Après avoir raté le pompon présidentiel en 2002 puis en 2007, IBK, comme tous les autres candidats qui convoitent Koulouba, n’a pu se présenter en 2012 en raison du putsch militaire qui fit avorter le calendrier électoral. De nouveau candidat à la présidentielle de juillet 2013, le leader du RPM vient de renforcer les cordes de son arc en recevant le soutien de la junte militaire de Kati.
Longtemps, le capitaine Sanogo, chef de la junte, a voulu mettre en oeuvre son plan A: s’installer à Koulouba. Mais la chose a rencontré des obstacles de taille: opposition du FDR (front anti-putsch), suspension des aides internationales, mésententes dans l’armée et, surtout, embargo diplomatique, financier, culturel et sportif de la CEDEAO. Pour ne rien arranger, Sanogo ne trouve aucun moyen de libérer le nord du Mali, malgré sa bonne volonté, ce qui acheva de convaincre les Maliens que sa candidature n’était plus la meilleure. C’est pourquoi lui-même finit par s’accommoder de la présidence intérimaire de Dioncounda Traoré, même s’il résussit à dégommer du paysage le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, soupçonné d’avoir tout fait pour faire capoter l’intronisation du chef militaire à la magistrature suprême.
Contraint de renoncer au pouvoir, le capitaine craint pour son avenir. Il sait que le Comité de réformes de l’armée qu’il dirige n’est qu’un organisme éphémère juste fabriqué pour lui éviter l’ennui. Ledit Comité, que personne ne consulte d’ailleurs par ces temps de guerre française, est, de surcroît, officiellement destiné à disparaître après la Transition. Le capitaine Sanogo, qui se sait attendu au tournant par bon nombre de leaders politiques , notamment ceux qui ont passé par les geôles de Kati (suivez mon regard…), n’a aucune envie de voir l’un de ceux-là rafler la majorité à la présidentielle prochaine. Enfin, aucun des amis politiques de Sanogo (Copam, MP22, etc.) ne peut souffrir en peinture des candidats qui, à leurs yeux, représentent l’ordre ancien, donc une potentielle vengeance. Il s’agit, notamment, du candidat de l’URD, SoumailaCissé; de celui de l’Adema, Dramane Dembélé; de celui des FARE, Modibo Sidibé; de celui du PDES, Hamed Diane Séméga…
Pour toutes ces raisons, le capitaine Sanogo finit par se rabattre sur son plan B: favoriser l’avènement d’IBK au pouvoir. Si les autres candidats ont, à l’apogée de la junte, défilé dans les geôles, IBK a eu droit, lui, à un accueil chaleureux de Sanogo, haie d’honneur et motards à l’appui. De plus, IBK a quitté le FDR, le front des ennemis de Sanogo; il a ensuite tissé une alliance opérationnelle avec les forces dites du changement qui, en réalité, sont proches de Kati, ainsi que le prouvent des manifestations co-organisées, à la veille même de l’assaut jihadiste sur Konna, par les responsables de la Copam et du regroupement IBK 2012. Enfin, IBK a été de tous les combats impulsés par la junte: convention nationale, concertations nationales, opposition à la venue de toute force étrangère au Mali… Si ces événements ont rapproché le capitaine Sanogo d’IBK, ils ont, en revanche, éloigné IBK du président de la Transition Dioncounda Traoré. Lequel n’a pas du tout apprécié que son ancien ami et camarade de parti ait souvent déclaré, comme la junte, que Traoré n’a aucune qualité juridique pour diriger le Mali après l’épuisement des 40 jours d’intérim constitutionnel.
Le capitaine Sanogo, qui s’est découvert, après le départ de Cheick Modibo Diarra, un nouvel ami en Dioncounda, a donc jugé utile, à l’orée de la présidentielle de juillet 2013, de réconcilier IBK et Dioncounda. Samedi 20 avril 2013 donc, au domicile familial de Dioncounda à Lafiabougou, le chef du RPM et celui de l’Etat ont fait la paix. Et promis de ne plus se quitter. Pour bien montrer que leurs retrouvailles ne sont pas feintes, Dioncounda Traoré s’est lui aussi rendu, la semaine dernière, au domicile d’IBK, à Sébénikoro, où l’on a déjeûné dans une atmosphère bon enfant.
Les observateurs ne manquent pas de tirer des leçons de ces retrouvailles subites orchestrées par le chef de la junte. « Il ne fait plus de doute qu’IBK est désormais le candidat de la junte de Kati », jure un chef de parti. Un autre souligne que Si Modibo Sidibé et SoumailaCissé font le chassé-croisé dans les salons des chefs d’Etat de la sous-région (Macky Sall, Alassane Ouattara, etc.), IBK, qui a perdu de puissants amis comme Laurent Gbagbo et Omar Bongo, se rattrapera bien avec la junte. Celle-ci a, en effet, la haute main sur le corps des gouverneurs et des préfets, ce qui procure un avantage énorme en matière électorale. De plus, l’argent qu’IBK ne peut plus avoir au niveau des chefs d’Etat de la région peut bien trouver une compensation dans les fonds susceptibles d’être levés par les amis de la junte.
L’un de ceux-là s’appelle Seydou Nantoumé, PDG de Togouna Industries. Ce dernier vient de bénéficier d’un marché de 40 milliards pour fournir des engrais à la compagnie béninoise de coton. Qui a négocié ce contrat mirifique? Soumeylou Boubèye Maiga. L’ancien candidat aux primaires de l’Adema a à peine perdu l’investiture du parti qu’il a démissionné de l’Adema pour préparer sa propre candidature. Cette candidature n’en sera pas une, en réalité, mais il s’agira plutôt pour Boubèye d’échauffer le terrain pour IBK. Le travail de Boubèye, qui fera des émules, consiste à éparpiller les voix de l’Adema, à couler la candidature du pauvre Dramane Dembélé, à favoriser l’avènement d’IBK au second tour de la présidentielle et, par la suite, à apporter au chef du RPM des sections entières de l’Adema. La réconciliation IBK-Dioncounda tend à pousser le second à mettre ses réseaux au sein de l’Adema au service d’IBK. Lequel, bien entendu, disposera de son propre parti (11 députés), du vote des militaires et de celui des forces pro-putsch.Si le plan de Kati marche, IBK aura des chances éminentes de devenir président du Mali. Il conserve au démeurant une certaine popularité dans le petit peuple qui se souvient des trahisons dont il a été victime tout au long de sa carrière et qui voit en lui un homme charismatique.
Il reste des questions non résolues, dont dépend la réussite du plan de Kati.Dioncounda consentira-t-il à mobiliser ses réseaux adémistes au profit d’IBK alors que Dramane Dembélé est proche de lui ? La réconciliation IBK-Dioncounda signifie-t-elle forcément une alliance électorale ? La frange de l’Adema qui rejoindra IBK aura-t-elle le même poids que celles qui se mobiliseront pour Soumaila et Modibo Sidibé ? L’alliance avec Boubèye, qui, en tant qu’ex-chef de la sécurité d’Etat, garde beaucoup d’ennemis au pays, ne va-t-elle pas jouer négativement sur IBK ? Quel sort réservera IBK à la junte une fois élu ? Va-t-il se soumettre à la loi de Kati ou, au contraire, s’émanciper de ceux qui l’auront fait élire ? Dans le premier cas, comment gérera-t-il ses relations avec la France et l’ONU qui garderont dans notre pays près de 14.000 soldats et qui, toutes deux, exigent le retour des militaires – et de tous les militaires- dans les casernes ?