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Plainte contre le magistrat Amadou Ba pour incompatibilité entre sa fonction de président de la Ceni et de membre de la cour suprême : La Cour Suprême déclare le recours irrecevable, après 5 mois d’attente
Publié le samedi 24 fevrier 2018  |  Aujourd`hui
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La Cour suprême vient de se prononcer sur l’affaire concernant le magistrat Amadou Ba pour incompatibilité entre sa fonction de président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et son poste de Conseiller à la Cour suprême. Elle déclare le recours irrecevable, après 5 mois d’attente.

C’est par Décret N°2017-0675/P-RM pris en Conseil des ministres et signé en date du 8 août 2017 que le magistrat Amadou Ba a été nommé membre de la Cour suprême du Mali. Auparavant, il avait été nommé membre de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Cela suivant Décret N°214/P-RM du 13 mars 2017 portant nomination des membres de la Ceni. Et il a été élu au poste stratégique de président de cette Commission électorale à la suite d’un vote de 8 membres pour et 7 contre. Du coup, Amadou Ba devient le président de la Ceni.

Le hic est que son poste de président de la Ceni n’est pas compatible avec son poste de membre de la Cour suprême. En d’autres termes, son Décret de nomination de membre de la Cour suprême devait être abrogé ou celui de sa nomination comme membre de la Ceni.

Voilà pourquoi, certains de ses pairs s’attendaient à la démission du magistrat Amadou Ba pour incompatibilités avérées. Pour ce faire, un des commissaires de la Ceni avait décidé alors de saisir la Cour suprême de cette incompatibilité.

“Il était bien fondé que le Décret N°2017 – 0675/P-RM abroge le Décret N°0214.P-RM du 13 mars 2017 car la nouvelle affectation ne doit pas coexister avec l’ancienne. Qu’il lui sera objectivement impossible de présider la Ceni en toute neutralité et impartialité en étant membre d’une Institution de la République, de surcroit acteur incontournable dans la gestion du contentieux électoral et du contentieux de la Ceni. Que par ailleurs, il jure de “… ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence de la Cour suprême”.

“Que ce serait faire prendre un risque incommensurable à notre pays en matière électorale, risque dont nous devons nous passer en cette période particulière de l’histoire de notre pays”. Tels sont les arguments avancés par Evariste Fousseni Camara, membre de la Ceni et président de la sous-commission opérations de vote et suivi des démembrements, dans sa requête adressée au président de la Cour suprême, depuis le 26 septembre 2017, pour demander son avis.

Dans son argumentaire, il précise que “la position actuelle du Conseiller à la Cour suprême et président de la Ceni, Amadou Ba, magistrat, est de nature à entacher les décisions en matière électorale de soupçon de partialité, à semer un doute objectif dans la conscience des candidats et des électeurs quant à la neutralité et à l’impartialité de la Ceni. C’est pour ces raisons et toutes autres motivations juridiques à soulever d’office et en application de l’article 7 de la Loi organique N°2016-046 du 23 septembre 2016 fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle que nous avons l’honneur de vous demander de juger que le Décret de nomination en qualité de Conseiller à la Cour suprême doit abroger le Décret de nomination de Amadou Ba, membre de la Ceni et en tirer toutes conséquences de droit. Et Amadou Ba doit démissionner de son poste de président de la Ceni. Que cet arrêt de la Cour fera jurisprudence”. Au même moment, un parti politique de la Convention de la majorité présidentielle avait décidé aussi de saisir la Cour constitutionnelle qui répond presque aussitôt dans un arrêt pour dire que c’est la Cour suprême qui est compétente. Elle tient le Premier ministre et le Ministre de l’administration territoriale ampliataires. Ce parti saisit alors la Cour suprême de cette incompatibilité.

La Chambre administrative de la Cour suprême vient donc de donner son avis sur ce dossier, qui continue de défrayer la chronique dans les milieux politiques. Selon nos informations, elle a déclaré la requête irrecevable. C’est dire que le magistrat Amadou Ba va continuer de cumuler les deux postes. C’est pourquoi, ce débat est désormais relancé dans le milieu politique. Plusieurs partis politiques, notamment ceux de la Convention de la majorité présidentielle sont remontés contre cette décision de la Cour suprême.

Selon les dispositions de L’art 9 de la loi N°2016-046 du 23 septembre 2016, la Cour doit dire si Monsieur Amadou Bah, devenu membre de la Cour suprême, peut toujours rester président de la Commission nationale indépendante et le cas échéant, saisir le Conseil supérieur de la magistrature

Du point de vue de la Ceni, selon les dispositions de l’art 43 du Règlement Intérieur, “les membres de la Ceni ne doivent solliciter, ni recevoir d’avantages matériels ou pécuniaires, d’instruction d’aucune autorité politique, administrative ou privée. Ils agissent en toute indépendance et en toute objectivité”. Donc, en acceptant sa nomination à la Cour suprême, Amadou Ba touche un peu à chacun de ces interdits.

Selon les dispositions de l’art 12 du Règlement intérieur de la Ceni, “toutes contestations sur les membres de la Ceni et les démembrements sont soumises à la Cour suprême et aux tribunaux administratifs”.

En ce qui concerne la Cour suprême, il faut préciser que “les fonctions de membre de la Cour suprême sont incompatibles avec celles de ministre, député, directeur de société et entreprise d’Etat, avec toute fonction administrative, politique et toute activité professionnelle privée salariée”. Et les membres de la Cour suprême prêtent le serment de ” …ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence de la Cour suprême…”.

Que fera le président de la Ceni lorsque celle-ci devra examiner des questions portant démembrements de cette Commission, processus électoral, emplacement de bureaux de vote, contestations, résultats… se taire et trahir la Ceni ou participer à la réunion et trahir son serment ?

En tout cas, la Cour suprême est le sommet de la hiérarchie judiciaire et par conséquent le rêve de tout juge, la vitrine de notre système judiciaire et le modèle pour les juges en début de carrière, voire les étudiants en droit de cette filière.

Amadou Ba et son syndicat qui le couvre apparemment, les démocrates qui se taisent, le bureau de la Cour suprême sont-ils sûrs d’envoyer à tout ce beau monde et aux justiciables le bon signal ?

Depuis une décision du 1er octobre 1982 (N° 8692/79, aff Piersak c/ Belgique), la Cour de Strasbourg a introduit une distinction entre l’impartialité subjective (le juge n’a pas d’a priori en son for intérieur) et l’impartialité objective (sa situation offre des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime).

La Cour a en outre souligné que les apparences peuvent revêtir une certaine importance dans la mesure où “il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer dans une société démocratique”.Le juge doit se déporter de lui-même, dès lors qu’il identifie une cause qui pourrait susciter chez le justiciable un doute objectif sur son impartialité. AFF AZF ch crim. 13 janvier 2015.

En démocratie et dans des cas similaires, le juge concerné, en toute responsabilité, est le premier à démissionner. Ce fut le cas l’année dernière au lendemain de la nomination du Sénateur français, Michel Mercier au Conseil constitutionnel français. Le Conseil constitutionnel rappelait sèchement que les “sages” avaient pour “obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions”. Cette nomination pour mémoire est intervenue presqu’au même moment que celle du juge Amadou BA au Mali. Monsieur Mercier avait immédiatement démissionné.

Le juge Ba et ses collègues pourront-ils trancher en toute impartialité et en toute neutralité les contentieux qui opposeront sûrement des actes signés du président de la Ceni qui portent sur le processus électoral, les électeurs et les candidats à cette même personnalité qui siège parmi eux? La réponse est objectivement : non. Il sera pratiquement impossible de ne pas donner l’image du juge et partie aux justiciables.

L’image même de neutralité de la Ceni qui reste son essence, risque fort d’être écornée.

A.B. HAÏDARA

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