Le jeudi 15 mars 2018, une délégation composée des membres du Conseil économique social et culturel (CESC) et des membres de la Chambre des mines du Mali (CMM) s’est rendue dans le cercle de Kangaba. La délégation du CESC était conduite par Mamoutou Keïta, président de la commission culture, éducation et communication, celle de la CMM était conduite par son président, Abdoulaye Pona.
L’objectif de cette mission organisée par la CMM en collaboration avec le CESC était de visiter le site d’orpaillage de Salamalé (commune de Kaniogo, cercle de Kangaba) et le site de dragage de Kaniogo. Au regard de la situation de détérioration de l’environnement sur le terrain, le chef de la délégation du CESC, Mamoutou Keïta a souhaité à ce que le secteur de l’orpaillage au Mali soit légiféré. En outre, il a invité l’Etat malien à interdire le système de dragage « Drague à Godet » opéré par les Chinois.
C’est aux environs de midi que la délégation a été accueillie en pompe par la population du village de Salamalé (commune de Kaniogo, cercle de Kangaba). Ici, une rencontre, accompagnée des manifestations folkloriques, a eu lieu entre la population et la délégation. Après les mots de bienvenue du représentant du chef de village et celui du 2ème adjoint au maire de Kaniogo, Bréhima Traoré, le chef de mission du CESC, Mamoutou Keïta s’est réjoui de l’accueil chaleureux réservé à la délégation.
Devant un public acquis à sa cause, le président de la CMM, Abdoulaye Pona a fait savoir que le CESC œuvre dans le développement économique du pays. Avant de mettre l’accent sur l’avantage de l’orpaillage au Mali. « Ce n’est que le coté négatif de l’orpaillage qui est vu par les gens, alors qu’il contribue beaucoup dans l’économie du pays. Le secteur de l’orpaillage produit 10 tonnes d’or par an. La tonne d’or est vendue à 24 milliards de FCFA. Donc les 10 tonnes produites par les orpailleurs font rentrer 240 milliards de FCFA dans l’économie malienne », a-t-il martelé. Toutefois, il a souhaité l’organisation du secteur.
A ses dires, sans l’épanouissement individuel des citoyens, le pays ne peut pas se développer. Par ailleurs, il a déploré la vente de la carte d’accès à 10 000 FCFA aux sites d’orpaillages par le ministère des mines. Par contre, il a invité les orpailleurs à prendre la carte de membre de la CMM à 5000 FCFA. Après ce bref entretien, la délégation poursuit sa mission sur le site d’orpaillage de Salamalé sous un soleil de plomb et sur une route quasiment impraticable. Arrivée sur les lieux, on entend le bruit discontinu des machines des orpailleurs avec de la poussière un peu partout. Une visite guidée par l’orpailleur Moussa Traoré a permis à la délégation de comprendre les difficultés réelles sur le terrain. Aux dires de Moussa Traoré, 3000 personnes (toutes nationalités confondues) travaillent sur le site. « Nous demandons de l’aide au gouvernement.
Nous avons un manque criard de matériels. Il y’ a trop de difficultés pour peu de profits », a déclaré l’orpailleur Moussa Traoré. Pour sa part, Mamoutou Keïta, président de la commission culture, éducation et communication a indiqué que l’objectif de cette visite dans les sites d’orpaillages est de s’enquérir de visu, les réalités du terrain afin de faire des recommandations auprès des plus hautes autorités du pays. « Des mesures doivent être prises pour que l’orpaillage qui est une activité très lucrative puisse s’imposer comme une activité légale, parce qu’il s’agit de la légalité de cette activité. Il s’agit de faire en sorte que le conseil économique social et culturel puisse apporter des recommandations fortes au président de la République, au président de l’Assemblée nationale pour que ces autorités prennent des décisions en la matière », a-t-il dit.
Péril sur la santé publique
Par ailleurs, il dira que la délimitation des frontières pose problème. « Récemment, il y a eu beaucoup de mort d’homme à la frontière Mali-Guinée, c’est parce que les frontières ne sont pas strictement délimitées. Il y a ensuite le problème de l’écosystème. Vous voyez, il y a des trous, des puits partout, on ne les referme pas. Et tant qu’on détruit la flore, la faune également disparait. Donc, ce sont des problèmes qui feront que notre flore et faune vont disparaitre pour de bon. Il y a des mesures qu’il faut prendre à ce niveau.
Il y aussi les cyanures et des métaux lourds. On déverse cyanure et mercure dans le fleuve ce qui fait que nous n’avons plus de poisson. Les malformations pour les femmes en gestation sont possibles, donc avec toutes les conséquences dramatiques que cela peut générer, il faut que nous revoyons tout ce système », a-t-il déclaré. Pour trouver une solution aux problèmes de l’orpaillage, Mamoutou Keïta a souhaité à ce qu’on légifère le secteur. « Même si on l’a légiféré, il faut que la loi soit appliquée », a-t-il insisté.
Après ce périple, la délégation s’est rendu sur le site de dragage de Kaniogo (cercle de Kangaba). Là, c’est avec stupéfaction que la délégation constate le système de « drague à Godet » opéré par les Chinois et quelques Maliens. Selon les spécialistes, ce système implanté sur le fleuve permet d’extraire de l’or en profondeur à des centaines de mètres avec beaucoup de conséquences. A cause de cette utilisation abusive, le fleuve commence à tarir. « Ça c’est de l’orpaillage informel. Les Chinois ont des matériels industriels, c’est la concurrence déloyale vis-à-vis des sociétés industrielles d’exploitations minières.
Ces sociétés payent les taxes or les dragueurs Chinois ne payent pas de taxes. Les cyanures et mercures qu’ils déversent sur l’eau ont des effets collatéraux », murmurait un membre du CESC. Le président de la commission culture, éducation et communication du CESC, Mamoutou Keïta va droit au but. Selon lui, ce sont des dragues chinoises qui sont en train de détruire carrément la faune aquatique et le lit du fleuve. Avant d’ajouter que la qualité de l’eau laisse à désirer. « Si ça doit continuer avec les cyanures et mercures qu’on y déverse, je pense que c’est un problème de santé publique pour tous les Maliens. Donc, il faut que l’on fasse attention. Et il se trouve que malheureusement, ce sont les autorités maliennes notamment les autorités de la direction nationale de la géologie et des mines qui leur donne des autorisations provisoires.
Tout le monde le sait mais personne ne réagit. Je pense qu’il faut que l’Etat soit fort, qu’il prenne ses responsabilités pour que des telles choses préjudiciables à notre santé s’arrêtent. Il faut purement et simplement interdire », a-t-il martelé. A l’en croire, des Maliens aussi ont des dragues mais qui n’ont pas la même dimension que celle des Chinois. « Le système de dragage opéré par les Chinois viole le code minier malien. Les Chinois ne sont pas dans la légitimité sur les sites d’orpaillages. C’est pourquoi, ceux qui ne sont pas en règle parmi eux seront chassés », a dit Pona.