Quand je lis aujourd’hui les déclarations d’un jeune frère Touareg, colonel de son état et en rupture de ban avec son corps dit la grande muette, contant à un journaliste algérien d’Awatan (du 24 juin 2007) que ses pères émérites Hamatou, fils de Fihroun et Intalla, fils de Illi, auraient commis une erreur de rester maliens au lieu d’aller avec les Français dans la fumeuse OCRS et que lui, mon jeune frère, affirme qu’avant l’indépendance ils ne «connaissait pas de noirs» et qu’il ne savait rien du sud de son pays, alors je suis très triste, mais absolument pas découragé et pas sans espoir !
Dans ce qu’il est convenu d’appeler la boucle du Niger, depuis des temps immémoriaux, Sonraïs, Touaregs et Peuls étaient et demeurent les trois enfants d’une même mère.
D’ailleurs, à Tondibi dans le Cercle de Bourem, «Sourgo nda Gaybo» (le Targui et le Sonraï ou le Blanc et le Noir) constituent le symbole réel, figé et légendaire de cette assertion. Ces trois ethnies constituent une famille, certes remuante, voir querelleuse mais toujours reconstituée et où règne une réelle affection, je dirai un amour presque charnel qui recoud les liens de «parenté» après chaque orage.
Sans être exhaustif, la légende de «Sourgo nda Gaybo» est la suivante : deux hommes, l’un de peau claire et l’autre de peau noire, sont frères utérins ; un jour, une violente querelle les oppose.
La colère monte à tel point qu’ils se déploient le sabre au clair, afin de s’engager dans un duel sans merci et qui ne se terminerait que par la mort de l’un ou de l’autre. Leur mère affolée les en dissuade ; mais ils refusent de l’écouter ; alors elle sort son sein droit et leur dit : «au nom de ce sein et de son lait qui vous ont nourri tous les deux, je vous supplie de retourner vos sabres dans leurs fourreaux de ne pas vous entre-tuer, de ne pas me rendre malheureuse et de ne pas rendre une mère indigne, celle qui survit à ses enfants» ! Les fiers et nobles guerriers, mais maudits enfants, refusent d’obéir à leur mère et se ruent l’un sur l’autre.
Alors Dieu qui a rendu les liens de la parenté sacrés, qui interdit de les rompre et qui a rendu les larmes de la mère puissantes et inviolables, fait tomber son décret et fige les deux hommes dans la pierre pour sceller à jamais l’existence et la coexistence pacifique de ces peuples.
Ceci me rappelle la prophétie de Nostradamus, concernant l’Homme d’Ivoire et l’Homme d’Ebène dont l’entente sauvera l’humanité.
Ainsi, mon Colonel, nous, Mandings, Sarakollés, Khassonkés, Bambaras, Sénoufos, Miniankas, Bobos, Bozos, Dogons, Peuls, Sonraïs, Armas, Maures et Touaregs, nous sommes ensemble et nous vivrons en paix ensemble ou nous disparaîtrons dans d’autres communautés, peut-être dans des conditions plus douloureuses.
Aussi loin que remonte la mémoire de notre peuple, dans les empires d’Aoudaghost, du Ghana,du Mali ou du Songhoy, nos peuples blancs et noirs ont toujours vécu ensemble. Ils vivront encore ensemble car nous sommes une nation qui a été «Arc-en-ciel» bien avant que les Boers ne colonisent l’Afrique du Sud.
Younous Hamèye DICKO, un extrait de son livre Anaïssoune