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Une vidéo de viol collectif secoue le Mali : "Pour les coupables, cet acte est banal"
Publié le vendredi 9 fevrier 2018  |  France 24
Viol
© Autre presse par DR
Viol collectif sur les réseaux sociaux
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Une vidéo très explicite du viol d’une jeune Malienne par quatre hommes a circulé sur les réseaux sociaux au Mali depuis le 2 février, suscitant un très vif émoi dans le pays. Grâce à la mobilisation d’activistes des droits des femmes, la victime a été identifiée et des suspects arrêtés. Nos Observateurs espèrent que cette mobilisation rare permette de rompre le tabou qui entoure le viol et de mieux lutter contre les violences faites aux femmes.

Notre rédaction a pu visionner la vidéo. Elle dure 2 minutes et 34 secondes, et elle est insoutenable. Nous n’en publions donc qu’une capture d’écran non explicite. La victime, qui ne porte plus qu’un t-shirt, est allongée, les bras et la tête tenues par un homme pendant, que tour à tour, deux autres hommes la violent. Puis, celui qui la tenait au début de la vidéo le fait à son tour. La jeune fille gémit et pleure. Les faits se sont produits à Bamako, sans que le lieu, un intérieur, ne soit identifiable dans la vidéo.

La vidéo a été postée sur des réseaux sociaux et des applications de messagerie instantanées. Samedi 3 février, Balla Mariko, membre de l’association Halte aux violences conjugales, la reçoit à son tour et décide d’agir.

"Les coupables sont largement reconnaissables sur la vidéo, il fallait les identifier"

J’ai reçu au matin cette vidéo sur Whatsapp, puis Viber et sur Facebook Messenger. Connaissant mon engagement, on me sollicite chaque fois que des faits de violences conjugales envers les femmes sont signalés. Ce n’est pas la première fois que je vois une vidéo comme celle-là. En 2014 déjà, la vidéo d’un viol collectif dans une voiture avait circulé. Mais ça reste rare que les violeurs se filment. Là, les coupables sont largement reconnaissables sur la vidéo, de même que la victime, et je me suis dit qu’il fallait absolument les identifier. J’ai donc lancé un appel à témoins sur ma page Facebook, qui a été partagé.

Grâce à un contact, j’ai pu transmettre la vidéo à un commissaire et à la brigade des mœurs, qui s’est mise sur l’affaire lundi [5 février]. En parallèle, mon appel à témoins ne semblait pas porter ses fruits.

J’ai donc décidé de proposer, via un autre post Facebook, une récompense de 1 million de francs CFA pour toute personne susceptible de nous mener aux coupables ou à la victime. Une femme a appelé la police, car elle connaissait la mère de la victime, puis elle est allée témoigner. Nous allons réunir la somme grâce à des contributions libres, nous verrons si elle sera partagée entre l’informatrice et la mère, ou si nous la donnerons à la mère et la victime.
Mercredi 7 mars, la jeune fille victime du viol s’est présentée au poste de la brigade des mœurs de Bamako. Dans la soirée, quatre suspects ont été interpellés. Ils sont âgés de 16 à 25 ans. Le Premier ministre a été jusqu’à poster leurs portraits sur Twitter… L’affaire a en effet suscité une très vive émotion au Mali : s’il n’est pas possible de le quantifier, la vidéo a massivement circulé et le sujet était sur toutes les lèvres, de l’avis de nos Observateurs.

Treize ONG et organisations de défense des droits de l’Homme ont en outre demandé des sanctions exemplaires au procureur général de Bamako. Parmi elles, Les Amazones, un collectif contre les violences faites aux femmes. Sa présidente Kadiatou Fofana rencontre régulièrement des victimes de viol.

"Des filles peuvent se faire piéger par de soi-disant amis qui les emmènent dans des guet-apens"

De ce que j’observe, il y a un vrai impact de l’accès à la pornographie, que permettent les nouvelles technologies, sur le comportement des hommes : ils sont incités à reproduire ce qu’ils voient. Mais bien souvent le viol est utilisé comme "punition". Je refuse de concéder ne serait-ce que la moindre explication à ceux qui font ça, mais en somme, ce sont des jeunes hommes qui veulent se venger d’avoir été éconduits par une fille. Ils peuvent la contraindre à un rapport ou alors, des filles peuvent se faire piéger par de soi-disant amis qui les emmènent dans des guet-apens, où ces actes se produisent, collectifs ou non…
Le viol reste largement tabou au Mali, car synonyme de déshonneur pour la victime et sa famille. La médiatisation de ce cas donne une lueur d’espoir à Moctar Mariko, avocat et président de l'Association malienne des droits de l'homme (AMDH).

"Quand une femme est violée, la famille veut éviter que ça se sache"

Au Mali, toutes les familles se connaissent, de Gao à Bamako ; en cinq minutes, n’importe qui se trouve un lien. Comme le viol est considéré comme une atteinte profonde à l’honneur de la famille, lorsque cela arrive, les familles de la victime et du coupable se rencontrent et vont régler ça avec un imam. On se met d’accord pour étouffer l’affaire. On explique à la victime qu’il ne faut pas faire de procédure judiciaire, qu’il faut éviter un procès, car en somme, il faut éviter que ça se sache. En plus du déshonneur, il faut savoir qu’une fille qui a été violée aura beaucoup de mal à se marier, on lui rappellera toujours son passé.

En voyant cette vidéo circuler sur les réseaux sociaux, on a vite compris que les jeunes ne pensaient pas aux conséquences de leurs actes et ne considéraient pas le viol comme répréhensible. Ils le voient visiblement comme un acte banal. Ici, les violences faites aux femmes sont tellement banales… On considère que la femme doit être corrigée par l’homme.

C’est pour ça que je suis agréablement surpris de la mobilisation qu’a permis cette vidéo, de la volonté qu’ont mis les autorités à lancer l’enquête. Il faut que ça soit le début d’un changement.

Au Mali, le viol est passible de 5 à 20 ans de prison. Un projet de loi sur les violences faites aux femmes est en débat depuis deux ans, mais rencontre une forte opposition de responsables religieux. Selon Kadiatou Fofana, la loi prévoit notamment de sanctionner l’excision et de permettre aux femmes, une fois majeures seulement, de décider seules si elles souhaitent ou non être excisées.

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