Dans une importante contribution dont nous publions la première partie, le doyen Somita Kéïta fait des rappels historiques sur la lutte syndicale. Homme de grande conviction, Somita Kéïta, très attaché aux valeurs républicaines et démocratiques, lègue aux générations actuelle et future un travail fouillé sur les syndicats. Lisez la première partie.
Nous n’évoquerons ici ni l’origine des syndicats, ni la pénétration des syndicats en Afrique, particulièrement au Soudan (l’actuel Mali). Nous prendrons comme point de départ du mouvement syndical africain la fin de la 2ème guerre mondiale en 1945.
1) avant la conférence de Cotonou, au Bénin
Avant la conférence de Cotonou en 1957, il serait utile, pour la mémoire du Mouvement syndical africain, de rappeler certaines actions héroïques des syndicats :
1- Grève des cheminots de l’Ex-Dakar-Niger en 1947-1948 ;
2- Grève du 03 novembre 1952 pour le code du travail ;
3- Grève du 03 août 1953 pour un salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) ;
4- Grève des travailleurs des anciennes messageries africaines en 1954 ;
5- Grève des travailleurs de l’Ex-Energie A.O.F en 1955 ;
6- En octobre 1956, les syndicats ont décidé la création d’une seule centrale africaine autonome.
2) à partir de la conférence de Cotonou en janvier 1957
Pour mieux comprendre la longue marche du Mouvement syndical africain, lisons ce dernier paragraphe de l’éditorial de cette conférence de Cotonou : « Camarades travailleurs, le rôle de l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (l’UGTAN) est désormais un élément important de l’histoire de l’Afrique, jouons ce rôle avec tout notre courage et toute notre conscience de patriotes et de révolutionnaires ». Ce fut la déconnexion du Mouvement syndical africain des syndicats français : CST-CFTC ou CGT-FO Autonomes ou autres, accélérant ainsi l’application de la loi-cadre conduisant à la mise en place d’un gouvernement semi-autonome le 31 mars 1957.
L’UGTAN et la politique
L’UGTAN rejette la conception hypocrite et colonialiste qui tend à l’enlisement du mouvement syndical africain dans un corporatisme étroit et un réformisme préjudiciable aux intérêts vitaux des travailleurs et des populations africaines.
L’UGTAN est un mouvement d’engagement anticolonialiste et anti-impérialiste. Dans ces conditions, la vocation de la centrale est la conquête effective du pouvoir par les Africains pour la gestion démocratique de leurs propres affaires.
3) A partir de 1958
L’UGTAN et la lutte pour l’indépendance et l’unité africaine à partir de 1958. Avec le Référendum du 28 septembre 1958, la lutte des travailleurs et des peuples d’Afrique noire contre le colonialisme est entrée dans une phase nouvelle. L’UGTAN donna le mot d’ordre de voter non pour aller immédiatement à l’indépendance.
L’accession de la Guinée à l’indépendance fut, en Afrique noire, une grande brèche dans le système colonial de l’impérialisme français.
4) A partir de 1959
L’indépendance de la Guinée en 1958, suite au référendum du 28 septembre, fut une source de motivation et une confiance en soi renouvelée pour la marche de l’UGTAN vers d’autres actions salutaires telles que :
1- Le Congrès constitutif de l’UGTAN tenu à Conakry du 15 au 18 janvier 1959. A la clôture de ce congrès, d’importantes résolutions ont été adoptées : a) Résolution générale ; b) Résolution sur le programme d’action ; c) Résolution sur l’unification ; d) Résolution sur l’organisation.
2- Le Premier Conseil général de l’UGTAN tenu à Bamako du 25 au 28 juillet 1959. A la clôture de ce conseil général d’importantes résolutions ont été adoptées : a) Résolution sur l’indépendance et l’unité africaine : la Fédération du Mali ; la Conférence de Sanniquelli (au Libéria) ; b) Résolution sur la guerre d’Algérie ; c) Résolution sur l’orientation de l’UGTAN et l’unité syndicale ; d) Résolution sur les armes de destruction massive, les essais nucléaires et atomiques au Sahara et dans le monde.
5) A partir du 22 septembre 1960
Nous avons fait la révolution politique, il s’agit maintenant d’en assurer la continuité et le développement par l’incessante progression de la production et la transformation du milieu social auquel il faut assurer une vie économique décente. Dès lors, les préoccupations syndicales doivent dépasser désormais le cadre strict des revendications purement matérielles et se situer au niveau de l’homme tout entier dans ses fins propres, dans son esprit et dans son âme afin de le libérer de toutes ses servitudes.
Il faut que ces tâches soient comprises par les syndicats et les travailleurs qui ont eu une contribution puissante dans la liquidation de la domination étrangère.
C’est pourquoi, le premier plan quinquennal de développement du Mali a été élaboré avec la participation du syndicat qui soutenait activement la création des sociétés et entreprises d’Etat. Pour pallier l’insuffisance des ressources financières en ce tout début d’indépendance, les syndicats ont accepté le sacrifice :
1- Du blocage des salaires ; 2- De la taxe civique ;
3- De la participation aux travaux des investissements humains.
C’est l’époque où le vent du nationalisme, voire du patriotisme soufflait de plus bel, ou la participation à la production d’un bien était une fierté nationale.
6) A partir du 19 novembre 1968
Le coup d’Etat du 19 novembre 1968 a porté un coup de massue au mouvement syndical malien :
1- Arrestation des responsables du bureau exécutif central de l’UNTM ;
2- Fermeture du siège de l’UNTM, c’est-à-dire la Bourse du Travail ;
3- Déportation des hauts responsables syndicaux ;
4- Dissolution du bureau exécutif de l’UNTM et interdiction de tout mouvement syndical au Mali ;
5- Suppression : a) du blocage des salaires ; b) de la taxe civique ; c) de la participation aux travaux d’investissements humains.
L’article 76 de la Constitution du 25 février 1974 l’atteste en son alinéa 1 et à son dernier tiret : « ne peuvent être membres ni du parti, ni de l’Assemblée nationale, ni du gouvernement, ni des bureaux syndicaux pendant un délai de dix ans, à compter de la date de promulgation de la présente Constitution, les personnes ayant avant le 19 novembre 1968, assumé les responsabilités suivantes :
– Membres du bureau de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali ».
La collaboration entre la centrale syndicale et le régime militaire (CMLN) a été difficile. L’UNTM a connu un long passage à vide avec des bureaux provisoires et des secrétaires généraux mis à la tête par le CMLN. C’est au congrès de 1978 que l’UNTM optera pour un syndicalisme de participation responsable. Le nouveau rôle historique que le syndicat devait jouer commença lors de son conseil central tenu les 28 et 29 mai 1990. Face au durcissement du régime et aux carnages, l’Union National des Travailleurs du Mali (UNTM) a lancé la première grève illimitée de l’histoire du syndicalisme malien les 25 et 26 mars 1991. C’est ainsi que la 2ème République du Mali est née le mardi 26 mars 1991, sous l’autorité du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) dont le président était le lieutenant colonel Amadou Toumani TOURE et le vice-président, le camarade Bakary KARAMBE Secrétaire général de l’UNTM. Pour terminer la transition dans le calme, le gouvernement de la transition dirigé par Soumana SAKO, avait signé deux importants pactes :
1- Le Pacte national avec la rébellion du nord ;
2- Le Pacte social avec l’UNTM.
7) Du 08 juin 1992 au 22 mars 2012
L’Etat étant une continuité, le gouvernement de la 3ème République a démarré avec le Pacte national contenant les revendications de l’UNTM. 26 ans après, seule l’UNTM peut nous donner l’état d’exécution de ce pacte !
Selon le journal Baarakèla, l’organe d’expression du syndicat, numéro spécial du 1er mai 2017 : « En 1997, 2008, 2009 et 2014, elle a successivement permis une augmentation des salaires, le respect des textes internationaux et nationaux en matière de travail, ainsi que l’institutionnalisation du code du travail et du code de prévoyance sociale ».
« La mise en place des conventions collectives, l’assurance maladie obligatoire (AMO) et les mutuelles figurent aussi parmi les actions salvatrices de l’UNTM ».