Près de 40 personnes, dont plus de la moitié sont des civils, ont péri dans des attaques au centre du Mali jeudi dernier, rapporte l’AFP citant des sources sécuritaires.
Opération qui marque la détérioration de la situation dans cette région aux confins du Burkina Faso et du Niger. Zone où se concentrent les premières opérations de la force conjointe antidjihadiste du G5 Sahel, organisation régionale regroupant ces trois pays, la Mauritanie et le Tchad.
Ainsi, 26 civils, dont six femmes et quatre enfants, ont trouvé la mort dans l’explosion d’une mine au passage de leur véhicule, parti de Djibo, au Burkina Faso, à destination de la foire hebdomadaire de Boni, dans le centre du Mali, selon un dernier bilan de la gendarmerie de Boni. Une source de sécurité malienne a accusé «les terroristes qui utilisent ces mines pour semer la terreur». Le 6 novembre, cinq civils, dont une adolescente, avaient été tués lorsque l’autocar qui les menait vers une foire hebdomadaire a roulé sur une mine près d’Ansongo (nord-est).
Par ailleurs, l’armée malienne a annoncé avoir tué sept assaillants et perdu deux militaires en repoussant deux attaques de djihadistes présumés aux premières heures jeudi. Les militaires maliens, qui ont enregistré deux morts dans l’attaque d’un poste de sécurité à Youwarou, tuant cinq assaillants, ont ensuite «découvert deux autres corps sans vie de terroristes», portant le bilan à sept morts parmi les auteurs de l’attaque, selon un communiqué de l’armée. L’autre attaque, qui n’a pas fait de victime, selon l’armée, s’est produite dans le secteur où 36 gendarmes maliens ont déserté la semaine dernière pour se diriger vers Bamako, où ils ont été mis aux arrêts dans l’attente de leur comparution en conseil de discipline.
Autre signe du malaise au sein de l’armée, un sergent a été arrêté dans le centre du Mali cette semaine et transféré à Bamako pour avoir publié une vidéo dans laquelle il a critiqué la hiérarchie militaire et la gouvernance du pays. «Malgré un premier rappel à l’ordre, un sous-officier s’épanche toujours et encore sur les réseaux sociaux, il est donc puni pour indiscipline militaire», a commenté l’armée malienne sur sa page officielle Facebook. Par ailleurs, deux douaniers maliens ont été tués mercredi un peu plus à l’ouest, à environ 200 km au nord de Bamako, dans une attaque qui a coûté la vie à l’un de ses auteurs, selon des sources de sécurité.
à la recherche du Nord perdu
Le nord du Mali est tombé, en mars-avril 2012, sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al Qaîda. Ces groupes en ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, qui se poursuit actuellement. En août 2014, Paris initie l’opération «Barkhane» qui relaie l’opération «Serval». Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques, malgré la signature de l’accord censé isoler définitivement les djihadistes mais dont l’application accumule les retards.
Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et au sud du Mali et le phénomène gagne les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger. Face à la dégradation de la situation aux confins de ces trois pays, le G5 Sahel a réactivé en 2017, avec le soutien de la France, son projet de force conjointe antidjihadiste, initialement lancé en novembre 2015.
En octobre dernier, des habitants de Kidal, dans le nord-est du pays, ont manifesté pour demander le départ des soldats français présents dans le cadre de l’opération «Barkhane».
Mercredi, le Conseil de sécurité des Nations unies a accordé jusqu’à fin mars aux parties maliennes pour montrer des avancées dans l’application de l’accord de paix signé en 2015, faute de quoi elles s’exposeront à des sanctions pour obstruction.
Les 15 membres du Conseil ont adopté une déclaration, préparée par la France, qui a «exprimé un sentiment partagé d’impatience concernant les retards persistants» dans la concrétisation de l’accord. Ils ont «l’intention de surveiller la situation de près et de réagir avec les actions appropriées si les parties devaient ne pas respecter leurs engagements» d’ici fin mars.
Le gouvernement malien a signé un accord de paix avec des coalitions de groupes armés en juin 2015, destiné à mettre fin aux combats, mais les rebelles restent actifs. Le gouvernement et deux groupes armés, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion) et la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 (pro gouvernementaux) ont accepté, la semaine dernière, que l’organisation non gouvernementale Carter Center agisse comme observateur indépendant.
Le Conseil de sécurité a évoqué «un besoin pressant de fournir aux populations du Nord et d’autres régions du Mali des dividendes tangibles et visibles de la paix» avant les élections prévues cette année. Lors de cette réunion à New York, l’ambassadrice des Etats-Unis auprès de l’ONU, Nikki Haley, a affirmé au ministre malien des Affaires étrangères, Tiéman Hubert Coulibaly, que son pays se trouve à un «moment charnière». Respecter l’accord de 2015 et mener des élections réussies est «crucial pour poursuivre la transition politique du Mali», a indiqué la représentation américaine dans un communiqué.
Un régime général de sanctions a été adopté par le Conseil en septembre face au risque d’effondrement de l’accord de paix. De larges pans du pays restent en proie aux combats et les Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) continuent d’être attaqués.
Le Conseil peut décréter une interdiction mondiale de visas et geler les avoirs de n’importe quel citoyen malien considéré comme entravant la paix. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a annoncé mardi la constitution d’une commission d’enquête internationale sur de graves infractions aux droits de l’Homme depuis 2012. Son rapport doit être rendu d’ici un an.