Le 14 février 2018, un jeune Américain de 19 ans entra dans son ancien lycée en Floride et tue 17 personnes. Il était armé d’un fusil d'assaut qu’il s’était procuré légalement. Il y a tout juste sept mois, une autre fusillade a fait 49 morts et 53 blessés dans une boite de nuit à Orlando. L'obsession américaine pour les armes à feu peut paraître déconcertante aux observateurs d'autres pays peu familiers avec ses origines. Alors, comment cette culture des armes à feu est-elle devenue si profondément enracinée dans la psyché américaine ?
Le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis stipule : «Une milice bien organisée, étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit du peuple de garder et de porter des armes, ne doit pas être violé.» Les Américains en général ne font pas confiance à leur gouvernement ou à leurs dirigeants. Ils pensent qu'une révolution armée contre le gouvernement n'est pas seulement possible, mais peut-être nécessaire. Aucun autre pays ne souffre de l'illusion que sa sécurité vient de l'abondance des fusils d'assaut et autres armes à feu. Les Américains possèdent 35 à 50% des armes pour civils dans le monde. Selon Smith & Wesson, le plus grand armurier américain, les Américains achètent chaque année près de 2 milliards de dollars d'armes de pointe.
Ce fanatisme américain a été créé et maintenu principalement par une organisation avec des tentacules qui s'étendent partout dans le système politique. Depuis une cinquantaine d'années, la National Rifle Association (NRA) reste un puissant groupe politique connu pour sa défense sans faille des droits des Américains à porter des armes. Pendant des décennies, la NRA a réussi à bloquer les projets de loi - y compris les recherches sur la violence liée aux armes à feu financées par le gouvernement et une proposition de loi interdisant les armes d'assaut. Selon l’association, ces restrictions menacent le droit constitutionnel des citoyens.
La NRA dépense des millions de dollars chaque année pour influencer le Congrès et la Maison Blanche. Selon le “Center for Responsive Politics”, la somme pour le lobbying de l'année dernière a dépassé les 5,1 millions de dollars. La NRA est particulièrement active pendant les campagnes présidentielles, contribuant des millions de dollars à des candidats qui soutiennent le droit de porter des armes à feu. Elle cible ceux qui menacent de réglementer les armes à feu. Lors des élections de 2016, le groupe a apporté son soutien total à Donald Trump.
De nombreux partisans du contrôle des armes reprochent à la NRA ses tactiques agressives de lobbying et de division. Mais le groupe affirme que sa mission est de « protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis ». Un rapport publié en juin 2013 par l'Institute of Medicine (IOM) indique que «la quasi-totalité des armes utilisées dans des actes criminels entrent en circulation par le biais d'une transaction légale ». Après la fusillade à l'école primaire Sandy Hook, qui a fait 28 morts, le vice-président exécutif de la NRA a déclaré : «La seule chose qui arrête un méchant avec une arme à feu, c'est un bon gars avec une arme à feu.» La vérité est que les données ne soutiennent pas cet argument. La majorité des adultes, y compris les propriétaires d'armes à feu, appuient le contrôle des armes à feu, comme les vérifications des antécédents, l'interdiction des armes d'assaut et l'interdiction des chargeurs de grande capacité.
La NRA a peut-être rencontré un adversaire redoutable dans le mouvement "Never Again" (Plus Jamais). Ce mouvement a été créé par les lycéens après la fusillade de Parkland en Floride. Ces jeunes, déçus par les politiciens, ont décidés de prendre leur avenir en main. Ils ont commencé à s'organiser et manifester à Washington et dans les capitales des Etats. Sous pression, la législature de la Floride défiant la NRA, vient de passer de nouvelles lois imposant une période d'attente, et augmentant l'âge d'achat à 21 ans pour certaines armes. Cette victoire marque peut-être la fin du règne sanglant de la NRA dans la politique américaine.