Alors que nous laissions entendre récemment que la visite d’Emmanuel Macron au Mali pouvait être fortement liée aux richesses de la zone en pétrole, gaz, uranium et autres matières premières, l’ambassadeur de France à l’ONU a indiqué mardi que Paris allait demander au Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser une force militaire africaine chargée de combattre les jihadistes et les trafiquants de drogue au Sahel.
“La France va soumettre une proposition de résolution au Conseil de sécurité autorisant la force antiterroriste du G5 au Sahel”, a ainsi déclaré François Delattre, le représentant de la France à l’ONU. La proposition de résolution devrait être présentée au Conseil dès cette semaine, le texte pourrait être semis au vote quant à lui dès la semaine prochaine.
Pour rappel, en mars dernier, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso, lesquels composent le G5, ont accepté de constituer une force de 5.000 hommes, chargée de la mission. Lundi à Bamako, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a indiqué que les effectifs avaient récemment été doublés à 10.000 hommes, par les chefs d’Etat du G5 Sahel.
La résolution proposera quant à elle la création d’une force de 5.000 hommes. Son quartier général sera basé au Mali mais sera sous commandement distinct de celui des 12.000 Casques bleus de la Minusma déployés au Mali depuis 2013.
M. Delattre a par ailleurs déclaré que la résolution devrait être adopté par l’ONU, se faisant fort de persuader ses membres qu’on ne pouvait pas « laisser le Sahel devenir un nouveau havre pour les terroristes de toute la région”. Le ministre des Affaires étrangères du Niger, Ibrahim Yacouba en déplacement à Bamako, a indiqué que le G5 espérait avoir un mandat de l’ONU “d’ici la fin juin”, en vue de pouvoir déployer la force en suivant.
La résolution demandera au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’apporter un soutien financier et logistique à cette nouvelle force. La chef de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, a d’ores et déjà annoncé lundi, lors d’une visite dans la capitale du Mali une aide de 50 millions d’euros en vue de mettre la force sur pied.
En 2013, la France a lancé une intervention militaire internationale d’urgence avec pour objectif affiché de stopper des groupes de jihadistes, proches d’Al-Qaïda, qui occupaient le nord du Mali. Ces derniers ont été en grande partie chassés par l’opération Serval – depuis devenue Barkhane -, qui se poursuit encore à l’heure actuelle dans cinq pays (Tchad, Niger, Mali, Mauritanie, Burkina Faso) de la bande sahélo-saharienne, une zone vaste comme l’Europe … mais extrêmement riches en hydrocarbures et ressources minières …
Les forces maliennes, françaises et celles de l’ONU sont régulièrement visées par des attaques meurtrières, la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix ne changeant rien à l’affaire. Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et dans le sud du pays. Le phénomène déborde de plus en plus vers les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger.
Si dans un précédent article, nous avions laissé entendre que l’uranium pourrait être l’une des principales raisons de la présence de la France au Sahel, les richesses pétrolières et gazières de la zone en attirent également plus d’un, la lutte contre le terrorisme pouvant être l’arbre qui cache la forêt …
- Total se renforce en Mauritanie -
Le 12 mai dernier, quelques jours à peine avant la visite d’Emmanuel Macron au Mali, Total a annoncé l’obtention d’un nouveau permis d’exploration en Mauritanie. Remettant ainsi sur le devant de la scène – certes fort discrètement – les richesses pétrolières du bassin de Taoudeni et plus largement de toute la région du Sahel. Pour notre part, et ce bien avant l’éclatement du conflit au Mali, nous laissions ici-même entendre que les tensions observées dans la région pourriaient être intimement liées aux ressources en hydrocarbures de la région et la bataille à laquelle s’y livrent les majors pétrolières en vue d’obtenir une part du gâteau ou d’empêcher que d’autres s’en emparent.
A la mi-mai, le géant pétrolier français a ainsi annoncé la signature d’un nouveau permis d’exploration-production en mer profonde, au large de la Mauritanie. Le contrat porte sur l’exploration d’hydrocarbures sur “le bloc C7″, une zone de 7.300 km2 dans l’océan Atlantique, a précisé Total dans un communiqué. Le groupe en sera l’opérateur avec une participation de 90%, aux côtés de la Société mauritanienne des hydrocarbures et du patrimoine minier (SMHPM) qui détient les 10% restants. “Cet accord s’inscrit dans la stratégie de Total d’explorer de nouveaux bassin en mer profonde du continent africain”, avait alors indiqué Guy Maurice, directeur Afrique de la branche Exploration-production.
A noter que la major pétrolière possède déjà 90% des parts du permis d’exploration contigu C9, d’une superficie de 10.150 km2 en mer profonde. Il opère également le permis d’exploration à terre Ta2 sur une surface de 12.500 km2 dans le bassin de Taoudeni, lequel s’avère très prometteur.
- L’or noir du Sahel : la bataille n’est pas forcément celle que l’on croit …
Alors qu’en juillet 2013, nous vous avions fait part de la signature d’une convention de 4 ans entre la société Corvus Resources Management – société de droit des Iles Caymans – et l’Etat malien, en vue notamment d’effectuer des travaux de recherche et un forage sur le bloc 6 du bassin de Taoudéni, trouvant quelque peu surprenant que l’accord ait été conclu avec une société immatriculé dans un paradis fiscal, en avril 2014, l’Etat malien lui-même s’interrogeait et revenait sur les modalités d’octroi des Conventions de concession signées entre les autorités de la transition de 2012 – 2013 et certaines sociétés.
En marge d’une conférence de presse organisée en vue de faire le bilan de la participation du Mali au Forum minier d’Indaba à Cape Town, en Afrique du Sud, le ministre de l’Industrie et des Mines, Dr Boubou Cissé, avait ainsi regretté que l’Etat du Mali se soit engagé avec « des gens peu crédibles en signant la Convention de concession sur le bloc 4.»
Ladite société, dont le nom n’a pas été révélé à la presse, ne semble remplir aucune condition financière pour bénéficier d’une telle convention, n’ayant effectué aucun travail ou entrepris aucune démarche dans ce sens depuis la signature de la convention. Il n’est pas non plus certain qu’elle remplisse les critères financiers exigés par le Code minier malien.
Au final, ce marché de concession pourrait avoir été attribué en violation des règles en la matière, comme le laissaient entendre d’ailleurs certains responsables du département.
Alors que nous avions alerté avant même le début du conflit malien, que le Sahel et ses richesses pétrolières et gazières pouvaient conduire la région au chaos, situation que certaines puissances mondiales auraient intérêt à développer, histoire de s’approprier les ressources locales ou au « mieux » éviter qu’elles ne tombent aux mains de leurs concurrents – les faits semblaient alors nous donner raison à plusieurs reprises. Mêlant à la fois le pétrole, les ressources énergétiques de l’Afrique … et les paradis fiscaux tels que les îles Caïmans.
Un communiqué du Conseil des ministres tenu le 10 juillet 2013 au Mali faisait en effet état d’un accord de 35 millions de dollars portant sur le partage de production du bloc 6 de Taoudeni, l’exploitation, le transport et le raffinage des hydrocarbures liquides ou gazeux.
La convention avec la société de droit des Iles Caïmans est inscrite « dans le cadre de la promotion de la recherche et de l’exploitation d’hydrocarbure pour favoriser le développement économique du Mali », avaient précisé les autorités maliennes …
Ladite convention a été approuvée par un projet de décret adopté par le Conseil des ministres tenu sous la présidence du chef de l’Etat par intérim, le professeur Dioncounda Traoré. Un accord signé quelques jours à peine avant un scrutin majeur pour le pays, l’élection présidentielle devant se tenir avant la fin du mois de juillet 2013 au Mali …
Rappelons par ailleurs qu’en février 2013, des medias algériens avaient indiqué que Sonatrach avait décidé de geler l’ensemble de ses activités dans le bassin de Taoudeni. Une décision qui intervenait alors qu’en 2012, le groupe énergétique algérien avait pu obtenir une prolongation de deux ans de son contrat d’exploration accordé par le gouvernement malien.
La presse algérienne rappelait parallèlement que depuis 2007, l’Algérie avait du faire face à une rude concurrence avec des compagnies internationales pour la prospection pétrolière dans le bassin de Taoudeni, tel le français Total mais également Woodside, Dana, IPG, le chinois CNPCIM, l’espagnol Repsol, l’égyptien Foxoil.
Si en 2006, le groupe pétrolier ENI avait pu acquérir cinq licences en partenariat avec la société publique algérienne Sonatrach dans la zone, un porte-parole du groupe avait indiqué au début 2013 que la société italienne avait rendu ses licences. Raisons invoquées par ENI : « le très faible potentiel de la région ». Tout en précisant que les licences avaient été rendues avant le début de l’opération militaire française Serval.
Reste que la revue Africa Energy Intelligence annonçait quant à elle le 8 janvier 2013, que le 18 décembre 2012, soit trois jours après sa reconduction au gouvernement, le ministre malien des mines Amadou Baba Sy avait signé un décret stipulant la reprise par l’Etat malien du bloc 4 jusqu’alors opéré par ENI et Sipex (Sonatrach).
En février 2011, la presse algérienne indiquait que le groupe français Total et le groupe énergétique national algérien Sonatrach avaient dans leurs besaces plusieurs projets au Sahel. L’essentiel semblant être pour les deux groupes de « rafler » le plus de projets possibles, au Mali et au Niger.
Rappelons parallèlement qu’en 2012, à trois mois de l’élection présidentielle, le gouvernement malien, déjà confronté aux enlèvements d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et à la menace d’une crise alimentaire, avait dû faire face à une nouvelle rébellion touareg puis à un coup d’état. Ces attaques étant alors les premières de ce type depuis un accord ayant mis fin à la rébellion mais également depuis le retour de Libye de centaines d’hommes armés ayant combattu aux côtés des forces du leader libyen Mouammar Kadhafi.
En avril 2011, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’était prononcée quant à elle en faveur d’une aide de 25 millions de dollars pour les rebelles libyens. Aide qui n’incluait pas la fourniture d’armes … si l’on en croyait ses propos. Des subsides destinées à permettre aux rebelles de lutter contre les mercenaires de Kadhafi. Ces derniers étant en grande partie des milliers de jeunes Touareg, recrutés pour apporter leur soutien au dirigeant libyen, selon la presse.
Une situation qui inquiétait d’ores et déjà grandement le Mali, lequel redoutait dès cette période des répercussions dans la région, et plus particulièrement au Sahel, tout juste identifié – hasard de calendrier ? – comme un nouvel eldorado pétrolier.
Précisons que ces populations nomades originaires du Mali, du Niger, et de l’Algérie avaient, depuis les années 80, trouvé refuge auprès de l’ex dirigeant libyen lui promettant de sécuriser le Sud-Soudan, en échange de sa protection.
«Nous sommes à plus d’un titre très inquiets. Ces jeunes sont en train de monter massivement (en Libye). C’est très dangereux pour nous, que Kadhafi résiste ou qu’il tombe, il y aura un impact dans notre région », avait ainsi déclaré Abdou Salam Ag Assalat, président de l’Assemblée régionale de Kidal (Mali). “Tout ça me fait peur, vraiment, car un jour ils vont revenir avec les mêmes armes pour déstabiliser le Sahel“ avait-t-il ajouté.
Situation d’autant plus inquiétante que Mouammar Kadhafi aurait pu être également tenté – la manne pétrolière aidant – de recruter auprès des jeunes Touaregs du Mali et du Niger, avais-je alors indiqué.
A Bamako et à Niamey, des élus et des responsables politiques craignaient d’ores et déjà à l’époque que la chute de Kadhafi provoque un reflux massif de réfugiés touaregs dans une région du Sahel déjà très fragile, une situation qui pourrait conduire à une déstabilisation de la région … redoutaient-ils alors.