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Contentieux électoral après les élections communales de 2016 dans la commune de N’Dodjiga, cercle de Youwarou : La Cour Suprême annule, vendredi dernier, la victoire de la CODEM en faveur du RPM suite à la requête en tierce opposition de l’APR
Publié le mardi 20 mars 2018  |  Le Pays
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Le bras de fer au tour du contentieux électoral est clos. Vendredi dernier, la Cour suprême a donné vainqueur le RPM dans la commune de N’Dodjiga. Cette décision intervient suite à la requête en tierce opposition de l’APR par son conseil, 12 juillet 2017, le cabinet Juri-Partener dont le premier responsable est l’ancien ministre, Me Mamadou Gaoussou Diarra. Mais le doute se situe autour de la valeur juridique de la décision.

Le bras de fer judiciaire entre la CODEM et le RPM est parti de la contestation des résultats. En effet, les suffrages obtenus par partis politiques sur le récépissé des résultats de bureaux de votes et ceux mentionnés sur les procès-verbaux des opérations électorales n’étaient pas les mêmes. Pour preuve, dans le bureau de vote N° 18 de Sokoura (commune de N’Dodjiga), le récépissé des résultats du bureau de vote est présenté comme suit : APR : 00 ; RPM : 19 ; ADEMA/URD : 13 ; CODEM : 131. Au compte du même bureau de vote, le procès-verbal des opérations électorales donne les résultats suivants contraires aux premiers : APR : 2 ; RPM : 242 ; ADEMA/URD : 07 ; CODEM : 09.

Dans le centre N° 01 de Saré Bani (commune de N’Dodjiga) aussi, le procès-verbal des opérations donne le RPM vainqueur à 100%. Il y avait 101 inscrits, tous ont voté RPM.

La CODEM conteste et attaque en justice

Le représentant de la CODEM, Monsieur Issa Kader Kassambara a dans un premier temps saisi un Huissier de Justice, Me Siaka Traoré. Ainsi, des sommations ont été adressées à des assesseurs et le délégué de la CODEM pour témoignage, le 2 décembre 2016.

Pour le cas de Socoura, monsieur Amadou Tangara, assesseur dans ledit bureau, précise : « J’ai été Assesseur dans le bureau de vote de Socoura, commune rurale de N’Dodjiga lors des élections communales du 20 Novembre 2016. Le bureau de vote a été ouvert à 8 heures 00 minute et les opérations de vote se sont déroulées normalement jusqu’à 17 heures. C’est ainsi que le Président de notre bureau de vote à la personne de Mamoudou Kassambara nous a fait savoir qu’il fait déjà nuit et que sa moto n’a pas de phare, donc pour gagner du temps, il nous a fait signer le procès-verbal de dépouillement sans le résultat du vote. Encore à 18 heures 00 minute, en présence de tout le monde on a fait le dépouillement et le décompte dont le résultat est le suivant : APR a obtenu 0 voix ; RPM : 19 voix ; ADEMA/URD : 13 voix ; CODEM : 131 voix et 22 bulletins nuls.

C’est le résultat normal obtenu à Socoura, le président nous a laissé un récépissé de dépouillement pour témoignage. Après, à ma grande surprise arrivée à Sah, j’ai appris qu’au niveau de notre bureau de vote que le RPM a obtenu 242 voix alors que le nombre de votants inscrits à notre bureau de vote est de 185 votants. Donc le Président du bureau a falsifié le résultat normal sur le procès-verbal de dépouillement que nous avons signé à 17 heures.

Après cette information, nous nous sommes rendus à Youwarou pour donner cette information au Sous-préfet de Sah et au représentant de la CENI de Youwarou. Le Sous-préfet de Sah a demandé de reprendre le dépouillement mais le Président du bureau de a refusé en disant que c’est le RPM qui est au pouvoir et je suis prêt à vous répondre où vous voulez ».

Cette version a été confirmée devant l’Huissier par deux assesseurs, Samba Issa Tangara et Boureima Tangara, et le délégué du parti CODEM dans le bureau de vote de Socoura, Monsieur Sidi Coulibaly.

Pour le cas du bureau de vote de Sarébani, le même Huissier et à la même date, 2 décembre 2016, a écouté deux assesseurs de ce bureau de vote et le délégué du RPM. Le représentant du RPM dit : « J’ai été Délégué du parti RPM dans le bureau de vote de Sarébani, commune rurale de N’Dodjiga lors des élections communales du 20 novembre 2016.

Le bureau de vote a été ouvert à 8 heures 00 minute et les opérations de vote ont continué jusqu’à 18 heures 00 minute.

A la fin du scrutin, le président du bureau à la personne de Oumar Kassambara a refusé de faire le dépouillement des bulletins, je lui ai exigé mais en vain. Quelques minutes après, un véhicule 4×4 est venu chercher le président et il est parti avec l’urne à bord du véhicule. Immédiatement, j’ai informé Almamy Ouro de la situation de Sarébani ».

Quant à Madame Dado Gaba, assesseur chargée de mettre les doigts des électeurs dans l’encre, elle précise : « A la fin du scrutin, les individus sont venus à bord d’un véhicule 4×4 et m’ont dit de monter à bord de leur véhicule qu’ils vont m’amener à Sah et j’ai accepté. En ce qui concerne le résultat, je ne connais rien là dans car le dépouillement et le décompte n’est pas fait à ma présence et je n’ai pas signé le procès-verbal. »

Le dernier Assesseur, Monsieur Idrissa Tanagara dit Haram indique : « Après la fermeture du bureau de vote, le 1er Adjoint au Maire à la personne de Gaoussou Kassambara est venu avec son véhicule 4×4 et a dit au président du bureau de vote de monter à bord de son véhicule avec l’urne. J’ai demandé au président de faire le dépouillement et décompte au bureau, il a refusé. C’est après que j’ai reçu l’information que le résultat de notre bureau de vote a été le suivant : le parti ADEMA a obtenu 00 voix ; le parti CODEM : 00 voix ; le parti APR : 00 voix ; le RPM : 101 voix.

Donc je n’ai pas participé au dépouillement, ni au décompte et je n’ai pas signé le procès-verbal ».

Deux plaintes introduites pour falsification des résultats et enlèvement d’urne

Sur la base des témoignages ci-haut cités, Issa Kadel Kassambara a introduit deux plaintes via Maitre Mahamoudou H. Sidibé.

La première plainte est adressée à Monsieur Mahamoudou Kassambara, président du bureau de vote de Socoura pour ‘’falsification des résultats de vote’’ (article 131 loi électorale).

Pour la seconde, le juge de Paix à compétence étendue de Youwarou a été saisi. La plainte est adressée à Monsieur Oumar Kassambara, président du bureau de vote de Sarébani, Gaoussou Kassambara maire adjoint et Allaye Dicko délégué de la CENI locale pour ‘’enlèvement d’urne et violation du scrutin’’ (article 120 et 127 de la loi électorale).

Le tribunal Administratif de Mopti confirme le RPM vainqueur

Par jugement n° 08 du 23 décembre 2016, le Tribunal Administratif de Mopti tranche le contentieux électoral en faveur du RPM. C’est ainsi que le plaignant Issa Kadel Kassambara, au nom de la CODEM, a saisi la section administrative de la Cour Suprême.

La Cour suprême confirme la victoire de la CODEM

Le 30 Mai 2017, la Cour Suprême statue sur l’appel de la CODEM en ces termes :

Vu les pièces du dossier

En la forme : reçoit l’appel ;

Au fond : Infirme le jugement n° 08 du 23 décembre 2016 du Tribunal administratif de Mopti ;

Statuant à nouveau : -Annule les résultats du bureau de vote n°01 de Sarébani

Dit que la répartition des suffrages entre les listes de candidats du bureau n°18 de Sokura est celle contenue dans le récépissé des résultats dudit bureau comme suit : APR : 00 voix, RPM : 19 voix, ADEMA-URD : 13 voix, CODEM : 131 voix…
Le même verdit a été confirmé par la cour suprême lorsque le RPM via son avocat, Maitre Boubacar Soumaré a introduit une requête n° 69/017 du 27 septembre 2017 aux fins d’annulation de la décision de la Cour en faveur de la CODEM sous l’arrêté n° 90 du 16 mars 2017. Cette décision ressort dans l’arrêt n° 274 du 18 Mai 2017 confirmée à nouveau le 30 Mai 2017.

C’est ainsi que deux arrêts ont été notifiés par la section administrative de la cour suprême. Une première grosse de l’arrêt N°90 en date du 26 mars 2017 qui infirme le jugement N° 08 du 23 décembre 2016 du Tribunal Administratif de Mopti et une seconde N°274 en date du 18 Mai 2017 qui reçoit le recours en rectification comme régulier mais le rejette comme mal fondé.

Alors le débat était clos. Il restait d’appliquer la décision de la Cour en donnant la victoire à la CODEM à faciliter son installation à la Mairie de N’Dodjiga. Mais cela n’aura pas lieu jusqu’à la mise en application d’une autre stratégie du parti au pouvoir, RPM, qui s’est servi d’un autre allié, APR, pour s’opposer à l’arrêt de la Cour.

L’APR introduit une requête en tierce opposition

Le 12 juillet 2017, l’APR via son conseil le cabinet Juri-Partener dont le premier responsable est Maitre Mamadou Gaoussou Diarra fait une requête en tierce opposition. Monsieur Abdoul MAIGA, Secrétaire politique du bureau national et mandataire national du parti APR se positionne contre : l’arrêt n° 090 du 16 mars de la Section Administrative de la Cour Suprême ; Issa Kdale Kassambara, électeur et mandataire du parti politique CODEM de la commune rurale de N’DODJIGA, cercle de Youwarou ; la Direction Générale du contentieux de l’Etat, domiciliée à Hamdallaye ACI 2000 Bamako-Mali et le Rassemblement pour le Mali (RPM), domicilié à l’Hippodrome Bamako-Mali.

Après son expose des faits, le cabinet Juri-Partener explique :

« Le tiers-opposant en l’espèce, en l’occurrence l’APR, vient d’apprendre l’existence de l’arrêt n°090 sus visé qui lui porte préjudice en lui ôtant les deux voix qu’elle a obtenu lors de ce scrutin contenu dans le récépissé de résultats du bureau de vote N°18 de SOKOURA ; que d’ailleurs grâce à ce résultat, l’APR est membre du bureau du conseil communal de la commune de N’DODJIGA ; Que l’arrêt sus dessus qui annule ses voix, lui ôte systématiquement tout chance d’être membre du conseil communal de N’DODJIGA. Hors, la CDOEM qui en est bénéficiaire tente de l’exécuter ;

Que l’ APR n’ayant pas été mise en cause, ni été partie au procès, ni appelée, entend, dès lors, à l’encontre de l’arrêt indiqué, qui lui porte de sérieux griefs, exercer la présente tierce opposition, conformément aux dispositions de l’article 253 de la loi N°20166046/ du 23 septembre portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la cour suprême et la procédure suivie devant elle…

La Cour se rebiffe : l’APR retrouve ses deux voix, le RPM sort gagnant

Le vendredi 16 mars 2018, c’est-à-dire presque une année après cette demande de l’APR, la Cour a retiré à la CODEM sa victoire.

La décision est-elle politique ou judiciaire ? Tout porte à croire qu’il y a anguille sous roche dans cette affaire et le problème du parti au pouvoir, c’est qu’il n’a pas d’alliés mais des intérêts. Et pour les sauvegarder, il est prêt à tout même s’il faut diviser pour mieux régner en mettant dos à dos les partis qui l’accompagnent.

Nous y reviendrons

Kèlètigui Danioko

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