Dans le temps, sous des latitudes éloignées des nôtres, des ritournelles enseignées aux enfants pour leurs consonances harmonieuses, servaient aussi à véhiculer certaines sagesses. Les tout-petits, préoccupés alors à en scander les rimes ne pouvaient s’imprégner de leur sens. La portée des refrains marmonnés ne leur venait qu’avec les ans. Une de ces compositions enseignait notamment que lorsque vous en veniez soudain à vous interroger sur un ami, il n’était de meilleur révélateur que de l’amener pour une expédition en une zone peu hospitalière. La confrontation de l’individu avec l’inconnu, réputé receler de multiples écueils, et les imprévus qu’il comporte contraindrait l’équipée à affronter diverses épreuves, à surmonter ses susceptibilités, à se surpasser, et se révéler sous son vrai jour.
Dans nos contrées, l’on tient également pour acquis que c’est dans les circonstances difficiles que l’on peut être amené à traverser dans la vie que se forgent les liens les plus solides, lorsqu’ils arrivent à naître. L’homme fait alors appel à ses meilleures réserves, révélant sa personnalité. Les théologiens de l’islam, quand ils évoquent les expériences douloureuses vécues par l’Ultime Messager de la foi révélée, mettent ainsi en relief son stoïcisme. Ils rappellent à cet effet les épreuves endurées au cours de l’une des plus rudes batailles que l’islam a dû livrer pour sa survie. Ouhoud, une colline aux abords de Médine a donné son nom à cet événement survenu selon les historiens durant la troisième année de l’Hégire. L’armée mecquoise, fortement équipée et disposant d’un impressionnant effectif pour l’époque, avait attaqué le contingent musulman non loin de ce lieu-dit. Affaiblies par les coups qui lui avaient été portés, les troupes conduites par le Messager deviendront encore plus vulnérables avec la défection d’un détachement qui s’était rallié de fraîche date à leur cause. Les forces musulmanes furent contraintes au repli et le Guide lui-même blessé. C’est au cours de cette bataille également que l’un de ses oncles qui s’était distingué par ses actes de bravoure durant d’autres affrontements trouva la mort. Le Messager fut considérablement affecté par ces épreuves et lorsque certains dans son entourage l’exhortèrent à invoquer contre les mécréants la malédiction divine, il maintint la ligne dont il savait faire montre dans les circonstances les plus éprouvantes. Il ne les suivit guère se limitant à implorer : «Dieu pardonne leur, car ils ne savent pas».
Selon les exégètes, il s’agissait pour le Prophète (PSL) de tirer la leçon salutaire d’une bataille perdue, de ramener ce fait à ses vraies dimensions. Il voyait là une épreuve nécessaire voulue par Dieu, son Créateur, afin d’envisager l’avenir avec sérénité. Il est une référence que les oulémas rappellent en la matière : « Nous faisons alterner jours heureux et jours malheureux parmi les hommes afin de déceler les vrais croyants et de faire surgir d’entre vous des témoins de la foi. Dieu ne saurait aimer les pervers » (3:140) est-il dit notamment, tandis qu’une autre exhortation appelle à la persévérance :
« Ne vous laissez pas abattre. Ne vous affligez pas, alors que vous aurez le dessus si vous avez la foi. »