La presse malienne est au mieux dubitative après la décision du président par intérim, Dioncounda Traoré, de nommer Tiébilé Dramé conseiller spécial chargé d’engager des contacts avec les groupes armés du Nord. Président du Parti pour la renaissance nationale(PARENA), ancien ministre, Tiébilé Dramé a mission de négocier pour que les élections puissent se tenir à Kidal où sont installés les rebelles du MNLA.
Pour Le Procès-verbal, « en décidant de nommer un émissaire pour tenter de sortir de l’impasse avant les élections, Dioncounda envoie un signal, le premier, que l’Etat malien veut s’investir dans le règlement pacifique de la question touarègue au Nord. Dramé va devoir trouver un compromis avec le MNLA qui refuse le retour de l’administration et de l’armée malienne à Kidal. »
En outre, relève encore Le Procès-verbal, « la présidence malienne souhaite que son émissaire devienne l’interlocuteur des initiatives diplomatiques menées par les multiples médiations régionales et internationales. Le président malien entend obtenir que les médiations de la CEDEAO, de l’Union africaine ou des Nations unies n’opèrent plus chacune dans leur coin mais en synergie avec Dramé. »
Alors, « reste maintenant à mettre ce dialogue en œuvre et le moins que l’on puisse dire est que cela n’est pas gagné d’avance, estime L’Indépendant, autre périodique malien. Le premier écueil à surmonter sera la question de savoir si le MNLA acceptera de déposer l’arme au vestiaire avant de prendre place autour de la table des négociations ou si, au contraire, il s’y installera le doigt posé sur la gâchette. Le résultat sera différent, selon l’un ou l’autre cas. Le second obstacle, qui ne manquera pas de surgir, relève encore L’Indépendant, sera la définition du champ d’application des négociations. A l’évidence, dans l’esprit du président intérimaire, celui-ci se limite à la seule région de Kidal », alors que le MNLA, lui, « parle de “l’Azawad” qui, dans son discours et dans son entendement, recouvre les trois régions du Nord Mali, y compris Gao et Tombouctou, même s’il n’y a jamais contrôlé un arpent de sable. »
Enfin, autre grain de sable et non des moindres, note L’Indépendant, « les deux parties sont loin de partager la même vision de ce qui pourrait résulter d’éventuelles discussions. Dioncounda pense qu’une décentralisation plus hardie, concédant de plus larges prérogatives et des moyens accrus aux autorités locales est la clé pour stabiliser la région de Kidal et la réconcilier avec le reste du pays. Le MNLA voit plus loin. A défaut de l’indépendance dont il a dû faire son deuil face à la fin de non recevoir vigoureusement opposée par la communauté internationale, il réclame “un statut juridique spécial” qui renvoie à l’autonomie. »
Mauvaise foi ?
Plus radical, le journal L’Aube, estime pour sa part que ces négociations sont vouées à l’échec, avant même d’avoir commencé… « Après tous ces signaux forts des autorités maliennes, écrit-il, les responsables du MNLA n’ont pas encore posé un acte prouvant leur attachement à la République. Pis, ils continuent de harceler les Maliens et la communauté internationale avec leur histoire d’“Azawad” dont ils sont les seuls à en savoir les origines. Ce qui démontre la mauvaise foi de ce mouvement, s’exclame L’Aube. Une mauvaise foi qui ne date pas d’aujourd’hui. Le MNLA est connu pour ses tromperies et ses voltefaces spectaculaires. »
L’Indicateur Renouveau hausse encore le ton et s’en prend tout à la fois au MNLA et au président par intérim… « Le pas a été franchi par le président Dioncounda, qui a capitulé de manière honteuse face aux pressions de la France, et contre la volonté de son peuple, martèle le journal. En choisissant la voie du dialogue avec ceux qui ont tué impunément, sans consulter le peuple malien, Dioncounda Traoré confirme qu’il n’est pas un président digne des Maliens qui, dans leur majorité, ont dit “non” à tout dialogue et réconciliation avant la justice. » Bref, résume L’Indicateur Renouveau, « toute négociation consacre l’humiliation pour le Mali. Car, elle traduit la volonté de travestir la nature de la rébellion armée conduite par un groupuscule minoritaire en la présentant comme un conflit opposant les populations du Nord du Mali à celles du Sud. (…) Le peuple malien est donc interpellé, conclut L’Indicateur. Face à l’option imposée par Dioncounda, il a le devoir d’opposer le sentiment de refus. Et il doit le faire savoir. »