PolitiqueLe député Bakary Woyo interpelle le ministre Assétou Founé à l’Assemblée Nationale : « Vous n’avez aucune considération pour l’école malienne… »
Aujourd'hui, l'Enseignement supérieur au Mali est exposé à d'innombrables problèmes parmi lesquels on peut citer entre autres la mauvaise gouvernance; l'insécurité chronique, les pratiques anti- pédagogiques et l'insuffisance des ressources financières. Ce haut lieu de sagesse, de transmission de compétences pour les futures cadres, au fil des années s'est dénaturé, s'est dévoyé pour devenir un marché où le profit, le gain facile et les places définissent les rapports entre les différents acteurs.
C’est dans cette atmosphère délétère de marchandage, d'affairisme et de clientélisme de la récurrence de la violence, de la banalisation des instances de prise de décision et de l'inimitié permanente qui pourrissent la vie des professeurs et qui font que le niveau des étudiants baisse du jour au jour. Prenant conscience de ce danger qui plane sur le système éducatif malien, le député élu à Bougouni, Bakary Woyo Doumbia du groupe VRD (Vigilance Républicaine Démocratique) a interpellé, hier jeudi 19 avril 2018, Mme le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Pr Assétou Founé Samaké Migan pour qu’elle s’explique sur les pratiques peu orthodoxes dans le milieu universitaire malien.
Les travaux de questions orales étaient présidés par le président de l’Assemblée nationale, l’honorable Issaka Sidibé, en présence des membres du gouvernement et d’autres personnalités. Les questions orales de l’honorable Bakary Woyo Doumbia étaient adressées au ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Pr Assétou Founé Samake Migan.
D’entre de jeu, le député de l’opposition, Bakary Woyo Doumbia a mis l’accent sur le problème de gouvernance à la FSEG. « A la faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FSEG), la gouvernance prend des plombs dans les ailes. En effet, dans cette faculté, les textes ne sont pas respectés au regard de la tenue de l'Assemblée de faculté, du fonctionnement des Départements d'Etudes et de Recherche (DER), de la répartition des cours et des heures supplémentaires, de l'organisation des examens, entre autres.
Le doyen de la FSEG, le Professeur Ousmane Papa Kanté a suspendu les cours pendant plus de 4 mois en 2015-2016 et 1 mois en 2016-2017 pour des raisons propres à lui (pour 2015-2016, il a estimé le montant des heures supplémentaires insuffisant par rapport au volume du travail alors que les enseignants ont accepté de travailler ; pour 2016-2017, la raison est que la FSEG n'a pas bénéficié de beaucoup de jours pour utiliser l'Amphi 1000 places). Est-ce qu'un doyen, un administrateur doit se permettre de fermer son service, empêchant du coup près de 10000 enfants d'aller en classe ?
Après coup, quelle sanction avez-vous prise à l'encontre de ce doyen, suite à cette faute très grave ? », S’interroge le député interpellateur. Selon lui, ce même doyen a puni les grévistes qui n'ont fait que jouir de leur droit constitutionnel tout en faisant venir la police pour les empêcher de dispenser les cours, suspendant également leurs salaires et les a rayés des arrêtés des heures supplémentaires. « Informée par certains enseignants de la FSEG, vous, Madame, quelle réponse avez-vous donnée à cet acte odieux et humiliant infligé à des fonctionnaires, à leur lieu de travail, pire, devant leurs étudiants ? Avez-vous pensé à restaurer aux fonctionnaires leurs droits, arbitrairement retirés par le doyen ? Est-ce à dire que le doyen est au-dessus de la loi ? Outre ces abus, le Doyen se donne à des activités mercantilistes à la FSEG.
Il a organisé des examens oraux payants, c'est-à-dire, faire payer les examens par les étudiants. En effet, les étudiants ont payé 10000F par unité d'enseignement pour avoir droit à faire des examens dits « oraux payants » et évidemment tous ceux qui ont payé ont été admis. Madame, êtes vous au courant de ces pratiques auxquelles on se donne à FSEC pour organiser des examens particuliers ? Les textes qui régissent l'école malienne en général, et les Universités en particulier, autorisent-ils l'organisation de tels examens ? », a déclaré le député Bakary Woyo Doumbia.
Non à la corruption dans les universités !
Selon lui, aux dernières nouvelles, il paraît que les étudiants ont adressé une demande au ministre pour qu'on fasse cette année aussi ces ventes officielles des notes. Il a demandé la position de Mme le ministre là-dessus. « Le CEN-SNESUP a déposé un préavis de grève de 48 heures en 2017 demandant la révocation du doyen pour pratiques anti-pédagogiques. Suite aux négociations engagées à ce sujet, il a été demandé que le doyen soit révoqué pour « pratiques anti-pédagogiques ». Au lieu d'appliquer les recommandations de ce procès-verbal, vous avez fait signer par le Recteur une lettre de suspension avec comme raison « pour apaisement de la tension à la FSEG ».
Mieux, au bout d'une semaine la suspension est levée pour vice de forme que vous, je dirais, avez sciemment créé. Dans cette attitude, non seulement vous n'avez pas respecté les engagements du gouvernement, mais en plus vous avez créé une frustration et montré en même temps que vous n'avez aucune considération pour l'école malienne car vous êtes d'accord avec tout ce que le doyen a commis comme fautes », a martelé Bakary Woyo. Le député a fait d’autres révélations en disant que le doyen Ousmane Papa Kanté a distribué l'argent destiné à payer les heures supplémentaires du premier semestre de l'année universitaire 2016-2017 aux personnes de son choix. « Il a fait signer des faux emplois du temps et des fausses attestations de services faits par les chefs de DER. Le comité syndical de la FSEG vous a écrit pour vous informer et vous demander sans succès de ne pas signer lesdits arrêtés.
La même chose est faite pour le deuxième semestre car les professeurs permanents n'ont toujours pas les droits que les textes leur accordent et ce sont les amis du doyen qui continuent à faire des semblants de cours et se partagent les heures », a-t-il dit. Aux dires du député, Mme le ministre est entrain de cautionner la corruption, l’injustice et le détournement. Répondant aux questions de l’honorable député, Mme le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Pr Assétou Founé Samaké Migan est d’accord avec certaines tares du système de gouvernance dans l’université. Mais selon elle, des mesures ont été prises pour l’amélioration de la situation. « J’ai honte de parler de l’altercation des enseignants. Le rôle de l’enseignement n’est pas de courir derrière les heures supplémentaires.
Les enseignants qui font cela ont oublié leur rôle… Nous sommes permanemment interpeller par rapport à cette situation », a déclaré Mme le ministre. S’agissant de la situation du Doyen Ousmane Papa Kanté, Mme le ministre a précisé que la sanction avait été prise en son encontre pour éviter une autre grève. Selon elle, le ministre doit être saisi par le recteur pour que la sanction puisse être prise et c’est ce qui a été fait. A ses dires, il y’a eu trois tentatives pour mettre les acteurs ensembles mais en vain. Ainsi, elle dira que c’est à la suite de l’Assemblée générale du corps professoral que la majorité a décidé de ne pas maintenir la sanction du doyen. N’étant pas satisfait de la réponse du ministre, le député revient encore à la charge. Selon lui, l’argent s’immisce trop dans le système éducatif.
Et ceux qui n’ont pas d’argent ? Il a invité Mme le ministre à travailler pour réduire les heures supplémentaires. « Les milliards qu’on met dans les heures supplémentaires peuvent être optimisés. Il faut que l’étudiant malien arrive à tenir tête devant ses camarades du monde entier ». Moralement abattu, le Pr Assétou Founé a fait savoir qu’il y a certes des problèmes qui se sont entassés au fil du temps notamment les questions d’effectif et de ressources humaines. A l’en croire, des textes sonten relecture pour améliorer la gouvernance. « L’organisation des examens nous coûte excessivement cher…Nous retiendrons votre préoccupation et nous allons apporter des corrections », a-t-elle conclu.