Les maladies diarrhéiques sont et restent un grave problème de santé publique. Dans la lutte contre ces maladies, les conclusions de l’étude multicentrique mondiale des germes entériques (GEMS) ont été publiées dans la revue The Lancet offrant ainsi, pour la toute première fois, des données scientifiques complètes sur les causes et les répercussions de la diarrhée aigüe. Lisez plutôt la contribution du Prof. Samba Sow, directeur général du Centre de développement des vaccins du Mali.
La République du Mali occupe la troisième place des pays d’Afrique subsaharienne pour les taux de mortalité infantile les plus élevés, pour une raison principale que tous les parents connaissent très bien : la diarrhée. Je me souviens comme si c’était hier d’un jeune garçon vigoureux qui est arrivé à l’hôpital avec une diarrhée sévère qui n’avait commencé que la veille. Plus de dix médecins ont essayé activement de l’aider dans notre unité de soins intensifs mais nous n’avons pas pu le sauver. Quand ses analyses de laboratoires ont confirmé qu’il avait le rotavirus, les infirmières et membres de la famille ont tous demandé, « qu’est-ce que le rotavirus ? » Ce jour-là j’étais extrêmement triste et frustré.
Le Ministère de la Santé du Mali a pris des engagements importants afin de réduire le plus possible la charge de morbidité des maladies diarrhéiques par la promotion de l’hygiène et de l’amélioration du système sanitaire à tous les niveaux de la pyramide. Cependant, notre ignorance quant aux vecteurs fondamentaux de la maladie diarrhéique a limité jusqu’à maintenant notre avancée dans cette lutte.
Le 14 mai, les conclusions de l’étude multicentrique mondiale des germes entériques (GEMS) ont été publiées dans la revue The Lancet offrant ainsi, pour la toute première fois, des données scientifiques complètes sur les causes et les répercussions de la diarrhée aigüe d’intensité moyenne à sévère (DMS) et proposant de réelles solutions efficaces en matière de traitement et de prévention. GEMS est la première étude à si grande échelle sur les maladies diarrhéiques, englobant plus de 20 000 enfants d’Afrique et d’Asie.
Les conclusions de GEMS représentent un atout inestimable dans la lutte contre les maladies diarrhéiques, et je suis particulièrement fier que le Mali ait été parmi les sept pays sélectionnés pour l’étude. Toutes les familles et leurs enfants qui ont participé à cette étude ont contribué à faire avancer les connaissances scientifiques sur les causes majeures des maladies diarrhéiques et à trouver les solutions de demain non seulement au niveau local, mais aussi au niveau mondial.
GEMS apporte la preuve scientifique que sur la quarantaine d’agents pathogènes que nous avons testés, seuls 4 sont responsables de la majorité des cas de DMS sur tous les sites. Cela indique que des actions dirigées contre ces quatre vecteurs peuvent réduire de façon significative la charge de morbidité des maladies diarrhéiques. L’un d’eux, Cryptosporidium, pour lequel aucune initiative majeure n’avait été jusqu’ici entreprise, nécessitera des efforts de recherche particuliers.
Le rotavirus a été la cause principale de DMS chez les nourrissons pour l’ensemble des sites GEMS. Au Mali, il a été désigné comme la principale cause de la maladie diarrhéique, toutes catégories d’âge confondues, nourrissons, jeunes enfants et 2-5 ans. Le rotavirus a provoqué à lui seul deux fois plus de DMS chez les jeunes enfants par rapport aux autres pathogènes.
Heureusement, les infections à rotavirus peuvent être évitées grâce à un vaccin. Le Ministère de la Santé du Mali travaille en collaboration avec l’Alliance Mondiale pour les Vaccins et l’Immunisation (GAVI) pour permettre l’introduction de ce vaccin dans notre pays, il importe à nous tous de s’assurer que ce dernier arrive bien jusqu’aux enfants qui en ont le plus besoin. Cela ne pourra réussir que grâce au travail du personnel de santé, qui prépare et permet l’acheminement à grande échelle de ce vaccin, et grâce au soutien des parents pour amener leurs enfants à la vaccination dans les services de santé les plus proches de leurs localités.
GEMS apporte la preuve irréfutable qu’il est urgent de s’attaquer au fléau de la maladie diarrhéique infantile. Chaque année au Mali, GEMS évalue à 38 la proportion d’enfants touchés par un épisode de DMS sur un total de 100 nourrissons, et qu’un seul et unique épisode suffit pour multiplier d’un facteur supérieur à cinq le risque de décès. Les nourrissons ayant survécu à la crise ont eu une forte baisse de croissance dans la période des deux mois consécutifs, ce qui pourrait potentiellement causer un retard de développement à plus long terme.
Là encore, GEMS nous fournit des indices sur les interventions à mettre en place. Plus de la moitié des décès qui ont fait suite à la crise diarrhéique ont eu lieu au domicile plus d’une semaine après la crise initiale. La simple mise en place d’un suivi médical, tel qu’une visite aux domiciles de tous les enfants ayant quitté l’hôpital, ou bien encore, l’institution d’un rendez-vous pour une simple visite de routine, pourraient, à elles seules, réduire drastiquement le nombre de décès et les effets morbides de la maladie.
Les conclusions de GEMS renforcent l’idée qu’il faut généraliser l’accès aux autres interventions les plus simples : permettre à tous les enfants l’accès à l’eau potable et à un système sanitaire, ainsi que de s’assurer que tous les enfants atteints par la maladie diarrhéique reçoivent des solutions de réhydratation orale (SRO) et des suppléments de zinc, afin de préserver des vies. Alors que, selon des études précédentes, seulement 10% des parents ou gardiens d’enfants ont utilisé ces méthodes de réhydratation orale chez les enfants malades, faisant ainsi l’impasse sur un moyen de traitement efficace et bon marché.
Les maladies diarrhéiques sont et restent un grave problème de santé publique. Afin de capitaliser sur les conclusions de GEMS, les gouvernements, ONGs, le personnel de santé à tous les niveaux et les familles doivent travailler dans le meilleur esprit de collaboration possible. Nous avons une réelle opportunité de changer la vie des enfants du Mali et du monde entier. Ces meilleures connaissances et évidences scientifiques nous guident dans la lutte contre les maladies diarrhéiques pour finalement les maitriser. Agissons dès maintenant.
Professeur Samba Sow est professeur à l’Université du Maryland et directeur général du Centre pour le Développement des Vaccins du Mali, Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie, Ministère de la Santé un programme mené en partenariat avec le Ministère de la Santé et le Centre pour le Développement des Vaccins de la faculté de médecine de l’Université du Maryland. Professeur Sow est le responsable scientifique principal du site pour l’étude GEMS au Mali.
SOURCE: L'Aube du 16 mai 2013.