TUNIS - Les autorités tunisiennes ont révélé mercredi que les groupes liés à Al-Qaïda pourchassés à la frontière algérienne comptaient des vétérans de la rébellion au Mali et ont promis de les "éradiquer", malgré les difficultés rencontrées sur le terrain.
"Ils sont venus du Mali", a déclaré le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, devant l’Assemblée nationale constituante (ANC), confirmant officiellement des informations obtenues précédemment par l’AFP auprès d’une source militaire sur le terrain.
"J’aurais aimé que l’audition soit à huis clos pour pouvoir en dire davantage", a ajouté le ministre.
Mardi, son ministère avait indiqué que ces groupes étaient liés Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), signe inquiétant pour la Tunisie, confrontée à un essor de groupuscules jihadistes depuis la révolution de 2011.
M. Ben Jeddou n’a pas précisé si les combattants pourchassés au mont Chambi (ouest) et dans le massif du Kef (nord-ouest) avaient été rejoints par des vétérans du Mali avant ou après l’intervention militaire française.
L’opération lancée par la France en janvier a permis la reprise des principales villes du nord du Mali, occupées par des groupes liés à Al-Qaïda, et a porté un coup dur à Aqmi, mais nombre de combattants ont pu fuir.
Les "terroristes" recherchés sur le mont Chaambi sont une vingtaine, "une moitié de Tunisiens et une moitié d’Algériens". Le second groupe compte une dizaine de militants armés, a précisé le ministre.
Ces hommes sont pourchassés depuis décembre et l’opération a pris une nouvelle ampleur, dans la mesure où 16 militaires et gendarmes ont été blessés depuis fin avril par des mines artisanales, a-t-il rappelé.
M. Ben Jeddou a en outre annoncé l’arrestation ces trois derniers jours de
deux complices présumés des jihadistes, qui s’ajoutent aux 37 suspects
interpellés dans la région depuis décembre.
Si l’armée a utilisé des obus de mortier pour tenter de déminer la montagne
et l’a encerclée, elle n’a jusqu’à présent pas combattu directement son
adversaire dans cette vaste zone escarpée et boisée.
Lors de son audition, le ministre de la Défense, Rachid Sabbagh, a reconnu
ne pas disposer des équipements pour détecter les mines.
"Les opérations de déminage n’ont pas donné de grands résultats (...). Il
va falloir former des chiens" pour détecter ces engins composés d’engrais, de
plastique et de glycérine, a-t-il dit.
"Les forces armées resteront sur place jusqu’à l’éradication" des jihadistes, a-t-il néanmoins promis.
Le Premier ministre Ali Larayedh a tenu à se montrer rassurant, estimant
que la Tunisie allait mieux sur le plan sécuritaire malgré la succession des
violences liées à des groupes extrémistes et à de graves conflits sociaux.
"L’instauration de la sécurité dans le pays progresse", a-t-il assuré.
"Nous allons poursuivre notre confrontation avec les groupes violents et
terroristes (...), démanteler leurs structures et les traduire en justice", a
ajouté ce cadre du parti islamiste Ennahda, ancien ministre de l’Intérieur.
De nombreux opposants ont vertement critiqué M. Larayedh, estimant que le
laxisme d’Ennahda vis-à-vis des mouvements salafistes avait permis l’émergence
d’Al-Qaïda.
"On va arriver à une guerre civile !", lui a lancé Hichem Hosni, un élu indépendant.
Un autre député, Samir Bettaïeb a dénoncé l’incapacité des autorités à reprendre les mosquées passées sous la coupe de salafistes.
"Il y a une absence de politique pour contrôler les mosquées (...), les terroristes de Chaambi peuvent s’y réfugier", a-t-il dénoncé, avant de réclamer le déploiement de l’armée sur les frontières avec l’Algérie et la Libye, où le trafic d’armes est en plein essor.
Le gouvernement a longtemps considéré les actions de jihadistes comme des incidents isolés, tels l’attaque contre l’ambassade américaine en septembre 2012 et l’assassinat d’un opposant anti-islamiste en février.