Le bilan électoral du Président IBK est tout simplement catastrophique. De 2013 à ce jour, ses gouvernements pléthoriques successifs ont été incapables d’organiser le moindre scrutin, sans violer, parfois de manière flagrante, la législation électorale. C’est loin d’être rassurant pour les échéances capitales de cette année 2018 dont on est certain qu’elles ne sauraient souffrir de telles irrégularités. Car dans la République bananière échafaudée au Mali, les élections ont toujours constitué le champ d’expérimentation prisé des bricolages politico-juridiques qui jurent avec la loi électorale. Tout au long de son mandat, le régime du Président IBK s’est spécialisé dans la violation systématique de la loi électorale, contribuant ainsi à défigurer la démocratie malienne à coups de scrutins bâclés…
C’est un régime au parcours électoral jonché d’illégalités qui s’achemine vers son crépuscule. L’ultime test de sa capacité à simplement respecter les dispositions de la loi électorale sera-t-il probant à l’occasion des échéances de cette année 2018 qui pourraient sonner son glas ? L’interrogation n’est pas sans intérêt, tant il est vrai qu’il peut être tentant pour un régime comme celui du Président IBK qui n’a guère organisé jusque-là que des élections truffées de graves irrégularités, de tenter d’absoudre dans le prétexte sécuritaire et la fameuse « exception d’insécurité », son incapacité à réaliser des scrutins démocratiques, libres et transparentes au cours de cette année. Bien entendu, ce prétexte ne peut être qu’irrecevable, venant surtout d’un gouvernement qui endosse totalement la responsabilité d’avoir laissé pourrir sans jamais véritablement s’en préoccuper, une situation d’insécurité dans laquelle chacun voyait le pays se plonger depuis 2013. En tout état de cause, le climat d’insécurité généralisée dont le régime du Président IBK assure l’entière responsabilité, ne saurait aucunement servir d’arbre qui va cacher la forêt des incuries d’un mandat présidentiel qui croule particulièrement sous le poids de ses carences en matière électorale. Les élections irrégulières et mal organisées de l’ère IBK ne peuvent trouver de justifications sérieuses dans les contraintes sécuritaires qu’on agite ces derniers temps.
L’aveu d’échec face au défi de la transparence
Dans son message à la nation à l’occasion du nouvel an 2018, le Président IBK a déclaré : « L’année 2018 est perçue par beaucoup comme celle de toutes les alertes. Car elle abritera trois grandes consultations électorales, chacune portant en elle sa charge d’incertitudes et de tensions…. Je donne ici l’assurance que toutes les élections et – plus particulièrement la présidentielle et les législatives – se tiendront dans le respect des délais constitutionnels… ». On notera ici que le Président IBK ne parie guère sur les scrutins locaux qu’il n’ose même plus citer et qu’il avait pourtant clairement annoncés pour avril 2018. Mais surtout, il ressort clairement de ses propos que celui dont les Maliens attendaient qu’il leur promette au moins pour une fois des élections démocratiques, libres et transparentes, ne s’engage finalement par rapport aux scrutins de 2018 que sur la modeste ambition du respect des délais constitutionnels. En d’autres termes, IBK propose aux Maliens une sorte de marché de dupes dans lequel les élections démocratiques, libres et transparente seraient troquées contre le respect des délais constitutionnels d’organisation. Ainsi donc, comme un cadeau empoisonné de nouvel an au peuple malien, le Président offre seulement l’assurance qu’il va respecter les délais constitutionnels d’organisation des scrutins de 2018, comme si les Maliens étaient d’ores et déjà condamnés à se contenter d’éventuelles élections bâclées, dès lors que celles-ci seraient respectueuses des délais constitutionnels.
En vérité, les propos présidentiels trahissent l’état d’esprit général de son régime qui, au vu de son bilan peu flatteur, apparaît finalement comme n’ayant eu que mépris pour les lois de la République en générale, et pour la loi électorale en particulier. Quels scrutins démocratiques, libres et transparents attendre objectivement d’un régime dont l’ambition électorale exprimée par le Président de la République lui-même se borne au respect des délais constitutionnels et dont les gouvernements pléthoriques successifs n’ont jamais organisé la moindre opération électorale dans le respect de la loi électorale ? De là à gratifier le Président IBK du trophée de champion des élections irrégulières et bâclées, il n’y a qu’un petit pas qu’on ne saurait se priver de franchir.
La transparence de l’élection commence d’abord par le respect de la loi électorale que le gouvernement s’est révélé incapable d’assurer.
Car dans la République bananière échafaudée au Mali, les élections ont toujours constitué le champ d’expérimentation prisé des bricolages politico-juridiques qui jurent avec la loi électorale. Tout au long de son calamiteux mandat, le régime du Président IBK s’est spécialisé dans la violation systématique de la loi électorale, contribuant ainsi à défigurer la démocratie malienne à coups de scrutins bâclés comme on a pu l’observer à l’occasion des législative partielles de Tominian du 04 décembre 2016, à l’occasion des élections communales du 20 novembre 2016 et à l’occasion des élections reportées de conseillers communaux, de conseillers de cercles, de conseillers régionaux et du District de Bamako du 17 décembre 2017. Un regard rétrospectif sur les pratiques électorales illégales sous le règne du Président IBK fait tout simplement froid dans le dos, lorsqu’on pense à tous les défis qui s’attachent aux échéances électorales de 2018.
Les législatives partielles de Tominian du 04 décembre 2016 organisées avec des dates illégales de second tour et de clôture de la campagne électorale de ce second tour
Lors des législatives partielles de Tominian du 04 décembre 2016, les dates légales de second tour et de clôture de la campagne électorale de ce second tour, ont été totalement foulées au pied par le gouvernement.
Ce fut l’œuvre du Décret n°2016-0775/P-RM du 05 octobre 2016. Jamais dans l’histoire électorale de la 3ème République, un décret pareil n’avait enregistré autant d’illégalités aussi flagrantes. Le Décret n°2016-0775/P-RM du 05 octobre 2016 a en effet piétiné la loi électorale dans ses dispositions relatives à la date du second tour des législatives et à la date de clôture de la campagne électorale à l’occasion de ce second tour.
Le gouvernement avait délibérément fixé au 04 septembre 2016 le premier tour de cette législative partielle. A partir de cette date, il ne pouvait plus avoir aucune marge de manœuvre quant à la date du second tour qui tombait mécaniquement et obligatoirement sur le dimanche 25 décembre 2016.
Cette date découle naturellement de l’article 159(Nouveau) de la loi électorale qui, relativement aux législatives, dispose qu’ « il est procédé à un second tour le 21ème jour qui suit la date du premier tour…… ».
Or, au lieu du dimanche 25 décembre 2016, le gouvernement a décidé de manière cavalière et en totale violation de la loi électorale, de tenir le second tour de la législative partielle de Tominian le lundi 26 décembre 2016.
Il faut ajouter que les illégalités du Décret n°2016-0775/P-RM du 05 octobre 2016 n’étaient pas uniquement confinées au niveau de la date erronée du second tour de la législative partielle de Tominian. Elles affectaient également la campagne électorale du second tour dont la date était erronée. Ainsi en partant de la date illégale du 26 décembre 2016 retenue pour le second, le gouvernement lui-même a illégalement fixé au vendredi 23 décembre 2016 à minuit, la date de clôture de la campagne électorale de ce second tour. Or la date de clôture de la campagne électorale du second tour fixé au lundi 26 décembre 2016 ne pouvait être que le samedi 24 décembre 2016 minuit au lieu du vendredi 23 décembre 2016 à minuit. Cela résulte presque mécaniquement de l’article 69 de la loi électorale où il est précisé : « La campagne électorale prend fin le jour précédant la veille du scrutin à minuit. En cas de second tour, la campagne électorale commence le lendemain de la proclamation des résultats définitifs du 1er tour et s’achève le jour précédant la veille du scrutin à minuit ». Le vendredi 23 décembre 2016 ne correspondait donc nullement au jour précédant la veille d’un scrutin fixé au lundi 26 décembre 2016.
Les élections communales du 20 novembre 2016 : le record historique d’irrégularités
Les élections communales du 20 novembre 2016 n’auront laissé à la République et l’Etat de droit que de tristes souvenirs: un scrutin sous l’égide de deux lois électorales ; un scrutin à la date limite erronée de dépôt des candidatures ; un scrutin sponsorisé par un gros chèque présidentiel. Du jamais vu !
Un scrutin communal sous l’égide de deux lois électorales
Le ministre de l’Administration territoriale de l’époque, le même que celui qui, après quelques pérégrinations, est assis de nouveau dans le même fauteuil, peut se targuer d’avoir réussi, avec la complicité de la Cour suprême, à organiser le scrutin communal du 20 novembre 2016 sous l’égide de deux lois électorales dont l’une était déjà abrogée et donc inexistante dans l’ordonnancement juridique ! Totalement désemparé à l’époque face à son incapacité d’appliquer la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant électorale en vigueur, le gouvernement n’avait eu aucun scrupule républicain à jouer au sorcier du droit en ressuscitant la loi électorale n°06-44 du 04 septembre 2006 qu’il venait pourtant, de manière expresse, d’abroger. En l’occurrence, il avait étalé au grand jour son impréparation et sa carence notoire à mettre en œuvre la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 par rapport à ses dispositions relatives au vote anticipé des militaires quant à sa prise en charge matérielle notamment en termes de listes électorales et d’émargement, de bureaux de vote, de décompte des résultats…
Une date limite erronée de dépôt des candidatures
Outre cette entorse caractérisée à la loi électorale, les élections communales du 20 novembre 2016 laissent le souvenir anti républicain d’autres mépris pour la légalité ostensiblement affichés par le régime du Président IBK. C’est ainsi que la date limite de dépôt des candidatures à ces élections était erronée. En effet, sur le chronogramme officiel des élections communales du 20 novembre 2016 tel que fixé par le gouvernement, et auquel les partis politiques et candidats indépendants se sont référés, la date limite de dépôt des candidatures auprès des Préfets de Cercles et du Gouverneur du District de Bamako a été fixée au jeudi 06 octobre 2016. De nombreux communiqués ont été diffusés qui rappelaient cette date limite. Or, lorsqu’on se réfère au Titre VII de la loi électorale relatif aux dispositions particulières à l’élection des conseillers des collectivités territoriales, il est précisé à l’alinéa 3 de l’article 198 que la déclaration de candidatures « est faite pour chaque liste par le mandataire de la liste quarante-cinq (45) jours au plus tard avant la date du scrutin ». Le gouvernement s’est une fois de plus complètement planté ! Il résulte de l’article 198 ci-dessus cité que la date limite légale de dépôt des candidatures était le 05 octobre 2016. Le scrutin communal étant prévu pour le dimanche 20 novembre 2016, le délai des 45 jours avant la date du scrutin tombait exactement sur le mercredi 5 octobre 2016 au lieu du jeudi 06 octobre 2016. Ce qui signifie qu’à la date du jeudi 06 octobre 2016, toutes les candidatures étaient hors délais et donc légalement frappées de forclusion ! En conséquence, ni le Préfet ni le Gouverneur du District ne pouvaient réceptionner et enregistrer une quelconque candidature à cette date du 06 octobre 2016. La date limite légale de dépôt des candidatures a ainsi été piétinée par le gouvernement.
Un gros chèque du Président IBK pour se payer le soutien des femmes ?
Enfin, le chèque de 300 millions de FCFA remis le 3 novembre 2016 aux femmes candidates aux élections communales par le Président IBK amène à se demander si nous demeurons en République. Comment dans une République, le chef de l’Etat peut ainsi se servir de l’argent du contribuable pour soi-disant défendre des causes, alors qu’en réalité et de manière évidente, il en attend à titre personnel des retombées politiques. Certes, le discours officiel a présenté le fameux chèque comme la contribution du Président IBK pour appuyer les efforts électoraux des femmes candidates : « Nous avons une volonté affichée de faire en sorte que vous soyez élues, mon souci de vous n’est pas politique, il est d’ordre culturel ». Il n’empêche qu’il ne peut être interdit de se demander si le gros chèque présidentiel n’était-il pas en réalité au service d’une forme plus ou moins soft de corruption politique des femmes ? Car, si nous sommes dans une République, pourquoi le Président IBK qui a fait voter la loi sur la promotion du genre ainsi que la nouvelle loi électorale qui intègre le genre, n’a -t-il pas, chemin faisant, initié une loi modificative de la Charte des partis politiques pour davantage « féminiser » son système de financement public qui, faut-il le rappeler, réserve déjà une quatrième fraction égale à 10 % des crédits destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre de femmes élues à raison de 5 % pour les députés et 5 % pour les conseillères communales ? Nous persistons à marteler que rien n’empêchait IBK qui se veut soucieux de la promotion politique des femmes, d’améliorer substantiellement et en toute légalité républicaine ce système de financement dans la logique de la loi sur le genre. Mais plutôt que de s’engager sur ce boulevard républicain, IBK préfère sans doute les labyrinthes de la suspicion. Car, distribuer ainsi des fonds publics à des candidates juste à la veille d’une campagne électorale paraît d’autant plus illégal que le Mali ne connaît pas de financement public spécifique de la campagne électorale y compris pour la promotion du genre. On peut même également et à juste titre, légitimement douter de la conformité de la « générosité » présidentielle à l’article 73 de la loi électorale n°048 du 07 octobre 2016 qui prohibe expressément ce genre de pratiques : « Les dons et libéralités en argent à des fins de propagande pour influencer ou tenter d’influencer le vote durant la campagne électorale sont interdits dès la convocation du collège électoral … ». L’intention secrète derrière le chèque de 300 millions de FCFA remis pour des fins de propagande électorale n’était-elle pas justement « d’influencer ou de tenter d’influencer le vote » en faveur des femmes au sens de l’article 73 ci-dessus cité ?
Quand le ministre chargé des Elections et tout son staff technique font intrusion dans les locaux de la Cour constitutionnelle
Cet acte institutionnellement incestueux intervenu en plein préparatif du référendum de révision constitutionnelle qui, on s’en souvient, tentait d’instaurer une dictature monarchique dans notre pays, restera dans les esprits comme un véritable brigandage juridico-institutionnel fomenté par l’Etat. Il est intervenu le 15 mai 2017 lorsqu’une délégation du ministre de l’Administration territoriale avait été reçue en audience au siège même de la Cour constitutionnelle où elle a eu une séance de travail avec les membres de cette institution dont sa présidente Manassa DANIOKO. Nous l’avions à l’époque qualifié d’accointance institutionnelle incestueuse ayant tout l’air d’un canon braqué sur l’indépendance de la Cour constitutionnelle. Lors de cette intrusion rocambolesque avec tout son staff technique dans les locaux de la Cour constitutionnelle, le ministre chargé des Elections avait lâché comme un aveu : « Le référendum constitutionnel étant par excellence la matière de la Cour Constitutionnelle, il est utile de venir prendre les suggestions, les avis, même les conseils de la Cour constitutionnelle pour que ces consultations se déroulent le mieux possible, que nous ayons le moins de contestations ». Quelle négation de l’Etat de droit lorsqu’un ministre de la République se permet de tenir de tels propos en violation flagrante de la loi n°97-010 du 11 février 1997 portant loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle ! Car, en vertu de l’article 8 de cette loi organique, les membres de la Cour constitutionnelle ont pour obligation générale « de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part de la Cour, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour Constitutionnelle ».Le gouvernement et Manassa DANIOKO de la Cour constitutionnelle se sont assis sur cette prescription organiquement légale.
Les élections reportées de conseillers communaux, de conseillers de cercles, de conseillers régionaux et du District de Bamako du 17 décembre 2017 : une cascade de décrets entachés d’irrégularités
C’est au Conseil des ministres du 5 octobre 2017 qu’avaient été adoptés quatre (04) projets de décret de convocation de collèges pour le même dimanche 17 décembre 2017, des élections de conseillers communaux, de conseillers de cercle, de conseillers régionaux et de conseillers du District de Bamako. Ce Conseil des ministres avait ainsi osé entériner une cascade de décrets totalement illégaux et de surcroît entachés de nombreuses autres irrégularités indignes d’un Etat de droit et qui ne pouvaient aucunement servir de fondement juridique à une élection démocratique.
Jusqu’à leur report, les collèges de convocation des scrutins couplés du 17 décembre 2017 n’avaient nullement tenu compte des préalables juridiques qui hypothéquaient de manière irrémédiable leur régularité au regard de la loi électorale. Il n’existait aucune base juridique du couplage des scrutins. Aucune date n’avait été communiquée par rapport au vote des électeurs membres des Forces armées et de sécurité. Nul ne savait sur la base de quelles listes électorales et quelles listes d’émargement et ni dans quels bureaux de vote spécifiques allait se dérouler le vote des membres des Forces armées et de sécurité.
Telles que fixées par la loi électorale, les conditions et modalités du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité ont été royalement ignorées et piétinées par le gouvernement jusqu’au jour du report des scrutins couplés du 17 décembre 2017. La convocation juridiquement bancale des élections de conseillers communaux, de conseillers de cercles, de conseillers régionaux et du District de Bamako n’a participé que de l’attitude désinvolte du gouvernement par rapport aux exigences de l’Etat de droit et de sa volonté délibérée de priver de son droit constitutionnel de vote, l’électeur membre des Forces armées et de sécurité.
Tous les reports de scrutins entachés de vice de forme
Les illégalités du régime en matière électorale se manifestent y compris lorsque le Président IBK et ses gouvernements ont décidé du report de l’élection qu’ils sont incapables de mettre en œuvre dans la forme requise. Le « parallélisme des formes » également qualifié de « correspondance des formes » ou « symétrie des formes » est un principe cardinal de l’Etat de droit. Il signifie qu’un acte pris sous une forme donnée ne peut être modifié ou abrogé que selon la même forme. Le Président IBK et ses gouvernements se moquent éperdument de ce principe républicain sur lequel ils se sont également assis tout au long du calamiteux mandat. C’est ainsi que tous les collèges électoraux convoqués par décret pris en Conseil des ministres qui ont ensuite été reportés ne l’ont été que par de simples communiqués du même Conseil des ministres ! A cet égard, IBK et son régime ont procédé au report par simple « Communication » en Conseil des ministres, du référendum qui était convoqué par décret pour le 9 juillet 2017 dans le cadre de la scandaleuse manœuvre de tripatouillage de la Constitution du 25 février 1992. Le scandaleux référendum du 9 juillet 2017 convoqué par décret n’a jamais pu être formellement reporté en l’absence d’un décret abrogatif ou modificatif du Décret n°2017-0448/P-RM du 7 juin 2017 qui n’a jamais existé. Il en a été de même pour les scrutins couplés du 17 décembre 2017 qui, à l’instar des conditions irrégulières de leur convocation, ont fait l’objet d’un report totalement entaché du même grossier vice de forme. Avec sa désinvolture habituelle, le gouvernement s’est contenté de décider par simple communiqué ne reposant sur aucune mesure réglementaire, qu’il « est apparu nécessaire de reporter la date des élections du 17 décembre 2017 en avril 2018 ». Etant donné d’ailleurs que ledit report ne fixait pas de nouvelle date précise, il s’agissait en réalité d’une annulation pure et simple mais formellement viciée des scrutins du 17 décembre 2017 et donc d’une abrogation irrégulière conséquente des décrets y afférant. En tout état de cause, un simple communiqué de Conseil des ministres n’a pu valablement remettre en cause les effets juridiques des Décrets n°2017-0846/P-RM, n°2017-0847/P-RM, n°2017-0848/P-RM et n°2017-0849/P-RM du 9 octobre 2017 relatifs aux scrutins couplés du 17 décembre 2017.
Une opération improvisée de collecte de données biométriques en déphasage avec les étapes légales de la révision annuelle des listes électorales
C’est la dernière bourde monumentale du Ministre de l’Administration territoriale de l’époque qui, au mépris de la loi électorale, avait improvisé un mini calendrier de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans en incohérence totale avec les phases du processus de révision annuelle des listes électorales telles que détaillées par la loi électorale. Le ministre avait affirmé que l’opération de collecte va se dérouler durant un mois, c’est à dire du 1er au 30 novembre 2017 où des équipes mobiles seront déployées sur l’ensemble du territoire national et dans les Ambassades et Consulats. Ainsi, avait-il rassuré, la participation aux élections de 2018 sera garantie pour cette tranche d’âge, puisque c’est la condition sine qua non pour figurer dans le fichier électoral. En réalité et au regard de la loi électorale, le ministre avait tout faux. Car à partir du 20 novembre 2017, aucune nouvelle inscription sur la liste électorale n’était plus possible, puisqu’aux termes de l’article 49 de la loi électorale, les tableaux rectificatifs ou listes électorales révisées sont arrêtés le 1er novembre 2017 par les Commissions administratives. Il est ainsi précisé à l’alinéa 3 de cet article : « A partir du 1er novembre, la Commission administrative dresse le tableau rectificatif qui comporte les électeurs nouvellement inscrits soit d’office par la Commission, soit à la demande d’électeurs ; les électeurs radiés soit d’office par la Commission, soit à la demande d’électeurs ».C’est exactement à cette même date du 1er novembre 2017 que le Sous-Préfet, l’Ambassadeur ou le Consul est tenu, conformément à l’article 52 de la loi électorale, de déposer ce tableau rectificatif au secrétariat de la Mairie, à l’Ambassade ou au Consulat et surtout de « donner avis à la population de ce dépôt par affiches aux lieux habituels et faisant connaître que les réclamations seront reçues pendant un délai de 20 jours ». C’est justement ce délai légal de réclamation de 20 jours ouvert aux citoyens, qui était fatal à l’opération improvisée de collecte du ministre. C’était uniquement dans ce délai de 20 jours que le nouveau majeur aux données biométriques fraichement collectées, pouvait encore faire des réclamations à la Commission administrative afin de pouvoir figurer sur la liste électorale. Autrement dit, au-delà du 20 novembre 2017, les nouveaux majeurs issus de l’opération de collecte des données qui serait toujours en cours jusqu’au 30 novembre 2017, ne disposaient plus légalement du droit de figurer sur la liste électorale. Aucune demande d’inscription n’était recevable auprès de la Commissions administrative à partir du 20 novembre 2017. Autant dire que les nouveaux majeurs dont les données biométriques avaient été collectées au-delà du 20 novembre 2017 ne pouvaient plus être inscrits sur la liste électorale dans le cadre de la révision annuelle normale en cours. L’opération de collecte de données biométriques aurait dû intervenir bien avant le 31 octobre 2017.
Une CENI indifférente face aux violations évidentes de la loi électorale
Depuis son intrusion sur la scène électorale au Mali, l’inutilité de la CENI n’avait jusque-là jamais été autant criarde et évidente. La CENI qui ne représente plus qu’une coquille vide, l’ombre d’elle-même si elle n’avait jamais existé, est devenue une vaste escroquerie institutionnelle. La CENI dans laquelle sont injectées de faramineuses ressources publiques afin qu’elle puisse assurer la régularité des élections, n’a pourtant jamais levé le petit doigt face aux illégalités flagrantes qui ont émaillé les scrutins du règne du Président IBK.
Pendant que le Président IBK et ses gouvernements continuent leur œuvre de sape des fondements de la République à travers les violations répétées de la loi électorale au fil des différents scrutins, les membres de la CENI qui n’affichent que de l’indifférence face à ces comportements scandaleux, ne semblent intéressés que par le magot des indemnités qu’ils se mettent plein les poches. Plutôt que de veiller à la légalité des scrutins pour lesquels elle a été mise en place, elle préfère plutôt fourrer le nez dans ce qui ne la regarde guère.
Comme nous avons déjà eu à le souligner, la CENI actuelle n’a d’ailleurs pas de base légale au regard de la loi électorale et est totalement incompétente pour la supervision des élections générales de 2018. Son lamentable communiqué publié dans le journal l’Essor du 26 janvier 2018 est tout aussi illégal. Dans ce ridicule communiqué, la CENI s’en prend aux pauvres affiches de soi-disant « candidats potentiels » à l’élection présidentielle qu’elle accuse à tort de violation de la règlementation sur la campagne électorale. En vérité, la notion de « candidat potentiel » qui n’existe nulle part dans la loi électorale n’est qu’une pure invention farfelue de sa part. D’ailleurs, la période de pré campagne électorale actuellement en cours ne fait l’objet d’aucune réglementation dans la loi électorale. C’est tout simplement parce qu’elle ne comprend rien dans la loi électorale qu’elle s’aventure dans un exercice d’extrapolation inacceptable en tentant de faire régir la présente période de pré-campagne électorale par des dispositions de la loi électorale qui ne concernent et ne s’appliquent qu’à la période officielle de campagne électorale.
On constate par ailleurs qu’au même moment où la pauvre CENI s’acharne illégalement sur les « candidats potentiels » juridiquement inexistantes, son gros bec reste irrémédiablement cloué face aux pratiques incontestablement illégales du régime et de sa majorité qui abusent sauvagement des moyens médiatiques, financiers, matériels et logistiques publics de l’Etat au vu et au su de tous. La CENI qui est elle-même constituée dans l’illégalité et qui s‘est ainsi clouée le bec face aux graves violations répétées de la loi électorale par le gouvernement est totalement et définitivement disqualifiée aujourd’hui pour distribuer de soi-disant leçons de République à « ceux qui aspirent diriger l’Etat aux plus hautes fonctions ». C’est pitoyable !
Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)