositions. Ils ont conjointement décidé d’investir dans le chemin de fer afin de maintenir son opérationnalité et songer à sa modernisation.

Les arriérés de salaire. La réussite de la réforme est intrinsèquement liée à l’adhésion totale des travailleurs de l’entreprise. Or, les travailleurs maliens de Dakar-Bamako ferroviaire vivent dans une précarité indescriptible.
En plus de percevoir des salaires modiques, comparés à ceux de leurs homologues sénégalais, nos cheminots attendent, aujourd’hui, plus de 5 mois d’arriérés de salaire. Pourquoi ce dossier coince ?

Sur cette question, le responsable du syndicat de l’entreprise, visiblement très remonté, précise que les problèmes sont récurrents depuis plusieurs années. La situation a atteint son paroxysme, depuis 5 mois, avec l’incapacité d’assurer le salaire des travailleurs.
«La réunion des ministres en charge des Finances et Transports du Mali et du Sénégal, tenue en 2015 avait décidé de résilier la convention de concession et de créer des organes de gestion de la phase transitoire. Ils avaient également décidé que chaque pays prenne en charge son personnel en attendant la mise en place du nouveau schéma institutionnel. «Aujourd’hui nos collègues sénégalais reçoivent régulièrement leurs salaires pendant que nous, nous avons des arriérés qui s’accumulent», fulmine un responsable syndical.
Ainsi va Dakar–Bamako ferroviaire. Une entreprise qui continue de battre de l’aile. L’absence de financement structurant, la vétusté et la détérioration de la voie ferrée, le mauvais état des locomotives et les arriérés de salaires compliquent les choses. Mais cela n’entame en rien la volonté des 1 121 agents (631 pour le Sénégal et 490 pour le Mali) du DBF à donner un nouveau souffle à leur entreprise. Vivement un nouveau schéma institutionnel.

Doussou DJIRé
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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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