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L’imam Mahmoud Dicko, président du HCIM : «IBK peut toujours compter sur moi et doit ….»
Publié le mardi 13 mars 2018  |  L’enquêteur
Cérémonie
© aBamako.com par Androuicha
Cérémonie de signature de l`accord de paix d`Alger
Bamako, le 15 mai 2015 au CICB. Le Gouvernement malien et les groupes rebelles du nord ont procédé en présence de nombreux chefs d`Etats africains et de la médiation internationale à la signature du document de paix issu du processus d`Alger. (Photo Mahmoud DICKO, imam et président du Haut Conseil Islamique du Mali)
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Dans ce Spécial «L’Enquêteur 22 Septembre», le président du Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), l’Imam Mahmoud Dicko, nous a fait l’honneur de nous accorder l’interview qui suit. Sans langue de bois, il a abordé toutes les questions relatives à la vie de son organisation, en particulier et à toute la nation malienne. L’accord pour la paix et la réconciliation nationale,la bonne foi des parties signataires à faire la paix,l’immixtion des religieux dans la sphère politique,le terrorisme et l’extrémisme religieux au Mali, son soutien au candidat IBK en 2013 dans sa quête du pouvoir, le rôle des forces étrangères (Serval, Minusma et Barkhane) dans la résolution de la crise malienne, tout a été décortiqué par l’Imam Dicko. Sans oublier la diversité dans l’Islam au Mali (source de conflits ?), la situation sécuritaire au Mali et dans la sous-région… Lisez plutôt !



Monsieur le Président, comment se porte le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) ?

Je peux dire que le Conseil se porte très bien. Il n’y a pas de problème particulier. Vraiment, depuis mon élection jusqu’aujourd’hui. C’est vrai qu’au début, c’était difficile, mais les choses sont rentrées dans l’ordre. Je le répète, il n’y pas de problème particulier.



Pour la paix, la réconciliation et la stabilisation de notre pays, quel a été l’apport des leaders religieux ?

Vous savez ? De 2012 à nos jours, les leaders religieux ont essayé d’apporter leur contribution dans la stabilisation de notre pays et pour la paix et la réconciliation nationale, de façon générale. Nous avons fait ce que nous pouvions faire et je pense que l’accord, ce n’est pas à nous de le juger ou de l’estimer. Mais comme je le disais tantôt, nous avons fait ce que nous avons pu faire en tant que citoyens et leaders religieux. On n’a ménagé aucun effort pour que cela soit.



Un an après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, plusieurs localités du Nord et du Centre échappent au contrôle de l’Etat malien. Avez-vous confiance en la bonne foi des parties signataires à faire la paix ?

Je n’ai aucun droit de douter de leur bonne foi. Si elles n’aiment pas la paix, pourquoi elles signeraient l’accord ? Si elles ont accepté de signer l’accord, c’est parce qu’elles ont la volonté de faire la paix. Maintenant, entre vouloir la paix et faire la paix, il y a beaucoup de choses. Aller à la paix, c’est tout un processus. Les conditions n’ont pas été faciles, il faut le reconnaître, c’est une réalité qui est là. Mais, cela ne me permet pas d’avoir un doute quelconque sur la volonté de toutes les parties signataires, pour dire que peut-être elles ne veulent pas faire la paix. Non, je pense que tout le monde veut la paix, mais pour y arriver, ce n’est pas facile. Il faut qu’on se mette ensemble pour lever les obstacles qui sont en face de nous pour vraiment réussir cette paix.



Comment peut-on combattre le terrorisme et l’extrémisme religieux au Mali ?

S’il existe dans notre pays, il faut qu’il soit combattu par les mêmes armes qui ont fait qu’il existe. Ce qu’on appelle aujourd’hui terrorisme, extrémisme religieux ou jihadisme, s’il faut combattre ce fléau, je ne pense pas que ce soit seulement le fusil qui peut venir à bout. Je pense que ce sont des hommes qui ne savent pas ce qu’ils font aujourd’hui. C’est le fait des autres hommes qui ont changé leur mentalité qu’ils ont cru à ce qu’ils sont en train de faire. Peut-être que d’autres intelligences et d’autres interprétations peuvent être une solution pour les faire sortir de cette situation. Je crois qu’il y a beaucoup de gens qui sont dans une situation où eux-mêmes cherchent la porte de sortie. Il faut certainement leur tendre la main, mais je ne suis pas de l’avis des gens qui pensent que dès que quelqu’un a franchi la porte pour être de l’autre côté, il faut l’enfoncer et refermer la porte sur lui. Je crois que là, ce n’est pas la solution, parce qu’on va le radicaliser de plus ; parce que s’il sait qu’il n’a pas de recours, il n’a pas de sortie, la seule voie qu’il lui reste, c’est de tuer ou d’être tué. Je continue, moi personnellement, à croire qu’on peut trouver une solution. En plus de l’aspect sécuritaire que d’autres personnes gèrent – ça je ne suis pas habilité à en parler, parce que je ne maîtrise pas ce domaine – mais réellement, je pense que nous sommes des êtres humains, des personnes qui réfléchissent et penser qu’on ne peut pas parler avec eux est une erreur.

Pour combattre ce fléau, il faut aussi voir ses aspects si on peut trouver dans ces pistes-là un moyen de convaincre au moins une partie, même si on n’arrive pas à récupérer la totalité des gens. On peut récupérer certaines personnes qui sont certainement nos enfants, qui se retrouvent dans cette situation. Il faut qu’on leur tende la main. Je pense que ça peut être une solution.



Vous avez été d’un apport incommensurable pour le candidat IBK en 2013 dans sa quête du pouvoir. Vous êtes depuis, de plus en plus critique à son égard. IBK pourra-t-il toujours compter sur vous ? Sinon, avez-vous des regrets ?

D’abord regret, je n’ai aucun regret de l’avoir soutenu. Pas du tout ! Ce que je regrette, c’est qu’il n’a pas pu avoir les conditions nécessaires pour mettre en application ou en œuvre ce qu’il a souhaité pour le Mali et les Maliens. S’il y a quelque chose qu’on regrette, c’est bien cela. Est-ce qu’il peut compter sur moi encore ? Bien sûr que Oui ! Il compte sur moi et il compte sur les 16 millions de Maliens, parce que tant qu’il reste à la tête de ce pays, c’est un devoir pour nous de le soutenir. Vous ne pouvez pas mettre quelqu’un à la tête d’un pays et ne pas le soutenir. Le soutenir est un devoir citoyen, même religieux. Je pense que tout ce qu’on peut faire pour l’aider à réussir, nous le faisons, parce qu’il ne réussit pas en tant qu’IBK ; sa réussite, c’est celle du Mali tout entier. Il peut encore compter sur moi pour réussir ce pour lequel il a été élu et soutenu par les Maliens. En tout cas, tout ce que je peux faire, moi en tant que simple citoyen, en tant qu’individu, en tant que personne, je le ferai pour IBK. Je ne ménagerais aucun effort pour que nous puissions arriver à une situation meilleure que celle que nous vivons aujourd’hui.



De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’immixtion du religieux dans le politique. Vos sorties sont souvent incomprises. Comment lever l’équivoque ?

(Rires !!!). Vous savez, personne ne peut être compris par tout le monde, même IBK que les Maliens ont élu. Mais ce n’est pas tout le monde qui le comprend. Je pense réellement que ce que les gens dénoncent comme étantl’immixtion des religieux dans la sphère politique, les religieux peuvent dire le contraire. Les politiciens s’immiscent aussi dans notre champ (Rires !!!). Aujourd’hui, personne n’est neutre, aussi bien les religieux que les politiciens ; chacun rentre dans le domaine de l’autre. Nous sommes aujourd’hui dans un pays où il est difficile d’avoir un domaine réservé où personne ne doit rentrer. Les politiciens, chaque fois qu’il y a élection, ce sont eux qui rentrent dans notre domaine. Ils vont aller voir les marabouts, les chefs religieux, mais ils ne sont jamais restés chez eux pour dire qu’ils n’ont rien à voir avec nous ; ce sont eux qui ont commencé à nous démarcher. Et dire qu’il y al’immixtion des religieux dans la sphère politique, je crois que ces politiciens racontent ce qu’ils veulent raconter. Moi, je suis un citoyen libre de ce pays ; je suis religieux, mais ça ne m’enlève pas mon droit de citoyen. Critiquer et donner mon point de vue, c’est mon droit. Je critique, j’accepte aussi que les gens me critiquent, parce que je ne suis pas le détenteur absolu de la vérité. Je peux me tromper. Je peux peut-être avoir des positions que les gens ne comprennent pas et c’est leur droit de me critiquer. Mais, qu’ils me donnent aussi le droit de critiquer ce que je ne comprends pas. Je ne critique pas par quelconque méchanceté.Je dénonce parce qu’aujourd’hui je suis à la tête d’une organisation qui parle au nom de toute la Communauté musulmane. Il serait difficile pour moi de me taire sur des questions qui, aujourd’hui, engagent ou intéressent plus de 98% de Maliens (musulmans, ndlr). Sinon, ce que les gens disent, c’est leur droit de me critiquer quand ils ne me comprennent pas. Je leur concède cela. Nous sommes en démocratie et je pense qu’il est souvent bon que les gens parlent de vous pour que vous sachiez ce qui est bon ou mauvais de vous. L’erreur est humaine ; moi, mon intention est bonne. Je peux l’attester pour moi et Dieu est Témoin. Maintenant, pour ceux qui souhaitent que les musulmans se mettent à l’écart, nous, on va se mettre à l’écart. Nous n’avons jamais amené un projet de société à 100% musulman pour l’imposer aux Maliens. Tous les projets de société qui sont là sont des projets de société laïcs. Sinon, je ne vois pas de quoi on est mêlé si ce n’est notre devoir en tant que citoyens de parler de notre pays ; c’est tout ! Qu’est-ce que les gens dénoncent ? Qu’est-ce qu’on a fait et qui n’est pas faisable ? Je ne sais pas. Est-ce qu’on a demandé l’application de la charia ou imposé certaines choses qui sont contraires à cette vie démocratique de notre pays ? Si on donne notre point de vue par rapport à la situation de notre pays, je pense que c’est notre droit. Il faut que nos politiques acceptent aussi d’être critiqués. Peuvent-ils s’arroger le droit en disant qu’ils sont les seuls habilités à parler du Mali ; qu’ils sont les seuls à conduire le Mali. Non !



Vous vous montrez également de plus en plus acerbe vis-à-vis de la classe politique malienne et des forces étrangères (Serval, Minusma et Barkhane). Que pouvons-nous comprendre par cette position ?

Au moment où Serval intervenait au Mali, j’ai salué cette intervention au nom du HCIM, au nom de la Communauté musulmane du Mali. Je l’ai dit haut et fort en son temps. C’est parce que notre pays était un peuple en détresse et c’est la France qui a volé à notre secours pour au moins arrêter cette situation. Mais, si après ça il y a eu des choses ambiguës du genre : « il faut vous arrêter là »; « il faut passer par là », « il ne faut pas franchir là » ; « il faut vous limiter là »…finalement, pour arriver dans une partie de notre territoire, il faut l’autorisation de ces mêmes forces, comme si elles sont des forces d’occupation. Qu’est-ce qui m’empêcherait, moi Dicko, de dénoncer cette situation ? Donc, moi je ne vois pas en ça une controverse. Ce que j’ai dit par rapport à la Minusma, ce n’est pas un désaveu, c’est la réalité que tous les citoyens lambda de ce pays vivent. J’ai dit aux forces de la Minusma ce que les populations pensent d’elles. On ne peut pas comprendre, après avoir augmenté les forces jusqu’à plus de 13.000 hommes et après avoir même changé leur mandat en le rendant plus robuste, que ces hommes ne puissent pas se mettre entre deux frères qui se battent dans ce même Mali. C’est incompréhensible. Ensuite, notre armée est attaquée par-ci, par-là, sans leur présence ou leur aide, je ne comprends pas. Mais, si on me demande de me prononcer sur une telle situation, je parle selon ma compréhension des choses. Mais, je peux me tromper, parce que je ne détiens pas toute la vérité, je ne maîtrise pas tous les contours de cette affaire.



L’Islam au Mali se caractérise par sa diversité et par des tensions latentes. N’avez-vous pas peur que cela puisse être source de conflits religieux ?

Non. Je ne le pense pas. J’ai vraiment confiance en notre peuple. En notre Islam. Aux fondements de notre religion malgré la diversité. Vous ne pouvez pas ne pas avoir une diversité au Mali. Vous savez ?Nos enfants, de l’indépendance à nos jours, sont allés dans toutes les écoles. Tous les courants de pensée ont été appris par les Maliens. Il y en a qui sont allés en Iran, au Liban, en Egypte, au Maroc, en Algérie, en Libye, en Arabie Saoudite et ailleurs. Donc, il n’y a pas un courant de pensée islamique qui n’a pas ses adeptes au Mali. Quand les gens parlent d’Islam ancien, il n’y a pas d’Islam ancien ou nouveau. Le problème est qu’il y a un contexte mondial qui change aujourd’hui. Les gens sont partis dans les grandes universités et partout ailleurs, ils ont appris et ils sont revenus. Donc, cette diversité est là, nous avons un pays qui n’a pas de politique dans ce sens-là pour orienter et canaliser, pour faire en sorte qu’on ait notre vision propre, malgré l’apport que les autres nous fournissent. En tout cas, cette diversité existe au Mali. Mais, ce qui caractérise notre pays, c’est cette tolérance que nous avons, qui est l’essence même de notre façon de faire, qui nous permet aujourd’hui de transcender tout ce qui peut venir comme divergences entre nous. Nos devanciers ont eu à travailler dans ce sens. C’est ce qui a permis la création de l’AMUPI. Aujourd’hui, nous avons le Haut Conseil islamique dans lequel il y a tous les courants. Par la grâce de Dieu, aujourd’hui au Mali, on va difficilement arriver à des situations de conflits. Il fut un moment où les gens pensaient que cela allaitarriver. Mais, nous avons pu avoir une maîtrise de soi et une bonne lecture de la situation qui nous ont permis de maintenir le bon cap. C’était un moment d’agitation, de doute, de beaucoup de choses où les gens ont attisé une question de sunnites et de non-sunnites, de salafistes et non-salafistes….Dans notre pays, c’est difficile, car vous ne trouverez pas une famille où il n’y a pas tous les courants. Dans la même famille, vous trouverez quelqu’un qui est wahhabite, quelqu’un qui est Soufi, quelqu’un qui est malikite, quelqu’un qui est non-malikite… Cette diversité, nous la vivons même dans nos familles, par la grâce de Dieu. C’est comme dans une famille, vous trouverez une partie musulmane et une autre, chrétienne. Notre pays a cette capacité de juguler ces choses-là. Ceux qui prédisent pour le Mali une guerre religieuse, je crois qu’ils doivent revoir leur compte, parce qu’au Mali, je peux dire sans risque de me faire démentir par l’histoire, cela n’arrivera pas. Et Inch’Allah, ça ne va jamais arriver.







le président, un appel à l’endroit de nos autorités et à la Communauté musulmane ?
A l’endroit de nos autorités, je pense qu’il y a de bons signaux qui commencent. C’est en réalité cette ouverture d’esprit, ce contact avec le peuple qui est une nécessité absolue. Cela redonne confiance au peuple, crée des liens de confiance entre le sommet et la base. Et je crois que cette dynamique ne doit pas être lâchée ; elle doit être continuelle, perpétuelle, car le peuple a besoin de ça aujourd’hui, pour que nous puissions quitter cette situation d’incertitude qu’on a connue durant ces trois dernières années. Je souhaite que nos autorités continuent sur cette lancée. Nos concitoyens aiment le contact. Nous avons un proverbe bambara qui dit : «Hina bé déli la». Ce contact est très important et il faut que nos dirigeants ne l’oublient jamais.

Que le peuple malien, en général et la Communauté musulmane, en particulier, cessent de croire que sans les autres on n’y peut rien. Les autres, c’est bien, ils doivent nous aider, parce qu’aujourd’hui, personne, à lui seul, ne peut rien, c’est vrai. Mais, il faut qu’on sache d’abord que notre première force, c’est nous. Que la conviction que nous avons de notre être, de notre pays, que nous pouvons rebondir, que nous sommes une grande nation, que nous pouvons trébucher, mais qu’on ne tombera jamais. Même s’il arrivait qu’on tombe, on va se relever. Nous devons avoir cette confiance en nous et l’inculquer à notre jeunesse en lui apprenant que seule les grandes Nations sont éprouvées. Toutes ces grandes Nations qu’on voit aujourd’hui ont connu des moments difficiles dans leur existence. Ce n’est pas parce qu’il y a eu chez nous une crise ou une situation difficile que nous allons abandonner le combat. La Côte d’Ivoire, tout prêt ici, a connu 10 ans de guerre. Il y a eu tellement d’incertitudes pour les Ivoiriens, mais les voilà aujourd’hui en train de rebondir. Qu’est-ce qui nous empêche, nous Maliens, après cette crise, de nous relever pour rebondir ? Inch Allah, nous le pouvons et j’y crois !

Aliou Badara Diarra
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