Le « Paris-Moscou » ne vous dit rien. Le contraire eût été étonnant. Mais les plus perspicaces d’entre vous pensent peut-être à une ligne ferroviaire ; à un parcours sportif du genre le Rallye Paris-Dakar… ou à quelque courant de pensée, axe politique, culturel, etc. Que rien de tout cela ! Le « Paris-Moscou », c’est ce courant d’air glacial de direction est-nord-est, venu de la lointaine Sibérie (Russie), qui souffle depuis le 25 février sur toute l’Europe.
Selon plusieurs sites spécialisés, cette vague de froid est également surnommée "La Bête de l'Est" par les médias britanniques, "L'Ours de Sibérie" aux Pays-Bas, le "canon à neige" en Suède. « Elle fait craindre pour la santé des plus fragiles, sans-abri ou personnes âgées en particulier, et perturbe les transports.
Les températures sont restées glaciales dans la nuit de mardi à mercredi (27 -28 février), avec par exemple -24°C par endroits en Allemagne, -29°C en Estonie et -18°C en République tchèque », précise un autre média spécialisé. Hervé HILLARD, dans un article publié le 21 février dernier sur le site d’Ouest-France, ajoute sa couche : « Bons baisers de Russie – bonne bise, plutôt. Car, comme on vous l’avait annoncé (…), le glacé arrive, le glaçant est là, le glacial s’installe. Et il nous vient de l’Est. Pour gagner cette guerre froide, sortez donc pulls, manteaux chauds, gants et bonnets ». Ce nouveau « Général Hiver » - Napoléon et Hitler ne m’en tiendront pas rigueur – sévit alors qu’un soleil absolument radieux rayonne dans le ciel des principaux pays touchés par le phénomène.
Allez comprendre ! Pour les sahéliens que nous sommes, difficile de comprendre ce phénomène fort heureusement circonscrit dans le temps de l’hiver. Par 40 ou 45° sous abri dans le Sahel, il eût été tentant de demander à Dame Nature de provoquer une légère dérivation de l’itinéraire de ce froid du Grand Nord vers nos latitudes, histoire de rendre notre météo un peu plus clémente. Mais comme disait feu mon grand-père, « soyons heureux de notre condition », sous-entendant que Dieu a réponse à tout et, après tout, ses voies ne sont-elles pas impénétrables ! Imaginons un reporter de votre Bihebdomadaire couvrant une expédition scientifique en Sibérie ou dans le Grand Nord canadien par -45° ou, dans l’autre sens, un médecin de l’Alaska conduisant une mission humanitaire à Kidal en avril-mai.
C’est carrément de la science-fiction ! Pourtant, en ces temps où la météo se montre impitoyable, il faut bien que la vie continue, que l’économie tourne, que tous les services soient assurés. Chez nous, on sait ce qu’il en est. Quid des pays européens concernés par ce phénomène atypique ? Dans un article mis en ligne le 26 février sur le site de capital.fr, un avocat spécialiste en droit du travail tente de répondre aux principales questions qui viennent à l’esprit. A la question « Existe-t-il un seuil minimal de température que l’employeur doit respecter ? », Éric Rocheblave répond que “le Code du travail (français) évoque bien la température du lieu de travail dans de nombreux articles, mais il ne donne jamais de seuil minimal, il reste toujours imprécis”. Même si, précise-t-il, on peut notamment y découvrir le concept de “saison froide”, pendant laquelle l’employeur doit respecter une “température convenable”.
En l’absence de références juridiques précises, le spécialiste renvoie à la jurisprudence qui n’est pas, malheureusement, une assurance tous risques en l’espèce. “Les décisions judiciaires sont très fluctuantes”. “Certaines juridictions ont estimé que l’on ne pouvait pas aller en dessous de 14°, certaines 12°, d’autres 15°”, décrypte l’avocat. Quelles sont les obligations de l’employeur lorsque le salarié travaille en intérieur ou en extérieur ? L’avocat répond que « … les employés travaillent dans des bureaux ou en extérieur, sur un chantier par exemple, l’entreprise est toujours tenue de garantir la santé du salarié”. A l’intérieur, c’est à dire dans les bureaux, le spécialiste note qu’il faut un chauffage adapté et de l’aération.
Quant à l’extérieur, il soutient que « l’employeur doit mettre à disposition de ses salariés des habillements spécifiques”. La tenue doit ainsi pouvoir à la fois protéger du froid et permettre de faire son travail sans être gêné. Autre question importante : Le salarié peut-il exercer son droit de retrait s’il juge qu’il fait trop froid sur son lieu de travail ? Réponse d’Eric Rocheblave : « Si le salarié estime qu’il est exposé à une température qui pourrait nuire à sa santé, il peut alors faire valoir son droit de retrait…
Le salarié peut aussi, en amont, alerter son employeur ou les élus du personnel, et quitter son poste de travail en dernier recours, si rien n’a été décidé ». Dernière question qui m’a paru intéressante : Que risque l’employeur s’il met en danger ses salariés en les faisant travailler dans le froid ? Le spécialiste rappelle une directive de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qui dispose que « des contrôles inopinés peuvent être engagés par les services de l’inspection du travail pour s’assurer du respect, par les employeurs, de leurs obligations réglementaires et d’une bonne évaluation du risque, dans une période de ‘’grand froid’’.
Ainsi, si l’inspection du travail se rend compte qu’aucun chauffage n’est présent dans les locaux visités, elle peut mettre en demeure l’entreprise de se mettre aux normes. Dans les cas les plus urgents, s’il y a un “danger grave ou imminent pour l’intégrité physique d’un salarié “, les inspecteurs du travail peuvent directement engager une procédure de sanction. Faut-il mettre en parallèle la notion de ‘’grand froid ‘’ en Europe et son pendant de ‘’grande chaleur’’ au Mali ou dans d’autres pays du Sahel ? Je n’ai pas envie d’ouvrir la boîte à Pandore. Mais la question devrait interpeller employés et employeurs dans le cadre d’un dialogue social constructif dont la finalité est l’amélioration des conditions de vie et de travail des producteurs, qu’ils soient du public ou du privé.