Instruments séculaires de réjouissances populaires ancrés dans la tradition locale du cercle de Goundam, le «colo» et «toubal» auxquels les goundamiens s’attachent indéfectiblement, sont, aussi et surtout, des symboles de liberté, de cohésion sociale, de réconciliation, d’hospitalité…
A Goundam, dans la foulée, lors de la réception des délégations officielles, figure un groupement de femmes qui percutaient deux instruments de musique traditionnelle aux sons mystiques. Pour en savoir davantage, notre équipe de reportage s’est rendue à Goundam à la découverte de ces patrimoines chers aux goundamiens.
Le «colo » et «toubal» sont deux instruments rudimentaires de musique traditionnelle, l’un est confectionné sur un canari en terre cuite avec la peau de taureau lacée par des cordons en cuir, l’autre sur une tasse en bois ou une calebasse ronde qui en sert de basse. Inséparables, le plus souvent accompagnés de tam-tam, ils pourraient résister cinq ans sans se détériorer dans un abri bien entretenu. Selon nos sources, ils tirèrent leur origine à Tombouctou et seraient introduits à Goundam-ville par feu Nammou Moussoda pendant la colonisation française. Aissata Alhadji est l’héritière de souche de ces instruments musicaux. Souvent réticente aux interviews, c’était sous sa véranda qu’elle nous a reçus, toute souriante, malgré le poids de l’âge. «Lors du mariage de deux enfants de Nammou Moussoda, ma grande mère maternelle, sûre d’elle, malgré que les tapages fussent interdits, passa toute la nuit à percuter ses instruments. Le commandant colonial l’a appelée, pour en savoir les raisons, ma grand-mère lui a fait comprendre que c’était pour donner un souvenir indélébile à ses enfants mariés. Le commandant lui sert la main tout en lui recommandant, dorénavant, l’autorisation pour les circonstances éventuelles. Il est parti avec deux colos à Koulouba et Paris. Ainsi elle a légué la tradition du colo et toubal à ma maman Kaila à qui je l’ai héritée», a-t-elle raconté. Et d’ajouter que «ce n’est pas une référence de vue pour moi mais un héritage de souche et je sais bien ce qu’ils représentent.» A en croire notre interlocutrice, les éléments constituant ces instruments sont très significatifs. « Ce n’est pas un choix du hasard, la canari du colo traduit les bonnes intentions, la bienveillance et l’apaisement ; la baguette : l’aubaine et le commandement ; la peau : symbole de trône et de sacrifice ; la calebasse : l’initiation et la purification», a-t-elle expliqué. Jadis utilisé pour transmettre des messages, le «colo et toubal» sont des instruments indispensables aux populations de Goundam pour le déroulement de tous les événements sociaux, jouables à n’importe quel moment par des femmes qui, sans distinction ethnique ou raciale, debout ou assises, le tiennent dans la main droite et le battent de l’autre avec une seule baguette, très généralement, lors des cérémonies de mariage, d’intronisation, de circoncision, de veillées de fête de Ramadan ou Maouloud ou dans des circonstances comme l’éclipse de la lune, du soleil, la réhabilitation des mosquées, les meetings, les réceptions ou les fêtes nationales comme le «22 septembre». Pour l’héritière de souche, Aissata Alhadji, Colo et toubal sont non seulement des instruments de réjouissance populaire mais incarnent et symbolisent «la liberté, l’hospitalité, la cohésion sociale, la réconciliation, le témoignage et l’appel dans un climat convivial, harmonieux et paisible».
Promouvoir et préserver
Selon des observateurs culturels, ces instruments «colo et toubal», jouissent d’une vitalité remarquable dans la région de Tombouctou et jouent un rôle important dans la consolidation de l’unité et la cohésion sociale, seul gage pour la paix, la sécurité et le développement. On les retrouve également dans le cercle de Diré, Goundam et Niafunké.Aujourd’hui, Aissata Alhadji déplore une jeunesse en perte de repères traditionnels au profit d’une tendance culturelle étrangère. Pour elle, l’implication de toutes les couches traditionnelles s’avèrent nécessaires pour le maintien et la pérennisation des patrimoines artistiques et culturels. C’est pourquoi, elle a créé en septembre 2010, l’Association traditionnelle le «Colo» qui a pour objectifs de promouvoir, protéger, sauvegarder et perpétuer la tradition de ces instruments musicaux traditionnels dans le cercle de Goundam. L’association organisée en tontine, développe aussi des activités génératrices de revenus. Libre et apolitique, elle compte 41 membres dont la majorité, sont des femmes analphabètes ou déscolarisées. «Nous nous entraidons à chaque préoccupation éventuelle de chacune d’entre nous: le mariage, la circoncision, les maladies, le décès, le voyage sont vus à l’échelle commune et nous nous réunissons en tontine pour y contribuer», a affirmé Aissata Alhadji. Et d’ajouter que les membres mènent également d’autres activités génératrices de revenus pour pouvoir joindre les deux bouts.Selon Fady, la porte-parole, l’association entretient de très bonnes relations avec les autres corporations traditionnelles de la ville de Goundam. L’héritière de souche de ces deux instruments de musique traditionnelle, Aissata Alhadji, entend faire de la tradition du colo et toubal une école d’apprentissage afin d’affrioler les jeunes et éveiller leur conscience de conserver jalousement leur héritage culturel et de mettre du baume au cœur des populations pour cultiver la paix et la réconciliation. Malgré les nombreuses contraintes liées au manque de financement et d’un centre d’apprentissage, elle et son équipe sont à pied d’œuvre pour donner plus de visibilité, perpétuer et pérenniser la tradition du colo qui demeure un patrimoine symbolique et une fierté. « Nous avons besoin de l’aide de toutes les bonnes volontés et opérateurs culturels afin de sauvegarder ces instruments», a-t-elle indiqué.