La TVA réduite à 5% uniquement pour les produits manufacturés et non importés : telle est la mesure phare du Programme 2013-2015 de l’Organisation patronale des industriels (Opi). Si elle n’est pas une panacée, cette action conjoncturelle permettrait de soulager les unités industrielles, de favoriser la consommation des produits locaux et surtout de promouvoir l’emploi. Alors, l’Etat doit-il prendre ses responsabilités et composer avec l’Opi en vue de la mise en œuvre diligente de cette mesure qui boosterait sans doute le secteur de l’industrie en général et sa branche de la manufacture en particulier au Mali.
Le tissu industriel est peu développé et très peu diversifié au Mali. Or, l’industrialisation est un passage obligé pour le Mali. « Aucun pays ou région n’a réalisé la prospérité et une vie socioéconomique décente pour ses concitoyens sans développer un secteur industriel puissant. Car, c’est l’industrie qui propulse la croissance, favorise le transfert de techniques et le développement technologique, améliore la productivité, et crée des emplois », disait une ancienne ministre de l’industrie du Mali. Pourtant, comme elle, ses prédécesseurs et tous les ministres venus après elle n’ont rien fait pour favoriser la relance de l’industrie. Ils ont laissé un pays qui compte seulement environ 81 industries dignes de ce nom au moment où le Sénégal et la Côte d’Ivoire revendiquent des milliers d’unités industrielles.
Pourquoi le Mali est-il en si grand retard dans ce domaine ? Parce que, après avoir conquis son indépendance en 1960, le pays ne s’est pas suffisamment engagé dans la voie d’une industrialisation accélérée. D’autres, comme la Chine , la Corée du Sud et Singapour, qui ont mis l’accent sur l’industrialisation, sont aujourd’hui les pays émergents.
Le Mali devrait profiter de l’expérience de ces pays enviés de tous pour s’engager résolument dans la voie de l’industrialisation, le passage obligé pour un développement rapide et durable. Malheureusement, le pays a opté pour le tout-commerce et s’est spécialisé dans l’exportation des matières premières à l’état brut aux pays industrialisés et dans l’importation des produits manufacturés.
En effet, dans le secteur industriel, le déficit de la balance commerciale fait ressortir que le Mali est le premier pays importateur de produits industriels de l’Uemoa.
Il urge, à l’évidence de renverser cette tendance fâcheuse via une volonté politique de bon aloi sous-tendue par une organisation adéquate. C’est à cela que l’Opi veut parvenir, et c’est en cela seulement qu’on pourra créer de la valeur ajoutée, de la richesse et des milliers d’emplois. Et entrer ainsi dans le cercle très convoité des pays émergents. Au lieu d’être une économie extravertie et continuer d’être le dépotoir des produits des autres.
Au Mali, l’industrie de la manufacture est confrontée à des contraintes majeures comme l’insuffisance des infrastructures, le coût élevé de l’énergie, les taux d’intérêt spéculatifs, le manque de qualification des ressources humaines, la fraude et la concurrence déloyale, la contrebande, la lourdeur administrative, la fiscalité élevée et les difficultés à mettre en œuvre les facilités du code des investissements.
Pour l’Opi, il y a des mesures immédiates à prendre parmi lesquelles la réduction de la TVA à 5% pour les produits manufacturés et non importés.
Au sein de l’Uemoa, la Tva est harmonisée par la directive n° 02/98/CM/Uemoa du 22 décembre 1998 et le taux est compris entre 15 % et 20%. Le Mali est à 18%.
Toutefois, la directive n°02/2009/CM/Uemoa du 27 mars 2009 portant modification de la directive n° du 22 décembre 1998 précise que les Etats membres de l’Union ont la faculté de fixer un taux réduit de la Taxe sur la valeur ajoutée compris entre 5% et 10%.
La même décision poursuit que les Etats membres appliquent ce taux réduit à un nombre maximum de dix (10) biens et services choisis sur la liste communautaire. A savoir, pour les biens (huiles alimentaires ; sucre ; lait manufacturé ; pâtes alimentaires ; aliments pour bétail et pour volaille ; poussins d’un jour ; farine de maïs, de mil, de millet, de sorgho, de riz, de blé et de fonio ; matériel agricole ; matériel informatique ; matériels de production de l’énergie solaire.
Et pour les services (prestations d’hébergement et de resta uration fournies par les hôtels, les restaurants et organismes assimilés agréés et les prestations réalisées par les organisateurs de circuits touristiques agréés ; location de matériel agricole ; réparation de matériel agricole ; prestations réalisées par les entreprises dans le cadre des activités de pompes funèbres).
L’Opi a salué cette directive en son temps, mais juge qu’elle n’a pas assez d’impacts positifs pour le Mali, car la mesure s’applique aussi bien aux produits locaux qu’aux produits importés. Tel n’est pas le souhait des industriels maliens dont le combat est d’amener l’Etat à réduire la Tva à 5% pour les produits manufacturés et non importés.
Une telle mesure aurait un impact positif aussi bien pour l’Etat lui-même que pour les industriels et les citoyens. Entre autres avantages : conforter la compétitivité des unités industrielles maliennes sur les marchés sous régional, africain et mondial ; favoriser la consommation des produits locaux en jouant sur le pouvoir d’achat du Malien moyen ; contribuer pour 60% à la promotion de l’emploi (car contrairement à une boutique qui utilise au maximum quelques dizaines de vendeurs, une unité vraie industrielle, c’est entre 600 et 1000 employés).
Avec d’avantages, l’Etat doit aider les industriels maliens à mettre en œuvre cette mesure ; il doit arrêter certaines pratiques qui étouffent le secteur.
Exemple concret : Il y a aujourd’hui trois moulins qui peuvent couvrir les besoins du Mali en farine. Mais l’Etat continue à délivrer des licences d’importation à des concurrents, contrairement à un engagement qu’il avait pris. Donc, le Mali reste toujours un pays de consommation.
Autre illustration : dans les alimentations de Bamako, il y a plus de produits étrangers que de produits locaux. Pourquoi ? Parce que nous importons en boucle. Or, il faut amener (coûte que coûte) le pays à exporter. Il n’y a quasiment aucun produit (manufacturé) que le Mali exporte, regrette un industriel. Qui pense qu’en dehors de l’or, du coton, des fruits et légumes et du bétail (matières commercialisables), l’Etat doit et peut aider les 18 autres filières identifiées (sous le président Konaré) à émerger et à s’épanouir.
« Il faut aller à l’industrialisation, c’est la solution au problème du Mali », propose notre interlocuteur.
L’Opi s’y attelle. L’organisation bouge dans tous les sens afin d’y parvenir. Elle est en contact et en bon terme avec tous les services impliqués : ministère de tutelle, ministère de l’économie, directions générales des douanes et des impôts, direction nationale du commerce et de la concurrence etc.
Prochain thème : Suppression de la taxe sur les activités financières (TAF).