La semaine dernière a été marquée par des déclarations contradictoires des leaders musulmans qui se sont tancé mutuellement par presse interposée. Cela, suite à une déclaration du Président du Haut Conseil Islamique du Mali, Imam Mahamoud Dicko, sur le choix des musulmans à la présidentielle de 2018.
Comme à ses habitudes, l’imam Mahamoud Dicko s’exprime à chaque fois que le Mali organise un grand événement. Mais cette fois-ci, sa prise de position pour la présidentielle de 2018 n’est pas appréciée par bon nombre de ses coreligionnaires. Dans sa déclaration, Dicko aurait affirmé: «Les musulmans maliens se doivent de retenir une seule chose: la voie tracée par le Chérif de Nioro sera la nôtre», une déclaration qualifiée par les observateurs politiques de mot d’ordre dans la perspective du scrutin présidentiel de 2018. Sur les antennes radio, l’Imam Dicko souligne que la décision revient au Chérif de Nioro !
Et son porte-parole, Issa Kaou Djim d’enfoncer le clou: «nous ne servirons plus de fusible à quelqu’un ! Le Mali n’appartient pas à IBK. Ce sont les rênes du pouvoir qui lui ont été juste confiées. Les musulmans maliens doivent-ils le soutenir comme ils l’ont fait lors des précédentes échéances présidentielles ? Le respectable Mahamoud Dicko dont je suis le porte-parole est clair sur la question : les musulmans du Mali sont tous invités à suivre la voie tracée par le Chérif de Nioro et nulle autre ! L’imam Mahamoud Dicko et le Chérif de Nioro sont désormais sur la même longueur d’onde».
Il n’en fallait pas plus pour heurter la sensibilité de certains leaders religieux maliens, en l’occurrence les Imams Issa Karambé de Ségou et Cheick Soufi Bilal Diallo de Djicoroni-para, Bamako.
Réplique de l’Imam Karambé
Répliquant à ces déclarations, Issaka Karambé se désolidarise de cette prise de position. «Que Mahamoud Dicko cesse ne nous divertir», assène-t-il. Leader d’un groupement de musulmans à Ségou, l’Imam Karambé désapprouve les récentes sorties médiatiques de Mahmoud Dicko. Face à cette situation, il appelle le président du Haut conseil islamique à faire preuve de retenue et de sagesse. A ses dires, l’imam Dicko, bien que premier responsable d’un regroupement des musulmans du Mali (le Groupement des leaders spirituels ne fait pas partie du HCI), doit s’abstenir de faire des déclarations politiques « qui engagent les musulmans du Mali ». Pour l’imam Karambé, « si Mahmoud Dicko a un deal avec le Chérif de Nioro qu’il le règle à titre personnel et s’abstient de le faire pour des raisons inavouées. A Ségou, nous ne nous sentons nullement concernés par sa déclaration qui est de nature à politiser notre région, à diviser les musulmans et à les instrumentaliser », rapporte un confrère.
Pour M. Karambé, les musulmans ont un autre devoir qui n’est pas celui de lier pieds et mains pour des intérêts partisans. « Cela ne doit pas être notre rôle. Le pays a besoin de nous pour d’autres missions urgentes, celles de ramener l’accalmie et la paix», a-t-il ajouté.
Cheick Soufi Bilal Diallo en renfort
A l’occasion de sa traditionnelle journée de bénédiction en faveur de la paix au Mali, le 2ème vice-président du Haut conseil islamique du Mali, Cheick Soufi Bilal Diallo a exprimé la frustration au sein de la grande organisation islamique du pays. Ce qui lui fera dire que «le Haut Conseil Islamique est aujourd’hui une déception totale. Pour lui, le leader religieux est comme tout autre citoyen, il doit faire la politique. Mais, le leader religieux, qui s’engage politiquement «doit être véridique et doté de raison». Pourtant, regrette Soufi Bilal, le président du Haut Conseil Islamique du Mali a perdu ces qualités. Le guide de la confrérie soufi s’en prend nommément à l’Imam Mahamoud Dicko. Et ce ne sont pas des propos de circonstance, fait-il savoir à qui veut l’entendre. Selon Soufi Bilal, le Haut Conseil Islamique du Mali ne joue plus son rôle d’interface entre le pouvoir et les musulmans. Pour preuve, affirme le 2e vice-président de l’organisation islamique, le HCIM n’a jamais rien demandé officiellement à l’Etat au nom de la communauté musulmane. Pourtant, assure-t-il, les demandes individuelles sont toujours faites et c’est quand elles ne sont pas satisfaites que l’on s’en prend au pouvoir en brandissant la menace de «votes guidés», restituent des confrères.
Pis, poursuit Bilal Diallo, pendant que l’on critique la gestion du pays, on a du mal soi-même à gérer son institution. Les leaders religieux, déplore-t-il, ont chacun leur parti politique. Et au lieu de s’assumer, ils préfèrent se cacher pour déstabiliser le pays. Mais quiconque s’en prend au président de la République, aujourd’hui, s’en prend à la nation malienne toute entière. Et c’est toute la nation malienne qui lui en tiendra rigueur. Si IBK doit quitter le pouvoir, il partira de la manière dont il est venu. De grâce, qu’on arrête de manipuler les foules au nom de l’Islam.