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Projet de loi électorale : Entre incohérences et aberrations
Publié le jeudi 5 avril 2018  |  L’aube
Les
© aBamako.com par A S
Les élections communales du 20 Novembre 2016
Les maliens sont allés au urnes le 20 Novembre 2016 dans le cadre des élections communales. Photo: bureau de vote.
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Après un premier projet de loi modificatif adopté à son Conseil des ministres du 26 novembre 2017, puis jeté à la poubelle sans explication aucune, le gouvernement vient encore d’adopter, lors de son Conseil des ministres du 21 mars 2018, un autre projet de loi modificatif de la même loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale qu’il vient cette fois-ci de transmettre aux députés. Ce tripatouillage de textes juridiques ne surprend guère personne, tant les gouvernements bricoleurs du Président IBK en ont fait leur spécialité. L’adoption successive de deux projets modificatifs de la même loi électorale ne peut que témoigner une fois de plus de l’amateurisme qui règne actuellement au plus haut sommet de l’Etat.

De toutes ces opérations de manipulations, la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale ne pouvait naturellement que sortir défigurée. Sur le plan formel, le projet qui modifie la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale n‘est pas transmis à l’Assemblée nationale dans la forme d’une loi modificative qui est constitué d’articles nouveaux. Mais surtout dans le fond, le projet de loi électorale renferme de nombreuses incohérences et aberrations. Il participe tour simplement d’une opération d’importation au Mali, de cette forme condescendante d’ingénierie électorale à forte dose de tropicalisation, avec ses préconisations qui ne font qu’en rajouter inutilement à la complexité et à surtout au coût des élections, sans jamais fournir en contrepartie une quelconque garantie de transparence et surtout d‘acceptation des résultats du vote.



Deux cartes d’électeurs pour le même scrutin !

La disposition du projet de loi électorale considérée comme la plus novatrice est celle de l’article 61(Nouveau) relatif au remplacement de la carte NINA par la carte d’électeur biométrique. Théoriquement, le gouvernement s’engage à travers cet article 61(Nouveau) à doter le Mali de cartes d’électeurs biométriques. A priori, on est bien tenté de se réjouir de ce saut technologique vers la transparence des élections. Il faut toutefois se garder de toute éphorie et se hâter de se demander si ce n’est pas seulement de la poudre aux yeux. A cet égard, on peut déjà noter la réécriture intervenue au niveau de l’article 89(Nouveau) entre la mouture discutée en Conseil des ministres et la mouture finale transmise à l’Assemblée nationale. L’article 89(Nouveau) du projet de loi initial prévoyait un mécanisme d’authentification des cartes d’électeurs biométriques à l’entrée des bureaux de vote. Le texte final déposé sur la table de l’Assemblée nationale ne fait plus cas d’un quelconque système d’authentification des cartes d’électeurs biométriques. Au vu des contraintes objectives qui s’attachent à l’introduction de la carte d’électeur biométrique à seulement quatre (04) petits mois de la présidentielle du 29 juillet 2018, il semble se propager comme une odeur de ruse gouvernementale autour de l’article 61(Nouveau) du projet de loi modificatif. Il faut savoir que la nature biométrique d’une carte d’électeur s’apprécie autant en amont par l’enregistrement sur ladite carte de données biométriques comme la couleur des yeux, les empreintes digitales, la photographie, qu’en aval à travers la disponibilité de matériel technique d’identification et d’authentification automatique des électeurs le jour du vote. Sans garantie de moyen matériel d’identification automatique de l’électeur par exemple à travers ses empreintes digitales et sa photo, on ne saurait aucunement parler de carte d’électeur biométrique. En d’autres termes, il faudrait avoir la certitude qu’outre la confection des cartes d’électeurs biométriques, le gouvernement va pouvoir mettre à disposition dans tous les bureaux de vote jusqu’aux confins du pays, du matériel technique permettant à l’électeur de prouver physiquement que les données biométriques sur la carte correspondent effectivement aux siennes. Autant dire que c’est un pari quasiment impossible que de prétendre introduire dans la précipitation, des cartes d’électeurs biométriques. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle dans cette affaire, le gouvernement semble manifestement avancer sur la pointe des pieds. Car au même moment, comme s’il doutait de sa capacité à tenir sa propre promesse pour le moins irréaliste, il a déjà pris le soin de se prémunir. Au départ, dans le projet de loi initial discuté au Conseil des ministres, il avait inséré à l’article 89(Nouveau) un alinéa 2 selon lequel « en cas de non disponibilité de la carte d’électeur biométrique, la carte NINA tiendra lieu de carte d’électeur ». La mouture officielle transmise aux députés fait du rétropédalage sur la promesse de cartes d’électeur biométriques, à travers une reformulation qui semble ne plus laisser planer de doute quant à la non disponibilité programmée desdites cartes pour les scrutins de 2018. L’article 89(Nouveau) du projet de loi initial est ainsi amputé de son aliéna 2 qu’on a revu et corrigé avant de le reléguer, non sans contorsions juridiques, au fin fond du texte de la mouture finale du projet de loi électorale au niveau de l’article 211(Nouveau) sous la formulation suivante : « En cas de non disponibilité des cartes d’électeur biométriques pour les élections générales de 2018, la carte NINA tiendra lieu de carte d’électeur ». Le gouvernement n’est cependant pas au bout de ses peines, car l’article 211 ne pourrait aucunement servir d’exutoire à ces manipulations. En fait, l’article 211 paraît incongru dans la mesure où il suppose que l’on va utiliser deux types de cartes d’électeurs pour le même scrutin (la carte d’électeur biométrique et la carte NINA), avec ce que cela entraînerait en termes d’inégalité de traitement des électeurs par rapport aux conditions d’accès au vote et en termes de potentialité de fraude électorale de la part d’électeurs qui pourraient se retrouver avec deux cartes d’électeurs sous les bras : la carte NINA et la carte d’électeur biométrique. Tout laisse croire aujourd’hui que cette probabilité s’éloigne à grand pas. En réalité, l’article 211(Nouveau) est un aveu à peine voilé de l’incapacité du gouvernement à mettre à disposition les cartes d’électeur biométriques pour les scrutins de 2018. De manière indirecte et détourné, l’article 211 n’est en réalité qu’un ticket retour vers la carte NINA qui rend totalement insensés aussi bien l’article 61(Nouveau) que l’alinéa 2 de l’article 89(Nouveau) selon lequel « nul ne peut être admis à voter s’il ne présente sa carte d’électeur biométrique ».



Des contradictions flagrantes de délais limites de distribution des cartes d’électeur entre les articles 61(Nouveau) et 62(Nouveau)

Le projet de loi électoral a laissé échapper une contradiction monstre entre deux délais limites de distribution des cartes d’électeurs biométriques. Ainsi selon l’article 61(Nouveau), « il doit être remis à chaque électeur, au plus tard la veille du scrutin, une carte d’électeur… ». Ce qui signifie bien que le délai limite de remise des cartes d’électeur est fixé à la veille du scrutin. Or, il est précisé à l’article 62(Nouveau) que « le jour du vote, les cartes d’électeurs biométriques non retirées sont mises à la disposition de leurs titulaires au bureau de vote indiqué ». Ce qui veut dire que la remise de cartes d’électeur se poursuit jusqu’au jour du scrutin. Les articles 61(Nouveau) et 62(Nouveau) sont en totale contradiction !



De la surreprésentation du clivage opposition/majorité à la politisation du bureau de vote

Il faut se rendre à l’évidence que l’élection met avant tout en compétition, des candidats ou listes de candidats de partis politiques ou d’indépendants. Au regard de cette réalité, le clivage majorité/opposition paraît peu pertinent aussi bien en termes de responsabilités spécifiques relatives à des opérations matérielles d’organisation du scrutin, qu’en termes de contrôle du processus. Ni l’opposition ni la majorité ne peuvent être considérées chacune comme des blocs monolithiques et homogènes condamnés à avoir les mêmes intérêts politiques au niveau électoral. C’est pourquoi il est étonnant de voir le projet de loi électorale se focaliser sur l’opposition et la majorité auxquels ont été assignées, dans des rôles de juges et de parties à la fois, des missions d’organisation matérielle et de suivi-contrôle des opérations électorales. Ainsi, sans jamais préciser les modalités de la désignation de leurs représentants respectifs, l’opposition et la majorité sont propulsées au statut de vrais faux agents électoraux totalement politisés (article 83-Nouveau), par la détention de deux des quatre (04) postes d’assesseurs responsables de la gestion du bureau de vote. A ce titre, elles portent leurs signatures au verso des bulletins de vote (article 80-Nouveau), les cartes d’électeurs biométriques leur sont présentées à l’entrée du bureau de vote (article 89-Nouveau), elles reçoivent chacune un exemplaire du procès-verbal de bureau de vote accompagné de la feuille de dépouillement. Par ailleurs, le projet de loi prévoit (article 140-Nouveau) que trois (03) représentants de l’opposition et trois (03) représentants de la majorité siègent au sein de la commission de centralisation du cercle, de l’ambassade et du consulat. Ces chiffres sont portés à six (06) représentants chacune au sein de la commission nationale de centralisation instituée auprès du ministre en charge de l’Administration territoriale. Au total, un bel échafaudage factice face à la complexité de la réalité de la compétition électorale qu’on ne peut objectivement réduire à un simple enjeu opposition/majorité. Ceux qui rêvent d’un tel raccourci doivent se détromper. Comment peut-on privilégier ce clivage par exemple dans le contexte de la présidentielle où divers candidats vont devoir s’affronter y compris à l’intérieur de chaque camp politique ? Quid de la situation des scrutins de listes (législatives ou élections locales) avec leurs alliances contre natures de toutes les combinaisons imaginables insensibles à tout clivage politique ? Par-dessus tout, a-t-on l’assurance que les indépendants et les forces politiques ne se réclamant ni de l’opposition ni de la majorité trouveront leur compte dans les missions d’organisation matérielle et de suivi-contrôle ainsi bradées à ce clivage inadapté ? A quoi sert donc la CENI avec sa composition fondamentalement bâtie sur la distinction entre l’opposition et la majorité, dans laquelle sont englouties des sommes colossales et dont la mission légale demeure justement la supervision et le suivi des élections ? Pourquoi les mêmes représentants attitrés notamment de l’opposition au sein de cette CENI ont-ils cautionné par leur silence et leur indifférence complices et coupables, les scrutins illégaux de ce régime ? Pourquoi on ne les voit jamais lever le petit doigt pour mettre en cause par exemple la vraie campagne électorale anticipée en cours du pouvoir présidentiel en place, sur fond d’utilisation à grande échelle des moyens publics de l’Etat ? Que pense la CENI et ses représentants de l’opposition de la transformation du Palais de Koulouba, siège de la République, en QG de campagne électorale présidentielle du candidat IBK où défilent à la queue leu leu, de soi-disant représentants de communautés ou même d’ethnies venant le « supplier » d’être candidat ? Il est illusoire de croire que cette opposition incapable de s’assumer à la CENI, va pouvoir jouer, es qualité, un quelconque contrôle du processus électoral qui soit crédible et efficace. C’est une vraie fausse innovation que de privilégier l’opposition et la majorité par rapport aux candidats et listes de candidats en lice en leur faisant jouer à la fois les rôles d’organisation et de contrôle des élections.



Un chiffre de 100 électeurs minimum par bureau de vote en contradiction avec la création de bureaux de vote par village, fraction ou juridiction de l’extérieur (ambassades et consulats).

L’article 80(Nouveau)du projet de loi électorale dispose que les élections ont lieu « sur la base d’un bureau de vote pour cent (100) électeurs au moins et cinq cents (500) au plus ».

Ce qui signifie en toute logique qu’on ne saurait par exemple créer un bureau de vote de 99 électeurs, car le nombre minimum légal ne serait pas atteint. Chacun peut bien mesurer cette aberration d’autant plus inadmissible qu’il existe de nombreux villages, fractions nomades, et même des juridictions de l’extérieur qui ont moins de cent électeurs. Doit-on pour autant les priver de bureaux de vote ? Enfin, on notera que l’article 80(Nouveau) fait miroiter un soi-disant processus de consultation des partis politiques présents dans la circonscription électorale, préalablement à la décision fixant le nombre de bureau de vote, le nombre d’électeurs par bureau de vote, l’emplacement et le ressort des bureaux de vote. Quelles seront les modalités de cette consultation ? Quand on sait par ailleurs que cette décision intervient généralement après l’établissement ou la révision des listes électorales où il n’y a pas forcément d’opérations électorales en vue, on peut se faire une idée de l’engouement que cela va susciter chez les partis politiques présents dans la circonscription électorale. Au demeurant, pourquoi les candidats et listes de candidats indépendants seraient-ils exclus de ces consultations, surtout dans l’hypothèse où l’on se trouverait en période électorale ?



La surcharge inutile du bulletin de vote

Décidément, ce projet de loi marque le grand saut dans ce que la législation électorale malienne s’était jusque-là gardée de faire : à savoir céder à l’approche obsessionnelle des procédures importées de la « tropicalisation » du cadre juridique des élections africaines qui créé, à travers une chaîne de complexité sans cesse croissante des procédures, l’illusion de garantie de transparence et d’absence de contestations post-électorales. Ainsi, de manière plus ou moins frauduleuse, l’article 80(Nouveau) importe dans notre droit électoral, des complications inutiles sur les bulletins de vote dont la valeur ajoutée par rapport à la numérotation de leurs souches paraît sujette à caution. En revanche, ces complications inutiles vont grever la charge de travail dans les bureaux de vote où il est prévu de porter au verso du bulletin de vote, les mentions manuscrites suivantes : la signature du président du bureau de vote ; la signature de l’assesseur de la majorité, la signature de l’assesseur de l’opposition ; la désignation du centre de vote et le numéro du bureau de vote ; les informations relatives à la commune, au cercle, à la région et à la date du scrutin. On notera que le projet de loi électorale a omis le cas des informations relatives aux bulletins des ambassades et consulats. En tout état de cause, ces mesquineries inutiles ne feront que rallonger la durée du vote.



De nombreux autres articles soumis à de la torture juridique !

Il serait fastidieux à cette étape de relever toutes les manipulations qu’on a fait subir à la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 décidément victime d’un vaste tripotage qui affecte sa cohérence d’ensemble et en rajoute aux aberrations déjà relevées plus haut.

L’article 35(Nouveau) avec la réintroduction contradictoire de la condition semestrielle de résidence imposée à l’inscription sur la liste électorale

Le cas le plus emblématique est celui de l’article 35(Nouveau) du projet de loi électorale. L’option prise par l’article 35 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 en ce qui concerne l’inscription sur la liste électorale était de supprimer la condition de la durée semestrielle de résidence dans la commune, l’ambassade ou le consulat. Les manipulations de cet article vont conduire à la situation ubuesque de l’article 35(nouveau) avec son double langage selon lequel sont inscrits sur la liste électorale à la fois « les électeurs résidant dans la commune, l’ambassade et le consulat » (alinéa 1er) et « les électeurs résidant depuis six (06) mois dans la commune, l’ambassade et le consulat » (alinéa 2). Ces deux alinéas contradictoires montrent bien que le projet de loi électorale n’a rien compris de l’esprit de la loi n°2016-048 qui avait sciemment supprimé la conditionnalité de la durée de la résidence devenue inutile du fait de la gestion informatisée des listes électorales. Au surplus, le membre de phrase de l’alinéa 2 « disposant d’un numéro d’identification national NINA » est totalement superfétatoire dans la mesure où nul ne saurait figurer dans la base de données biométriques de l’état civil sans NINA.

L’article 46(Nouveau) qui rend aléatoire la radiation d’électeurs et qui minimise le poids de la photo et de l’empreinte dans le processus d’inscription sur la liste électorale

L’article 46 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 est également victime de la même dérive. Le projet de loi électorale a amputé cet article de la distinction logique entre les opérations d’inscription et les opérations de radiation en érigeant en opération spécifique à part « les transferts d’électeurs ». On constate également que la radiation ne se fait plus d’office, car ce terme a été biffé on ne sait pour quelle raison. Mais encore plus grave : c’est que le premier tiret du point 1 de l’article 46 du projet de loi électorale relatif à l’inscription d’office est totalement anachronique. Selon le premier tiret du point 1 de l’article 46 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, la commission administrative procède à l’inscription d’office « des électeurs potentiels de la base de données biométriques de l’état civil disposant de photos et d’empreintes digitales ». L’instinct de tripatouillage va conduire le projet de loi électorale à inventer un autre premier tiret du point 1 de l’article 46 selon lequel la commission administrative procède à l’inscription d’office « des citoyens en âge de voter sur la liste électorale disposant d’un numéro d’identification national (NINA) ». C’est la preuve évidente de la méconnaissance par le projet de loi électorale qu’on peut tout à fait être en âge de voter, disposer d’un numéro d’identification national (NINA) sans être pour autant éligible à l’inscription sur la liste électorale tant qu’on ne dispose pas de sa photo et de ses empreintes digitales. Il s’agit de deux conditionnalités substantielles de l’inscription sur la liste électorale !

L’article 90(nouveau) qui complexifie le vote pour le paysan et qui alourdit le contrôle de la preuve du vote par l’encre indélébile

Il est précisé à l’article 90 de la loi électorale n°2016-048 que l’électeur doit se rendre dans l’isoloir pour mettre son bulletin dans l’enveloppe ou pour « marquer d’une croix ou de tout autre signe son choix en cas de bulletin unique ». Cette formulation volontairement ouverte qui n’a d’ailleurs pas soulevé de difficultés particulières d’application, partait de l’idée réaliste comme quoi de nombreux électeurs étant illettrés, il n’était pas indiqué de les enformer dans des « cases de bulletins de vote » pouvant constituer pour eux des motifs de complication inutile de l’acte de vote. Au demeurant, les élections passées ont révélé que le problème majeur soulevé par l’article 90 tire sa source moins dans l’absence de cases de bulletins de vote que dans la qualité de l’encre utilisé pour apposer l’empreinte sur le bulletin.

C’est la mauvaise qualité de cette encre qui, par ses taches, a bien souvent été à l’origine de nombreuses annulations de bulletins de vote. Faisant fi de cette expérience, le projet de loi électorale en mal de tripatouillage va s’en prendre à l’article 90 de la loi n°2016-048 relatif aux modalités concrètes d’expression de son vote par l’électeur sur le bulletin unique. Pour préciser dans le détail que la croix ou l’empreinte digitale doit être apposée exactement dans « la case figurant au-dessous de la photo de son candidat, du logotype ou de l’emblème de la liste de son choix… ». Gare à la paysanne ou au paysan qui se risquerait à sortir de ces « cases » ! Par ailleurs, « l’index gauche » désigné par la loi électorale pour être trempé dans l’encre indélébile dans le but d’attester le vote, a été remplacé dans le projet de loi électorale par « le doigt » sans autre précision.

C’est-à-dire que n’importe lequel des doigts de la main pourrait être trempé dans l’encre indélébile. Tant pis pour l’assesseur qui devra alors passer en revue chacun des cinq doigts de la main pour s’assurer qu’un électeur n’a pas déjà voté ! Par ailleurs, alors même qu’il promet de faire voter avec des cartes d’électeur biométriques, le projet de loi électorale dispose à son article 90 qu’un assesseur appose le cachet « a voté » au dos de la carte d‘électeur biométrique comme du temps des vieilles carte d’électeurs confectionnées sur des feuilles volantes. Même la carte NINA s’était fait dispenser de ce supplice inutile à l’ère de la biométrie et de l’informatique électorale ! Les cartes d’électeurs biométriques disposeraient-elles de suffisamment d’espace pour y apposer des cachets inutiles ?

L’article 106 (Nouveau) avec ses formulations confuses, ses omissions et avec surtout la constitutionnalité douteuse du vote par procuration réservé uniquement à certaines catégories d’électeurs à l’exclusion des autres

L’article 106(Nouveau) du projet de loi électorale est relatif aux catégories d’électeurs habilités à voter par procuration. La loi n°2016-048 visait clairement la catégorie d’électeurs constituée d’« agents des forces armées et de sécurité sur le théâtre des opérations ». Le projet de loi opte pour la confusion en qualifiant cette catégorie d’électeurs d’« agents de l’Etat en mission sur le théâtre des opérations ou en mission commandée ». Il ajoute à la liste, les personnes détenues non condamnées à une peine privative de droit civique.

En outre par ses tripatouillages, le projet de loi prive du droit de vote par procuration, les délégués de la CENI, les membres de la Cour constitutionnelle, les mandataires des candidats et des partis politiques. Mais au-delà de ces considérations, l’article 106 pose en réalité un problème de fond lié au doute qui plane sur la constitutionnalité de la restriction drastique du droit de voter par procuration qu’il impose aux citoyens maliens. Cette problématique date de la loi n° 2011-085 du 30 décembre 2011 modificative de la loi n°06-044 du 04 septembre 2006 portant loi électorale qui y a vu un moyen d’endiguement de la fraude électorale.

La lutte contre la fraude électorale ne devrait toucher le droit de vote par procuration qu’au seul regard de ses modalités concrètes d’exercice susceptibles de toutes les restrictions possibles. En aucun cas, elle ne peut constitutionnellement justifier la négation généralisée de ce droit pour de nombreux électeurs. Le vote par procuration se définit comme la mesure corrective d’une impossibilité matérielle de l’électeur à se rendre dans le bureau de vote le jour du scrutin. Cette impossibilité matérielle s’assimile à une contrainte objective dont les manifestations diverses peuvent toucher les électeurs ne pouvant être présents dans leurs circonscriptions électorales le jour du scrutin ou les électeurs présents dans leurs circonscriptions le jour du scrutin, mais qui ne peuvent participer eux-mêmes au vote.

Les motifs en général indépendants de la volonté des électeurs concernés, sont liés soit à des obligations professionnelles, soit à des raisons de santé (handicap, maladie), soit à des raisons de détention (détenus provisoires et détenus purgeant une peine n’entraînant pas d’incapacité électorale). Au nom de la lutte contre la fraude électorale, le législateur a réservé le droit de vote par procuration à une petite minorité d’électeurs constitués en petit club de privilégiés du droit de suffrage. Ce traitement discriminatoire est attentatoire à l’article 27 de la Constitution selon lequel « le suffrage est universel, égal et secret… ».

Dr Brahima FOMBA,

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