Comme beaucoup de Maliens, nous sommes restés sur notre faim par les propos tirés par les cheveux du ministre des Affaires religieuses et du Culte à l’Assemblée nationale. Interpellé le 6 février 2018 par Boureima Dicko, député Adema élu à Barouéli, sur la mauvaise organisation du pèlerinage 2017, Tierno Amadou Omar Hass Diallo a tout simplement fui le vrai débat qui aurait permis d’éclairer les citoyens. Ce qui nous a contraints à recourir à la présidente de l’Association malienne des agences de voyages et de tourisme (AMAVT), Mme Cissé Fatimata Kouyaté, pour avoir de meilleures réponses aux questions posées.
Lors des questions orales du mardi 6 février 2018 de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale, le ministre Tierno Amadou Omar Hass Diallo a tout fait sauf répondre clairement aux pertinentes questions du député Boureima Dicko.
Cette interpellation portait sur l’organisation catastrophique du pèlerinage de la filière gouvernementale, les manquements de certains organisateurs privés, le retrait de la filière gouvernementale, les impayés des charges de 2016, le qualificatif “tourisme religieux” dont le ministre des Affaires religieuses et du Culte ne veut pas entendre parler.
Le lendemain, nous avons donné la parole à une grande professionnelle du secteur, la présidente de l’Association malienne des agences de voyages et de tourisme (AMAVT). Tout comme la majorité des observateurs, Mme Cissé Fatimata Kouyaté est restée sur sa faim après avoir suivi le débat avec beaucoup d’intérêt. «Je n’ai pas compris qu’en lieu et place de débat, le député interpellateur se satisfasse de l’invitation du ministre en charge des Affaires religieuses pour aller discuter en aparté d’un problème qui intéresse la Nation entière car entrant dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale», a-t-elle déploré.
Et de rappeler : «Nous, promoteurs de la filière privée, avons réclamé un débat qui nous permettra d’accorder nos violons avec le département de tutelle en prenant à témoin l’opinion nationale.» Mais, en attendant cet “hypothétique débat”, elle a accepté de nous livrer sa part de vérité sur les thèmes de cette interpellation.
«En ce qui concerne les manquements de la filière privée, quelque part, le département en charge du hadj a failli à un devoir : celui du contrôle de l’activité de la filière privée. Obnubilé par la gestion de la filière gouvernementale, le ministère des Affaires religieuses et du Culte en oublie qu’il a la tutelle des deux filières. Il se positionne à la limite en concurrent déloyal», a déploré Mme Cissé. Selon ses explications, l’un des critères du cahier des charges auquel les agences de voyages doivent souscrire est la bonne organisation de la précédente édition.
Mais, défie la présidente de l’AMAVT, le département du hadj, «malgré ses 100 encadreurs pour 2000 pèlerins ne peut attester de ce que font les agences de voyages. C’est pourquoi nous avons demandé la suppression de la filière gouvernementale pour que le ministère s’occupe de régulation, de contrôle, de censure et de sanctions».
Mieux, a-t-elle assuré, «les promoteurs privés vont proposer à l’Etat de créer une structure de régulation du pèlerinage en lieu et place du ministère». Une structure à l’image de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications, des technologies de l’information et de la communication et de la poste (AMRTP) ou de la Haute autorité de la communication (HAC).
«L’agence de régulation du pèlerinage permettra de jeter les bases d’une meilleure compréhension et organisation de cette activité. Je pense que le ministère des Affaires religieuses et du Culte a de vastes opérations, autres que le pèlerinage, à mettre en chantier», a ironisé Fatimata Kouyaté Cissé.
En ce qui concerne les impayés de 2016, elle assure que la filière privée a donné les justificatifs du paiement de la totalité de ses dus. Pour le cachet “tourisme religieux” du pèlerinage, il a été évoqué par le ministre Diallo alors que cet aspect ne faisait pas partie des questions de l’honorable Dicko. «Nous, les privés, avons largement communiqué sur le sujet dans les journaux, sur l’ORTM, sur Africable, sur les réseaux sociaux. Nous nous tenons à la disposition de ceux-là qui veulent en débattre», a invité la Présidente.
«Nous réitérons notre disposition à travailler, de façon consensuelle, avec le département en charge du hadj. C’est même une forte doléance. En dépit des 85 % des pèlerins du Mali que nous traitons, le ministère de tutelle continue de faire cavalier seul», a indiqué Fatimata Kouyaté.
La filière privée a toujours été représentée dans la mission préparatoire du hadj en Arabie saoudite depuis 1999. Mais, depuis l’année dernière, «le ministère a pris la décision de nous en exclure. Cette année nous n’avons même pas été invités à présenter un mémorandum de doléances. Mais nous n’allons pas nous auto-exclure de l’activité», a-t-elle rappelé.
Et de conclure : «Nous n’avons pas de décret de nomination. Nous ne sommes que des citoyens de ce pays qui ont embrassé ce secteur pour créer des revenus, des emplois, de la richesse… Et nous payons des impôts et taxes. Retenons cela pour l’heure du bilan.»
Vivement l’organe de régulation du pèlerinage pour que le peuple voie clair dans la gestion du hadj qui est un pilier important de l’Islam.
Kader Toé
Tierno Amadou Omar Hass Diallo /
Un “démocrate” qui a horreur d’un exercice démocratique
Interpelé sur des questions pertinentes liées à la mauvaise organisation du pèlerinage en 2017, le ministre Tierno Amadou Omar Hass Diallo s’est donné en spectacle au lieu d’éclairer l’opinion nationale. Le tout puissant ministre des Affaires religieuses adore les discours à la limite du pédantisme. Mais il a visiblement horreur des interpellations qui mettent à nu les carences de sa gestion chaotique du hadj, l’un des cinq piliers de l’Islam. Il a été jusqu’à réclamer un aparté pour aborder les questions sur lesquelles il avait été interpellé le 6 février dernier.
Que cache-t-il aux Maliens ? Pourquoi tant de combines pour se soustraire à un exercice démocratique au sein de la représentation nationale pour permettre au peuple de mieux s’imprégner de l’action gouvernementale ?
En droit constitutionnel, une interpellation est une demande d’explication faite par un député ou un sénateur au gouvernement pour que celui-ci s’explique sur ses actions ou sur sa politique lors d’une séance publique de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Elle engage un débat auquel d’autres parlementaires peuvent prendre part et peut, à l’issue d’un vote, engager la responsabilité du gouvernement…
Trois fonctions essentielles, prévues par la plupart des dispositions constitutionnelles et règlementaires, caractérisent les Parlements de l’espace francophone : voter la loi, représenter le peuple et contrôler l’action gouvernementale ! La dernière fonction se manifeste dans le cadre du suivi de la mise en œuvre effective des politiques publiques par l’exécutif. A cet effet, le Parlement attire l’attention du gouvernement sur l’application de ces politiques en vue de répondre aux aspirations du peuple dont il est le représentant.
«Cette fonction de contrôle est considérée, à juste titre, comme l’une des missions essentielles du Parlement et un élément catalyseur du jeu démocratique. En effet, elle permet de rendre l’exécutif comptable de ses actions et d’assurer l’application efficace et effective des politiques par ce dernier», a précisé l’Assemblée parlementaire de la Francophonie dans un rapport présenté par M. Kouamé N’Guessan, de la Côte d’Ivoire, et intitulé “Les moyens parlementaires de contrôle de l’action gouvernementale dont les moyens d’interpellation dans l’espace francophone”.
Dans ce sens, le contrôle parlementaire est alors perçu comme un indicateur de bonne gouvernance. Il garantit l’équilibre des pouvoirs et affirme le rôle du député ou du sénateur en tant que défenseur des intérêts du peuple.
L’interpellation doit être comprise comme tout instrument «d’analyse, de suivi et de contrôle de l’action du gouvernement et des organismes publics, y compris la mise en œuvre des politiques et de la législation», précise le rapport en question.
Ce sens s’identifie au contrôle parlementaire et va ainsi au-delà de la simple demande d’explication adressée par un parlementaire aux autorités exécutives (gouvernement, hautes personnalités de l’administration, organismes publics) sur un aspect de leur politique et qui peut aboutir, dans certains cas, à la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. L’interpellation, dans ce dernier cas est l’un des moyens dont dispose le Parlement pour analyser et suivre la politique du gouvernement.
Dommage que le député interpellateur, Boureima Dicko, élu de Barouéli (Adema/PASJ), ait vite jeté l’éponge. Toutefois, une fois n’est pas coutume, nous avons apprécié les interventions du président de l’Assemblée nationale, l’honorable Issaka Sidibé. «A plusieurs reprises, il est intervenu pour recadrer les débats afin que les Maliens puissent y voir clair nonobstant les réticences du ministre Diallo visiblement mécontent d’être interpellé sur une activité sur laquelle lui-même a fixé l’ossature de son département et en réclame le monopole», a également reconnu la présidente de l’Association malienne des agences de voyages et de tourisme (AMAVT), Mme Cissé Fatimata Kouyaté.
C’est facile de se revendiquer démocrate par les paroles. Mais quand il s’agit de manifester cet état d’esprit dans les faits et gestes, le cercle se rétrécit sérieusement !