Entre discours contradictoires et attitudes haineuses, en passant par les déclarations à l’emporte-pièce, cet homme, ancien ministre d’IBK, est devenu, quelques mois seulement après sa sortie du gouvernement, le prototype de l’homme politique sans foi ni loi, qui insulte l’avenir et renie le passé. Un portrait-robot d’un personnage controversé, fou du pouvoir et prêt à tout pour l’avoir. Au risque de passer par les trahisons les plus accomplies.
Avocat chevronné, dit-on dans les milieux du droit. Ancien enseignant du supérieur au passé trouble, avec des écarts de langage grossiers face à la gent féminine, reconnaissent certains de ses proches collaborateurs. Me Mohamed Aly Bathily est aujourd’hui un personnage politique controversé. Entré dans le gouvernement à la faveur de la victoire d’IBK à la présidentielle de 2013, cet avocat, qui ne tarissait par d’éloges sur son mentor de président, n’hésite pas aujourd’hui à pourfendre ce dernier. Dans ce pays de tradition et de culture, dès qu’un homme adopte cette posture, en vomissant sur la main qui l’a nourri, on est en droit de se poser des questions, y compris sur ses intimes convictions avec la morale.
Dans ce pays, qui ne se rappelle pas de la guerre de communication que cet homme inclassable a livrée à distance à l’actuel chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, en 2014, alors qu’il était en mission en France. A en croire un journal de la place, le samedi 8 février 2014, au Foyer Adef de Montreuil (France), à l’occasion d’une rencontre informelle avec la communauté malienne, organisée par l’Amicale des Maliens de Montreuil (Amdm), le tonitruant ministre Bathily s’est attaqué aux dignitaires du pays. Après avoir haineusement vilipendé Alpha Oumar Konaré, ATT et Dramane Dembélé, il s’en est pris à Soumaïla Cissé en ces termes: « Il y a eu 56 milliards de FCFA payés pour les droits des travailleurs compressés quand Soumaïla Cissé était le ministre des Finances du Président Alpha Oumar Konaré ». Selon lui, on aurait dit aux travailleurs compressés : «Pour vous payer, il faut que chacun renonce à 40% de ses droits. Soumaïla Cissé a sorti une lettre-circulaire pour instituer cela. L’argent a été intégralement payé, mais pas aux compressés. Où est parti le reste de l’argent ? Et on nous a appris après que Soumaïla a un bateau. C’est ça l’origine de sa fortune».
«Je peux vous dire que je suis partagé entre deux sentiments devant de pareilles accusations: l’indignation et la pitié ! Indignation devant la bassesse, la méchanceté gratuite et le mensonge éhonté. Pitié devant l’attitude d’un ministre aux abois, surtout préoccupé de sauver son fauteuil et qui tente désespérément de faire oublier ses propres frasques et son passé sulfureux à Dakar, où il fut ambassadeur de ATT». Telle une réponse du berger à la bergère, Soumi n’a pas attendu longtemps pour riposter au ministre: «Ambassadeur qui a abandonné notre ambassade dès qu’il a obtenu un poste plus juteux en Europe sans même en aviser nos autorités ! Voilà un ministre de la Justice normalement tenu au devoir de réserve, surtout à la place qu’il occupe, qui est en campagne électorale permanente et se permet de calomnier délibérément des citoyens sans l’ombre d’une preuve, s’exposant ainsi à un procès en bonne et due forme pour diffamation».
Ce ping-pong n’est pas un cas isolé. L’habitude de Me Bathily est d’attaquer frontalement les gens sur un ton surréaliste, invraisemblable, dans l’optique de charmer l’opinion pour des raisons inavouées. Me Bathily, toujours en France, face à des ressortissants maliens, disait qu’on lui avait remis vingt dossiers sur Adama Sangaré que le procureur général aurait refusé de poursuivre. Ce dernier aura pour réplique dans la presse : «Ces dossiers ne nous sont pas parvenus. Ils ont dû s’égarer dans les dédales du ministère ». Un homme de polémique qui n’hésite pas à régler des comptes personnels au moyen du dilatoire et de l’invective, au risque de payer après la rançon de la démesure et du mensonge. Çà, c’est bien s’il se présente en pire adversaire contre son vis-à-vis, armé qu’il est par la haine de la déraison, prêt à tout dans le dénigrement systématique et sans vergogne.
Mais, si c’est pour flatter l’égo, il en détient aussi le parfait secret, surtout s’il s’agit de préserver un fauteuil. Alors ministre de la République, dans un passé encore récent, il disait ceci sur une radio de la place: «En 2018, je ne serai pas candidat aux élections présidentielles. Je le dis et je le précise. Dans la vie, il y a une chose que Dieu n’aime pas, c’est la trahison. Il ne faut jamais trahir quelqu’un. Tant qu’IBK sera candidat, je ne me présenterai pas». C’est du passé çà. Aujourd’hui, Bathily n’en a cure, d’autant qu’il est cette personne dont l’opinion et la conduite varient en fonction des circonstances, que cela lui soit favorable ou défavorable.
Fort en formule, pour épater les gens, Me Bathily sait parfaitement comment se mettre tout prêt de ses intérêts. Voulant se passer comme un bon samaritain, adepte de la loyauté et de la morale, il n’hésite pas à vanter l’égo du prince du jour pour préserver les privilèges. Mais attention ! Il ne faudrait pas surtout qu’il soit relevé de ses fonctions. Si c’est le cas, bonjour les dégâts : versé dans la polémique et dans l’invective, parfois la plus grossière, il s’égosille à vilipender et à narguer.
Habitué à jouer le personnage double, en fonction de la réalité du moment ; un domaine de prédilection pour les sciences de la criminologie moderne, Bathily ne se gêne pas à dire une chose et son contraire dans un intervalle de temps réduit, comme s’il n’a aucune idée de la morale. C’est bien cette façade trouble qu’il entretient de sa personnalité qu’il lui est aujourd’hui possible de revendiquer publiquement un enfant devenu célèbre malgré lui.
Sur des traits méconnaissables, depuis qu’il a quitté le gouvernement, Bathily a du mal à gober ce largage et le laisse voir par des déclarations à l’emporte-pièce, allant parfois jusqu’à renier ses propres convictions. Quelques morceaux choisis : « J’accepte d’être candidat (élection présidentielle de 2018), pour dire qu’il est temps qu’on cesse. J’ai horreur d’une gouvernance qui finit par être patrimoniale, personnalisée. Je vais me lâcher : j’ai eu le sentiment que M. le président aime les belles formules, ils les adorent. Mais quand je mets la pratique à côté, elle est en décalage total de ce verbe. C’est du yoyo permanent ».
Cette nouvelle diatribe, qui a pourtant l’avantage de retracer les traits caractériels de l’homme n’est pas surprenant chez le magistrat, reconverti avocat. On le connait bien sur ce terrain: il a l’habitude des trahisons accomplies et de coups-bas parfaits à l’endroit des coteries amicales, reniant tout le passé, n’hésitant pas même à insulter l’avenir.
Me Bathily, pour cette double personnalité qu’il sait manier au gré des circonstances, a perdu petit à petit, aux yeux des Maliens, le crédit d’homme intègre et travailleur qu’il prétend être. Homme-caméléon, déguisé dans les traits incontrôlables et imprévisibles d’un double personnage, variant ses propos et ses convictions en fonction des circonstances, Bathily est loin d’être une quelconque menace pour qui que ce soit, étant lui-même son propre fossoyeur, en raison de la trop grande liberté qu’il veut prendre avec l’éthique sociale.