Ex-responsable des renseignements, le chef du gouvernement malien jette toutes ses forces dans la bataille pour assurer la continuité du pouvoir en place
Les faits — Le Premier ministre malien, SoumeylouBoubèyeMaïga, et huit de ses ministres effectuent depuis vendredi une tournée dans le Nord et le Centre pour rallier des soutiens en faveur du président Ibrahim Boubacar Keita à l’approche de l’élection présidentielle du 29 juillet.
« SoumeylouBoubèyeMaïga tient la classe politique malienne, confie un cadre du Quai d’Orsay. Il a des dossiers sur tout le monde ». A Paris, certains semblent se faire une raison. Le président Ibrahim Boubacar Keita, sera réélu à l’issue de la présidentielle du 29 juillet même s’il ne s’est pas encore déclaré. Il y a quelques mois encore, les officiels français n’étaient pas avares de critiques, en coulisse, sur la présidence IBK, dénonçant le manque d’avancée sur le plan sécuritaire, économique et social, les multiples changements à la tête de l’Etat (cinq premiers ministres en cinq ans), la corruption, le népotisme et le clientélisme.
C’était avant la nomination de SoumeylouBoubeyeMaïga (SBM). Ancien chef des services de renseignements et ex-ministre (Affaires étrangères, Défense), le chef de gouvernement compte beaucoup d’amis au sein de l’exécutif français. « Si Ibrahim Boubacar Keita ne se présentait finalement pas, BoubèyeMaïga ferait un très bon candidat », espère même un autre décideur français.
Depuis sa nomination en décembre, SBM multiplie les annonces, rend visite aux notables et déploie une intense activité. Il était vendredi à Kidal, le fief irrédentiste, et ce lundi à Djénné. Cette région du Centre est en proie à une insécurité grandissante et le pouvoir y positionne actuellement l’armée. « Le premier ministre donne l’illusion de travailler, admet un opposant. Mais il crée plus de problèmes qu’il n’en règle. L’envoi de l’armée attise les conflits entre les Peuls et les communautés bambara et dongons ».
SBM est aussi à la manoeuvre sur le plan électoral. Il a essayé d’introduire la société Morpho comme opérateur technique mais l’opposition a rejeté ce projet, arguant du fait que cela allait repousser le calendrier sans garantie en matière de transparence. « Le Premier ministre veut gagner du temps, ajoute l’opposant. Il a besoin de 6 à 12 mois supplémentaires pour conforter son emprise politique avant la présidentielle ».
L’opposition malienne craint des fraudes, l’achat des consciences et l’instrumentalisation des leaders religieux pour gagner le scrutin. « BoubèyeMaïga est habile, manœuvrier et bon communicant, confie un autre opposant. Mais c’est surtout un corrupteur ». Modibo Sidibé, un ancien Premier ministre, était récemment de passage à Paris et à Bruxelles pour demander l’aide des Européens pour que les élections se tiennent à la date prévue. L’opposition insiste sur le monitoring électoral de l’UE qui a récemment envoyé une première mission d’observation. « Nous voulons éviter que le gouvernement parte dans un processus dilatoire, souligne Modibo Sidibé. Le Mali doit rester une démocratie. La République est le ciment de toutes les communautés du pays même s’il y a un effritement en raison de la faiblesse et de l’insuffisance de l’Etat. Cette élection doit refonder le tissu national pour construire la paix, élaborer un nouveau contrat social et porter une ambition décentralisatrice ».
Front anti-IBK. Autre opposant à se démener, TiebiléDramé, du parti Parena, qui tente de fédérer toute l’opposition. Il a lancé la plateforme « An tè, A bana» qui a fait obstacle au projet de révision constitutionnelle en 2017. « Il faut nous rassembler, confie-t-il. Nous travaillons à la finalisation d’un manifeste pour l’alternance qui sera signé prochainement, à la préparation d’un programme minimum commun avant d’engager des discussions pour savoir qui sera le mieux placé pour nous représenter à la présidentielle ». TiébiléDramé croit à la logique d’une candidature unique au premier tour mais laisse la porte ouverte pour rallier le candidat de l’opposition en lice au second tour.
Beaucoup croient en leur destin présidentiel à l’instar de Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), Moussa Mara (parti Yelema) et Modibo Sidibé (Fare An Ka Wili), deux anciens chefs de gouvernement, ou encore de l’homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo et le général Moussa Sinko Coulibaly. Soumaïla Cissé fait figure de principal challenger après être arrivé second au scrutin de 2013 mais Moussa Mara n’a pas dit son dernier mot. Il compte sur la mobilisation de la jeunesse, les 18-35 ans représentant selon lui 55 % de la future liste électorale qui pourrait compter 7 millions de votants, une fois toilettée.
« Nous allons organiser des débats politiques sur tous les sujets qui intéressent les Maliens, indique Moussa Mara. Nous inviterons les représentants du pouvoir. Et s’ils ne viennent pas, nous laisserons une chaise vide… ».
A Bamako comme dans le reste du pays, les hommes politiques sont déjà en campagne. Celle-ci s’annonce animée mais n’inquiète pas le Premier ministre qui confiait récemment à un visiteur du soir : « Les élections vont être organisées et on va les gagner »