Les auteurs du putsch avorté de 2015 au Burkina Faso comparaissaient mardi 27 février 2018 devant le tribunal militaire de Ouagadougou lorsqu’après plus de quatre heures de séance, les avocats des détenus qualifient la « justice d’inexistante » avant de se retirer de la salle.
Le jugement de Gilbert Diendéré et de Djibrill Bassolé et plus de 84 autres accusés a été repoussé à deux semaines, soit mi-mars, dû à une incompréhension juridique. Ces hommes sont accusés d’avoir préparé un coup d’État qualifié par les Burkinabè de « coup d’État le plus bête au monde » contre le gouvernement de transition institué après le coup d’État contre Blaise Compaoré en 2014. Cette action avortée avait coûté la vie à 14 citoyens et fait 251 blessés.
Le jugement de ces accusés à peine commencé le mardi dernier a été vite annulé lorsque les avocats des accusés sont sortis de la salle en dénonçant la justice d’être une « justice d’exception ». Ils trouvent qu’il y a une manipulation juridique en vue de culpabiliser coûte que coûte leur client. Michel Traoré, un avocat, s’explique sur cet état de fait : « Ils ont renouvelé les membres du tribunal militaire, dont le président, par un décret qui a été publié le 22 février. La loi dit qu’il faut un délai de huit jours ouvrables avant que le président siège. Nous sommes le 27 ! Nous, avocats de la défense, attendons que la juridiction régularise la situation. Si des gens doivent être jugés, c’est dans le respect de la loi. »
L’impartialité de la justice est un vain mot dans la quasi-totalité des démocraties modernes. Au lieu que la justice s’attèle à régulariser les équilibres rompus, elle crée d’autres déséquilibres. Les justices démocratiques deviennent alors des lieux d’injustices. Elles sont toujours influencées par des mains invisibles. C’est la raison pour laquelle, un des avocats de Gilbert Diendéré explique : « Nous comparaisons devant une juridiction inexistante ».
Toutes ces méthodes ne sont que des moyens pour discréditer la juridiction en place selon les avocats de la partie civile. C’est dans cette mesure que Guy Hervé Kam affirme à la fin de l’audience : « Lorsque les charges qui pèsent sur les accusés sont énormes, en général est utilisée ce qu’on appelle la défense de rupture, c’est-à-dire chercher par tous les moyens à discréditer la juridiction qui va siéger. C’est exactement ce qui s’est passé aujourd’hui. Mais nous y reviendrons tôt ou tard, les personnes poursuivies devront rendre compte au peuple burkinabé. »
Toutes les stratégies adoptées par la juridiction en place ont montré leur limite. Tout s’est passé comme si les avocats et leurs clients avaient tout planifié avant de se rendre au tribunal afin d’avoir encore plus de temps devant eux.
Par ailleurs, ne faudrait-il pas douter de la bonne foi du gouvernement burkinabé dans cette affaire ? Cette question mérite quand même d’être analysée à fond, car comment expliquer ce changement brusque des membres du tribunal militaire sachant bien qu’il fallait attendre huit jours après pour que ceux-ci entrent en fonction ? Ce renouvellement n’est pas fortuit. Rien ne montre que ce ne soit dans l’objectif de faire le jugement obligatoirement en défaveur des accusés. Si tel est le cas, alors tous les membres du gouvernement burkinabé n’ont pas les mains pures.
Pour preuve, rappelons-nous du cas d’Amadou Aya Sanogo au Mali. Ce dernier n’a pu jusqu’à présent être jugé par le gouvernement du Mali. À chaque fois qu’il comparait devant les tribunaux, la séance est remise à une date ultérieure. Qu’en est-il de la question du jugement de l’ex-président, Amadou Toumani Touré ? L’actuel président s’était décidé à le juger, mais depuis, nous n’avons plus rien entendu de sa part. Ces cas se produisent généralement lorsque l’affaire implique des « Bras longs » ayant d’intimes relations avec le gouvernement.
La démocratie cessera d’être une réalité dans nos pays si nous continuons à violer ses principes. L’impartialité des tribunaux qui constitue une preuve du règne de l’égalité et de la justice doit être priorisée davantage.