Certes, le gouvernement malien a adopté, il y a quelques jours, une loi modificative du Code électoral relative à l’organisation du vote des déplacés et des réfugiés du Nord. Certes, le fichier électoral biométrique, basé sur le recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC), et l’opérateur électoral, Safran Morpho (ex-Sagem), semblent faire l’unanimité. Mais on ne sait toujours pas si l’élection présidentielle aura lieu, quand bien même tout le monde aurait les yeux rivés sur le mois de juillet 2013.
François Hollande, le chef de l’Etat français, s’est dit "intraitable" sur ce timing, et le président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré, a embouché la même trompette. Une date gravée dans le marbre de la Constitution malienne ?
Presque ! Il reste donc en tout et pour tout 3 mois, et plusieurs grands hypothèques à lever pour que cette élection soit une réalité à la date prévue. Parmi ces obstacles à franchir :
- la sécurisation complète du Nord, en crevant l’abcès de Kidal, localité toujours entre les mains du MNLA qui y refuse toute présence de l’armée malienne et fait de la satisfaction de ses exigences un préalable à la tenue du scrutin ;
- le déploiement de l’Administration, qui organise ce scrutin sur l’ensemble du territoire.
Si donc, au Nord, on en est encore là, c’est-à-dire dans une situation de ni paix ni guerre malgré l’intervention conjointe de la France et du Tchad, qui a permis de briser les reins aux djihadistes armés, au Sud à Bamako, c’est le branle-bas de combat préélectoral, car on se bouscule au pied de la colline du pouvoir.
La liste des présidentiables n’est pas encore close, mais la fournée s’élève déjà à 12 prétendants. Alors qu’ils étaient 9 à prétendre avoir un destin national il y a à peine une semaine, dont 8 de la seule ADEMA (parti majoritaire), 3 autres candidats viennent de se déclarer candidats.
Comme dans toute présidentielle chez nous au "Gondwana", il y a deux catégories de candidatures : les sérieuses et les fantaisistes.
La première race est souvent constituée de personnalités ayant une envergure électorale nationale, une certaine expérience dans la gestion des affaires de l’Etat, les moyens de leur politique et un projet de société ou en tout cas ce qui en tient lieu.
La seconde regroupe des gens en mal de publicité, des "professionnels de la politique" et des saltimbanques qui amusent la galerie.
En tout état de cause, le retour à un Etat de droit au Mali et la libération totale de son septentrion sont deux opérations qui doivent être menées de front. Or, on l’aura constaté, si au Nord la chasse aux djiadistes a donné des résultats probants, une élection aussi majeure telle que la présidentielle ne pourrait se tenir que si l’on est certain que le pouvoir qui en résultera pourra gouverner normalement ce même Nord, devenu un prurit autonomiste et rebelle.
Pour tout dire, il faudra qu’il y ait une osmose entre pacification du Nord et retour à une autorité centrale. Et nul doute que la tâche qui incombera au futur président ne sera pas du tout aisée. Un de ses grands chantiers sera l’unification effective du territoire et son corrolaire : le règlement de la récurrente question touareg. La mission du prochain locataire du palais de Koulouba s’annonce perilleuse et requiert des qualités d’homme d’une carrure quasi exceptionnelle.
Alors, on est intrigué par cette présente course effrénée au fauteuil présidentiel, et surtout par cette kyrielle de candidats.
Si le même contingent de prétendants à la magistrature suprême était descendu dans la rue au lendemain du putsch avec le même zèle qui le pousse au portillon de la présidence, peut-être qu’on n’en serait pas toujours là.
Si l’ensemble de la classe politique malienne avait fait preuve du même empressement pour dépêtrer le Nord des tenailles des groupes islamistes armés, peut-être qu’aujourd’hui le pays aurait retrouvé son unité territoriale.
A la vérité, l’irruption petitement, quoique bruyamment, d’Amadou Sanogo au devant de la scène politique et la crise qui s’est ensuivie de mal en pis ont révélé les failles de la classe politique et surtout de la démocratie malienne, pourtant adoubée par les puissances étrangères et citée régulièrement comme exemple par les bailleurs de fonds.
Une démocratie consensuelle qui s’est effondrée comme un château de cartes, preuve qu’elle n’était qu’un beau poteau rongé de l’intérieur par des termites blanches qu’un petit vent a suffi à faire choir. Il y a des enseignements à en tirer.