Financer près d’un million de projets est l’objectif que la Coordination des associations et regroupements de la société civile (CARSOC) entend réaliser à partir d’un programme d’aide de plus 100 milliards FCFA acquis auprès des groupes pétroliers. La mise en œuvre de ce Programme lancé il y a un mois soulève des doutes de la part de la Mairie de la Commune I qui a pris un Arrêté de suspension. Pendant ce temps, des milliers de personnes continuent de s’enregistrer au siège de la CARSOC dans l’espoir de bénéficier du soutien de la structure et Adama TRAORE menace d’attaquer l’arrêté du maire.
Inhabituel, de milliers de personnes par jour font le rang devant le siège de la Coordination des associations de la société civile. Elles y viennent inscrire leur projet dans l’espoir de bénéficier de l’aide de la CARSOC qui a obtenu des groupes pétroliers un programme d’aide au profit des jeunes et des femmes. S’étalant sur trois ans, ce programme ambitionne de créer un million d’emplois en aidant la mise en œuvre des projets des personnes pauvres. Depuis quelques jours, la file d’attente se rallonge, selon le moment de la journée, malgré les critiques « d’arnaque » sur les réseaux sociaux à propos de cette initiative.
Un deal de 100 milliards de FCFA pour créer un million d’emplois
À l’origine, le président la Coordination des associations et regroupements de la société civile (CARSOC), le Dr Adama TRAORE, a précisé que l’initiative n’est pas nouvelle. Elle se réfère à un vieux programme d’aide des pays producteurs de pétrole aux Etats pauvres membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), afin qu’ils puissent faire face aux effets pervers des ajustements structurels.
À l’époque, se souvient-il, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso ont tous bénéficié de largesses du Nigéria, un des pays producteurs de pétrole en leur donnant des barils d’or noir.
« Alpha Oumar KONARE était président. Plus d’une décennie après, il y a 10 fois plus de difficultés financières. C’est pourquoi j’ai décidé de relancer ce programme sous une forme de partenariat public/privé. L’innovation de ce nouveau programme est qu’il est une affaire commerciale dont le bénéfice reviendra aux Maliens qui ont des projets à qui il manque le financement», a expliqué le président de la CARSOC, avant d’indiquer qu’au départ tous les acteurs de la société civile ont été associés.
Interrogé sur la nature de ce partenariat public-privé, M. TRAORE répond : « présentant, vu le besoin de la majorité des Maliens, j’ai convaincu des pays producteurs de pétrole de céder quelques pourcentages sur chaque baril de l’or noir vendu aux populations des pays pauvres comme le nôtre ; un geste de solidarité envers nous. Ainsi, j’ai réussi à négocier une réduction de 10 dollars sur le prix de baril de pétrole vendu. Mais il faudra que les grands groupes pétroliers acceptent de passer par moi afin que la coordination puisse bénéficier de la marge.»
Puis, a-t-il ajouté, pour avoir l’accompagnement des groupes pétroliers, il a décidé de leur accorder 4 dollars sur les 10 dollars de chaque achat de baril. Cela, commente-t-il, « afin que chaque partie trouve son compte dans le contrat ».
« À ce jour, nous avons eu l’accord de groupes pétroliers qui ont une consommation globale de 40 millions de barils par mois », a précisé le sexagénaire. En appliquant les 6 dollars promis à la CARSOC sur les 40 millions de barils, il signale avoir une aide de 240 millions de dollars soit plus de 100 milliards de FCFA. Il a avoué que ce montant sera destiné à financer les projets de la population malienne dans le besoin.
En initiant ce programme, le président Adama TRAORE dit se fixer comme objectif ultime de lutter contre la pauvreté, contre l’émigration irrégulière, la ruée des jeunes et des femmes vers les sites d’orpaillage tout en créant un million d’emplois, à travers l’argent généreux par ce deal commercial. Sans aucune distinction, a-t-il rassuré, le Programme est ouvert à toute personne ayant un projet et qui peine à l’exécuter faute de financement et d’aide.
« Au terme de ce programme de trois ans, je compte aider à la réalisation d’un million de projets au profit des couches dans le besoin », s’assigne-t-il comme objectif.
Un millier de personnes enregistrées par jour
Selon M. TRAORE, cette opération a été lancée le 3 mars dernier et draine une marée humaine dans la capitale et dans presque toutes les capitales régionales. Chacun, avec l’espoir de réaliser son rêve, veut s’enregistrer.
«Il y a un engouement extraordinaire dans la mise en œuvre de ce Programme. Nous enregistrons les besoins des gens. Par jour, mon équipe peut inscrire en moyenne un millier de personnes. Malgré cette affluence, la mobilisation est très en deçà de mes attentes. À Bamako, nous sommes à peu près à 30 000 inscrits contre une prévision de 100 000 personnes », a révélé le président TRAORE.
À l’intérieur du siège se trouvent des équipes en charge d’enregistrer les projets. Il y a trois fiches à renseigner comprenant notamment le nom, l’adresse, le type et le lieu de mise en œuvre du projet du demandeur. Le coût de cette inscription est de 300 FCFA non remboursables. « Ces frais sont le prix de l’enveloppe, de la fiche descriptive du projet et de la fiche d’enregistrement», a-t-il précisé.
À l’image de Fanta DIARRA, ils ont des dizaines de personnes qui passent la nuit à la belle étoile devant le siège de la Coordination. De nuit comme de jour, il y a des gens qui attendent.
«Je suis venue le mercredi un peu en retard, je n’ai pas eu la chance de m’enregistrer. Il y avait beaucoup de gens avant moi. C’est pour cela que j’ai décidé de passer la nuit devant le siège afin que je sois parmi les premiers à s’inscrire », a expliqué la veuve DIARRA, ajoutant avoir perdu son mari dans un accident de voiture, il y a cinq.
Désœuvrée, avec ses quatre enfants, elle affirme n’avoir pas le moyen de subvenir à leur besoin. Cette initiative est une aubaine, selon elle, de réaliser son rêve d’ouverture une boutique de vente de condiments dans son quartier à Sikoroni situé en commune II du District de Bamako.
Tenant la main de son enfant de près 10 ans et un 2e qu’elle portait au dos, ONGOIBA indique vivre dans la rue. La quarantaine révolue, elle indique avoir été informée par une mendiante qui a été également enregistrée.
À côté de ces cas émouvants, il y a des personnes d’un certain rang social qui elles aussi passent tenter leur chance, nous confie un jeune de la famille voisine.
Un programme controversé
La Mairie alertée par cette situation qualifiée d’étrange par certaines personnes du voisinage, a dépêché sur les lieux une délégation conduite par le 1er adjoint au maire ; du secrétaire général de la mairie de la commune I du district de Bamako, le mardi 28 mars dernier. Ce jour, la délégation était accompagnée par des agents de la Police du 12e Arrondissement.
«J’ai reçu des agents de la mairie qui sont venus me demander des informations sur mon projet. Aussi, ils voulaient des documents de ce Programme. Je leur ai fait savoir que je suis président d’une association légalement constituée. J’ai la souveraineté d’aller chercher des partenariats pour mon pays. Ainsi, je n’ai pas de compte à rendre à un maire pour les activités de notre association », nous a narré M. TRAORE.
Quelques jours plus tard, la mairie a statué sur le dossier puis pris un arrêté de suspension des activités de la Coordination après le service d’un huissier de justice.
‘’ Est suspendue l’activité présumée de financement de projets par la Coordination des associations et regroupements de la société civile ‘’CARSOC’’ dans le quartier de Djélibougou en commune I du District de Bamako pour raisons d’enquêtes’’, relève-t-on dans l’arrêté du maire de la commune I, Mamadou KEITA, en date du 4 avril dernier dont nous avons eu copie.
Des élus de la circonscription commentent la décision municipale en affirmant que M. TRAORE « n’est parvenu à leur montrer aucun document officiel l’autorisant à faire cette activité, ni de donner les références des partenaires avec qui il travaille ». En pareille circonstance, estiment-ils, il est nécessaire de prendre une décision de surseoir la mise en œuvre des activités de la CARSOC dans l’unique but de protéger la population contre « un éventuel abus de confiance ou une escroquerie».
« Ils peuvent me taxer de tout. Je ne suis pas un escroc. J’ai confiance à mon programme. Je suis persuadé qu’il va servir à aider beaucoup de gens qui ne travaillent pas », a répondu M. TRAORE.
Aussi, le président de la CARSOC affirme n’avoir pas encore reçu l’arrêté de la suspension de ses activités pris par le Maire de la commune I.
«Au moment où je vous parle (Ndlr lundi 9 avril entre 13 heures et 14 heures), la mairie ne m’a notifié aucune décision. J’attends cet arrêté. Le jour où je l’aurais, la mairie peut s’attendre à ce que je l’attaque devant le tribunal », a-t-il déclaré avant de promettre que tous les projets enregistrés sont susceptibles d’avoir le financement.
Cependant dans la mise en œuvre de ce Programme, il a informé que ses partenaires vont commencer une visite de travail de quelques jours à partir d’aujourd’hui dans notre pays (NDLR le jeudi 12 avril).