Par la Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018, le ministre de l’Administration Territoriale vient de prescrire une révision exceptionnelle des listes électorales prévue du 25 février au 6 mars 2018 sur toute l’étendue du territoire nationale ainsi que dans les ambassades et consulats du Mali. Le ministre prétend ainsi, en seulement dix (10) petites journées, corriger les graves insuffisances du fichier électoral sur lequel de nombreux Maliens dont les jeunes en âge de voter, ne sont pas inscrits. Le moins que l’on puisse dire est que si le gouvernement est capable d’une telle mascarade d’opération improvisée de révision exceptionnelle des listes électorales, c’est qu’il ne mesure pas les enjeux véritables de la fiabilité du fichier électoral. A l’évidence, la révision exceptionnelle décidée présente tous les signes d’une opération poudre aux yeux qui n’a nullement pour objet de donner une réelle opportunité aux Maliens pour se faire inscrire sur les listes électorales en vue des scrutins de cette année 2018. Pire, l’opération de révision exceptionnelle des listes électorales éventre le gros mensonge du ministre Tiéman Hubert COULIBALY qui, on s’en souvient, avait chanté sur tous les toits que son opération spéciale de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans, devait aboutir à leur inscription sur les listes électorales durant la dernière révision annuelle qui s’est déroulée du 1er octobre au 31 décembre 2017. Analyse.
Ministre de l’Administration territoriale de son état à l’époque, Tiéman Hubert COULIBALY avait en effet improvisé en pleine période de révision annuelle ordinaire des listes électorales en 2017, un mini calendrier de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans. Il avait notamment affirmé que cette opération de collecte va se dérouler durant un mois, c’est à dire du 1er au 30 novembre 2017 où des équipes mobiles seront déployées sur l’ensemble du territoire national et dans les Ambassades et Consulats. Ainsi, avait-il rassuré, la participation aux élections de 2018 sera garantie pour cette tranche d’âge, puisque c’est la condition sine qua non pour figurer dans le fichier électoral. L’opération avait comme objectif clairement assigné par le ministre, de prendre en charge lesdits nouveaux majeurs sur les listes électorales au titre de la révision annuelle ordinaire en cours à l’époque. Il était pourtant évident, comme nous l’avions dénoncé à l’époque, que cette opération tardive de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans prévue du 1er au 30 novembre 2017 s’assimilait plutôt à un colmatage incompatible avec le calendrier légal des opérations de révision annuelle des listes électorales. En déphasage totale avec les étapes légales de la révision annuelle des listes électorales, elle ne pouvait aucunement aboutir à l’inscription des jeunes majeurs concernés sur les listes électorales de la révision annuelle ordinaire de 2017. La Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018 de l’actuel ministre de l’Administration Territoriale prescrivant une révision exceptionnelle des listes électorales fait éclater au grand jour ce mensonge d’Etat de l’Ex ministre de l’Administration Territoriale Tiéman Hubert COULIBALY. A l’article 2 de cette Décision, il est bien spécifié que la révision exceptionnelle prescrite « s’effectue sur la base des résultats de l’opération spéciale de collecte des données biométriques des nouveaux majeurs de 2017… ». Si l’opération spéciale de collecte des données biométriques des nouveaux majeurs de 2017 doit servir de base à la révision exceptionnelle actuelle, c’est bien parce que cette opération de colmatage n’avait guère permis l’inscription desdits nouveaux majeurs concernés sur les listes électorales issues de la révision annuelle de 2017. Les Maliens qui avaient cédé au chant de sirène du ministre, doivent aujourd’hui se rendre à l’évidence : c’est seulement lors de la présente révision exceptionnelle que les jeunes majeurs de l’opération spéciale de Tiéman Hubert, peuvent enfin espérer devenir des électeurs.
Une révision exceptionnelle improvisée à la durée ridicule et à la couverture géographique incertaine
La Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018 constitue le prototype même du mode de la gouvernance bâti sur l’improvisation et le bricolage sans fin. Comment qualifier autrement une Décision qui prescrit une révision exceptionnelle des listes électorales d’une durée de 10 jours d’un fichier électoral à la fiabilité douteuse dont il est d’ailleurs question d’auditer ? La Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018 donne nettement l’impression que le gouvernement se moque des Maliens. Qui va croire qu’en une dizaine de jours, on peut réaliser une révision exceptionnelle sérieuse des listes électorales aussi bien à l’intérieur du Mali que dans les ambassades et consultas du Mali ?
A cet égard, de nombreux facteurs incitent plutôt à sérieusement douter de la capacité, voire même de la volonté du gouvernement, à réaliser comme stipulé à l’article 1er de la Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018, l’opération de révision exceptionnelle « sur toute l’étendue du territoire nationale, dans les ambassades et consulats ». L’« étendue du territoire national » telle qu’annoncée dans la Décision couvre-t-elle toujours Taoudenit, Ménaka, Kidal, voire de nombreuses contrées de la région centre de Mopti?
Qui le gouvernement va-t-il convaincre qu’à la fin de la révision exceptionnelle prévue pour le 6 mars 2018, de nombreux ambassades et consulats ainsi que de nombreuses communes de l’intérieur sur la rade ne seraient toujours pas en attente des documents de l’opération ?
La répartition de la petite dizaine de jours entre les différentes étapes du processus de révision est encore plus révélatrice de la légèrement de l’opération.
C’est ainsi par exemple que l’étape majeure de la révision des listes qui est celle des inscriptions, des radiations et des transferts d’électeurs qui dure normalement 31 jours ou un mois, a été ramené à deux jours : soit du 25 au 26 février 2018 ! Qui dit mieux ? Autre aberration de cette révision exceptionnelle : le déni de justice de facto pour les citoyens qui ne disposent que de 24 heures pour faire des réclamations sur les tableaux rectificatifs. Ce déni de justice se trouve encore accentué par l’illusion d’obtenir en trois jours, soit du 03 au 05 mars 2018, un éventuel examen judiciaire d’une réclamation. C’est proprement de la poudre aux yeux ! L’opération prescrite par le ministre de l’Administration Territoriale à travers sa Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018 est loin d’être à la hauteur des enjeux de transparence et de crédibilité de la présidentielle et des législatives de 2018.
Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)