Il se passe à Kidal un jeu de plus en plus trouble. En février 2013, les troupes françaises ont préféré débarquer seules dans la ville, sans la compagnie des soldats maliens qui les avaient, auparavant, accompagnés dans la reconquête de toutes les autres localités du nord.
Les Maliens, surpris, font cependant montre de patience car la France, qui vient de les sauver des mains des jihadistes, fait savoir discrètement à Koulouba qu’elle cherche à récupérer ses otages dans les montagnes de Kidal et que le MNLA, qui y campe, promet de les dénicher. Plus le temps passe, plus la France désespère de retrouver ses 7 otages français. Des informations de première main laissent entendre que ces derniers ont été exfiltrés par leurs ravisseurs jihadistes vers la Libye ou le Soudan. Pis, en mars 2013, AQMI annonce avoir exécuté l’un des otages, Philippe Verdon. Une certitude s’impose aux Français: le MNLA ne sait ni ne peut rien au sujet des otages; il veut simplement rouler les troupes hexagonales dans la farine en se donnant des allures de mouvement indispensable, le tout dans le but ultime de garder Kidal sous son contrôle.
Le MNLA n’ayant plus assez de combattants – la plupart ont été décimés, il y a 7 mois, par les rivaux jihadistes -, il se met à recruter à tour de bras dans les rangs des mêmes jihadistes enfuis, transformant Kidal en toute nouvelle capitale du jihadisme sahélien.
Le président François Hollande finit par comprendre les simagrées du mouvement indépendantiste. Il a également conscience du danger qu’il court à faire peser une hypothèque sur le principe de l’intégrité territoriale du Mali. Hollande fait par conséquent dire publiquement à son chef de la diplomatie, Laurent Fabius, puis à son ministre de la Défense, Jean-Ives Le Drian, qu’« il ne saurait y avoir deux armées maliennes » et que « tôt ou tard, le MNLA va devoir désarmer et se cantonner ». C’est dans cette logique que, comme nous l’annoncions dans notre dernière livraison du lundi 29 avril 2013, l’état-major français de l’Opération Serval autorise l’entrée des troupes maliennes à Kidal. La France met, à cet effet, à la disposition de l’armée malienne tout l’attirail nécessaire pour le transport, l’alimentation et le combat. Bien entendu, le MNLA l’apprend. Il se fend, le 23 avril, d’un communiqué où il dénonce « l’alignement de la France sur les positions du Mali » et jure de défendre, au prix de la vie de ses combattants, le territoire et les populations de « l’Azawad ». Sans se préoccuper de ces cris d’orfraie, des centaines de bérets rouges, appuyés par des brigades de gendarmes et de gardes, foncent jusqu’aux portes de Kidal. La prise de la ville paraît si certaine que le ministre de la défense, le général Yamoussa Camara, a cru ne prendre aucun risque en annonçant, lors de son interpellation, la semaine dernière, par les députés qu’il n’y aurait pas d’élection avant la prise de Kidal.
A la grande stupéfaction de l’état-major malien, la France ordonne à nos troupes arrivées aux portes de Kidal de ne pas y entrer et de retourner à Gao! Pourquoi ce revirement inattendu ? La France, semble-t-il, ne veut pas d’un bain de sang qui pourrait lui être reproché comme cela est arrivé au Rwanda; ensuite, elle veut, tout en maniant la menace des armes, se donner le temps de convaincre le MNLA, qui considère le Mali comme une puissance coloniale, de libérer pacifiquement la ville et de s’inscrire dans le cadre d’une négociation politique avec le gouvernement malien. Dans le même temps, la France met la pression sur le gouvernement malien en vue d’engager des négociations concrètes avec le MNLA que tous les Maliens pour le déclencheur des maux qui ont déferlé sur le pays depuis le janvier 2012. Lourd challenge!
L’âme en peine, le coeur en feu, les soldats maliens quittent avec armes et bagages la périphérie de Kidal et retournent à Gao. « Ils n’ont guère le choix, nous confie un officier malien; sans le soutien logistique et aérien de la France, l’armée malienne ne peut reconquérir Kidal; d’ailleurs, même pour aller aux portes de Kidal, il a fallu transporter nos troupes par des moyens français! ».