Pour éclairer l’opinion nationale et internationale sur la situation des droits de l’Homme en Afrique de l’Ouest et du Centre en général et au Mali en particulier, les responsables d’Amnesty International-Mali étaient face aux hommes de medias hier jeudi 22 février à la Maison de la Presse. C’était à la faveur du lancement du rapport 2017-2018 d’Amnesty International sur la situation des droits de l’Homme en Afrique. La rencontre était présidée par le Directeur régional d’Amnesty Afrique de l’Ouest et du Centre, M. Alioune Tine en présence de la Directrice, RamataGuissé et du président d’A.I-Mali, M. Drissa Fomba.
Dans son rapport de plus 300 pages, Amnesty International et la Minusma font part de leurinquiétude face à de graves menaces pour la sécurité dans les régions du Nord et du Centre, empêchant les populations de bénéficier des services sociaux de base.
Ainsi, en 2017, la MINUSMA a enregistré 252 atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité ou à des groupes armés, qui ont fait plus de 650 victimes. Elle a recensé notamment 21 exécutions extrajudiciaires et homicides délibérés et arbitraires, 12 disparitions forcées et 31 cas de torture et autres formes de mauvais traitements.
Exactions perpétrées par des groupes armés
Selon les conférenciers, les attaques se sont multipliées dans les régions centrales de Mopti et de Ségou. La présence accrue de groupes armés et l’intensification du recrutement local ont aggravé les tensions entre différentes ethnies. En février, des inconnus ont attaqué des Peulhs, faisant 20 morts et 18 blessés. Ces violences font suite à l’homicide d’un célèbre opposant d’influence extrémiste dans la région de Ségou.
Entre janvier et septembre, la MINUSMA a dénombré au moins 155 attaques contre ses forces de maintien de la paix, les forces de sécurité maliennes et les militaires français de l’opération Barkhane. Pendant l’année 2017, plus de 30 personnes travaillant pour la MINUSMA, y compris des civils et des contractuels, ont été tuées par des groupes armés. La plupart des attaques ont été revendiquées par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans. Huit enfants figuraient parmi les victimes.
En juin, une attaque menée par un groupe armé dans un hôtel situé à la périphérie de Bamako a fait cinq morts et 10 blessés. En juillet, des hommes armés ont roué de coups, 10 femmes qui assistaient à un mariage. En août, 12 femmes ont été flagellées à Mopti parce qu’elles n’étaient pas voilées.
À la fin de l’année, souligne le rapport, au moins huit personnes étaient toujours otages des groupes armés après avoir été enlevées au Mali, au Burkina Faso et au Niger au cours des trois dernières années. Parmi ces personnes, on dénombrait trois femmes : Gloria Cecilia AgotiNarvaez (une missionnaire colombienne), Sophie Pétronin (une Française) et Béatrice Stockly (une missionnaire suisse) ainsi que Mamadou Diawara (Malien), Ken Eliott (Australien), Julian Ghergut (Roumain), Soungalo (Malien) et JefferyWoodke (Américain).
Détention
Dans leur rapport rendu public hier, les responsables d’Amnesty International Mali dénoncent aussi les conditions de détention des prisonniers. Selon eux, les prisons demeuraient surpeuplées et les conditions de détention très mauvaises.
À la fin de l’année 2017, ils ont constaté que la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako, d’une capacité de 400 détenus en accueillait 1947, dont 581 avaient été déclarés coupables et 1366 étaient dans l’attente de leurs procès. Les personnes détenues depuis 2013 sur la base d’accusations de terrorisme n’étaient pas autorisées à quitter leurs cellules exiguës et mal ventilées, même pour faire de l’exercice. Des personnes étaient encore détenues dans un centre non officiel connu sous le nom de « Sécurité d’État ».
Des cas d’impunité
Au cours de la rencontre, les conférenciers ont évoqué le cas d’Amadou Aya Sanogo. Sans rentrer dans les détails, ils ont indiqué que le procès du Général Amadou Haya Sanogo pour l’enlèvement et le meurtre de 21 militaires, commis en avril 2012, n’avait pas repris alors qu’il avait été ajourné en décembre 2016. Ce report est intervenu à la suite d’une décision selon laquelle, les tests ADN n’étaient pas recevables en raison d’un vice de procédure.
« Les efforts de lutte contre l’impunité ont perdu de leur vigueur, dans la mesure où plusieurs procès médiatiques concernant des violences perpétrées dans le Nord du pays pendant l’occupation de 2012-2013 n’ont pas véritablement progressé », dénonce la Directrice d’Amnesty International Mali. Selon elle, l’accord de paix de 2015 qui recommandait la création d’une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur les crimes de droit international, y compris les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les atteintes aux droits humains, n’avait pas été mis en œuvre à la fin de l’année.
En août, l’ancien chef de l’unité de police du Mouvement pour l’Unicité et le Dihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Aliou Mahamane Touré, a été déclaré coupable d’« atteinte à la sécurité intérieure, de possession illégale d’armes de guerre, d’association de malfaiteurs et de violences graves » et condamné à 10 ans d’emprisonnement par la Cour d’assises de Bamako.