La question n’est pas anodine et a été déjà posée sous d’autres cieux plus avisés que les nôtres ; çà et là, elle continue d’ailleurs de faire débat. J’en connais qui ont une peur bleue du web 2.0 et qui préfèrent, de loin, rester au stade du Moyen-âge numérique, se contentant tout juste de l’ancestral traitement de texte.
Pour eux, pas question de succomber à la mode car, de leur point de vue, les réseaux sociaux débouchent inexorablement sur la déviance, la débauche, les abus et toutes les nouvelles formes de dépravation des mœurs. Pour certains parents qui s’imaginent que leurs enfants sont innocents comme de doux agneaux, le réveil est parfois brutal et douloureux lorsqu’ils s’aperçoivent que leurs rejetons consacrent plus de temps à Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter ou autre Youtube qu’à leurs études.
Ces dernières années, la démocratisation des smartphones a amplifié le phénomène portant un coup dur à l’autorité parentale. En entreprise aussi, l’utilisation des réseaux sociaux impacterait négativement la productivité, obligeant des responsables à bloquer l’accès à ces plateformes fautives aux heures de travail. Pour autant, faut-il envisager de bloquer l’accès aux réseaux sociaux ? Faut-il imaginer une forme de censure sélective ou même d’un accompagnement des jeunes publics ? Partout, la question fait rage et les européens viennent de légiférer en la matière, fixant l’âge minimal d’accès aux réseaux sociaux à 13 ans, assorti entre autres d’une éducation aux médias et d’un contrôle parental.
Quid du Mali ? S’il n’est pas exact de parler de désert institutionnel en la matière, il est toutefois loisible de constater que la question n’a pas encore été posée avec l’acuité qu’elle devrait susciter au regard de la diffusion délictueuse, ces derniers temps, d’images à caractère sexuel, pornographique ou pédopornographique. Des anonymes, des personnalités et leurs foyers sont affectés par la circulation sur lesdits réseaux d’images, de vidéos ou d’enregistrements sonores à des fins criminelles. Par ailleurs, l’identité d’honorables personnes est usurpée pour soutirer de l’argent et d’autres avantages à des personnes qui se laissent abuser de bonne foi. C’est que des esprits tordus découvrent, comme par enchantement, qu’ils peuvent soit s’enrichir rapidement et facilement soit régler des comptes en portant des coups bas à leurs adversaires.
En période électorale, cette dernière pratique criminelle pourrait prospérer dans l’optique de barrer la route à des adversaires politiques qui seraient ainsi décrédibilisés. S’il ne me revient pas de donner quelque leçon à qui que ce soit, je me permettrai toutefois de faire le lanceur d’alerte et de proposer quelques pistes de réflexion pour susciter le débat. A ces fins, il est urgent de comprendre que la vie privée d’autrui est sacrée et que nul n’a le droit de la violer et de l’étaler sur la place publique pour assouvir quelque dessein. Il est tout aussi d’une absolue nécessité que familles et écoles continuent d’exercer leurs rôles respectifs d’éducation et de formation de nos enfants qui peuvent être à la fois acteurs et victimes des dérives gravissimes sur les réseaux sociaux.
L’éducation aux médias qui n’existe pas dans nos curricula devrait y être introduite urgemment afin de mieux préparer les jeunes adolescents et certains adultes qui seraient tentés par la licence à adopter des comportements vertueux. Les familles, les institutions et la société sont ainsi appelés à mieux s’impliquer dans l’éducation de la jeunesse et s’assurer que cette dernière maîtrise bien les différents codes de conduite et qu’elle sera apte à reproduire les valeurs cardinales qui fondent toute société. Les aînés nous apprennent que lorsque vous surprenez des vautours en train de dévorer une dépouille humaine, il faut s’empresser de les en éloigner. Qui sait si, demain, vous ne vous retrouverez pas à la place de l’infortuné macchabée ?
Convaincu qu’il faut vivre avec son temps et qu’il est absolument contreproductif de vouloir bloquer l’accès aux réseaux sociaux, je suis adepte d’une pédagogie musclée alliant la carotte et le bâton. In fine, le web doit demeurer cette place publique sécurisée et conviviale propice à l’apprentissage, au partage du savoir et des meilleures pratiques vers laquelle doivent converger toutes les générations d’internautes.
Nous sommes tous comme la chèvre de Monsieur Seguin, écervelés, insouciants et attirés par l’inconnu au point d’oublier le danger évident auquel on s’expose. Il urge donc de nettoyer les écuries d’Augias afin que les réseaux sociaux soient débarrassés de toute vermine et qu’ils reviennent à leur vocation première : « … un espace d’expression et de diffusion de l’information où les contenus peuvent être personnalisés et interactifs ».