François Clemenceau revient chaque matin sur un événement international au micro d'Europe 1 Bonjour.
Deux soldats français de la force Barkhane ont été tués hier au Mali lorsque leur véhicule a sauté sur une mine. Une attaque qui nous rappelle que l’armée française vient d’entamer sa sixième année de présence dans le pays.
C’est l’ancien chef d’état-major Pierre de Villiers qui le répétait avec force régulièrement, « gagner la guerre, ça peut aller vite, mais pour gagner la paix, il faut au moins dix à quinze ans ». Encore faudrait-il que les conditions politiques le permettent. La France a perdu très peu d’hommes au Sahel depuis le début de l’opération Serval en janvier 2013. Vingt au total si l’on compte les deux sous-officiers tués hier. Mais si l’on y ajoute les soldats de la MINUSMA et les civils des Nations Unies venus consolider le travail militaire de la France, il faut rajouter près de 150 tués. Avec une recrudescence des attaques depuis deux ans qui illustre la mobilité des groupes djihadistes. D’autant que ces groupes disposent d’armes et d’explosifs de plus en plus sophistiqués. Les mines qui explosent au passage de convois de Barkhane ou de la Minusma ne sont plus toutes artisanales et elles sont donc capables de déchiqueter un véhicule blindé et les hommes qui sont à bord.
Pourquoi dites-vous que les conditions politiques ne sont pas réunies pour que la paix fasse des progrès au Mali ?
Pour deux raisons : la première est locale. Les autorités françaises sont franchement déçues de l’attitude du président IBK, que l’on avait pourtant salué avec beaucoup d’espoir et de soulagement lorsqu’il a été élu. Mais très vite, on s’est rendus compte qu’à l’image de ses prédécesseurs, il se complaisait dans les calculs politiques et l’affairisme, un mode de gestion qui radicalise autant les Touaregs séparatistes que les islamistes armés en panne de projet. La deuxième raison est internationale. Tout le monde a compris que l’une des solutions réside dans cette force conjointe du G5 Sahel qui permet aux forces africaines de la région de prendre leurs responsabilités et de s’engager dans les sacrifices que l’on doit consentir dans la lutte contre le terrorisme. Sauf que cela coûte cher de former des unités d’élite et de les projeter dans la durée. Le budget de la première année opérationnelle est à peine bouclé. Celui de l’avenir de la force ne l’est pas du tout, même si la France s’attend à quelques progrès lors d’une nouvelle réunion de donateurs demain à Bruxelles.
Autrement dit, la guerre au Sahel est loin d’être terminée
Le prix du sang ne vaut pas grand-chose s’il n’y a pas en plus le prix à payer pour bâtir la paix. Cette guerre contre les djihadistes se prolongera aussi longtemps qu’une solution politique crédible n’aura pas été trouvée pour le nord du Mali avec les Touareg. Mais aussi tant que le développement de l’économie régionale ne sera pas visible. C’est tout l’enjeu de la réussite de l’Alliance pour le Sahel initiée par la France et l’Allemagne. En attendant qu’ils soient rejoints par d’autres avec autant de volonté et un solide carnet de chèques.