Ce 20 avril, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga présente la Déclaration de Politique générale (DPG) de son gouvernement formé le 30 décembre dernier. Ce passage devant le Parlement (du 16ème Premier ministre du Mali démocratique et 5ème Premier ministre du Président IBK) est le 14ème du genre depuis l’instauration de cette pratique institutionnelle au Mali en 1992 avec l’avènement de la 3ème République. Sur les 16 chefs de gouvernement que le pays a connus, ces 27 dernières années, seuls deux capitaines d’équipe ministérielle n’ont pas subi l’épreuve de la Dpg qui est pourtant une exigence constitutionnelle. Les autres Premiers ministres qui s’y sont soumis ont eu le bonheur d’avoir la confiance des députés qui ont approuvé sans difficultés majeurs leurs documents.
«DPG» : c’est trois lettres, plus que des initiales, sont devenues un acronyme fortement et abondamment utilisé dans le lexique politico-médiatique en abréviation de la « Déclaration de politique générale ». Une déclaration constitutionnellement exigée d’un gouvernement pour décliner devant l’Assemblée nationale les principales lignes directrices de l’action de l’Exécutif. Présentée par le Premier ministre, la DPG a tendance, sous nos tropiques, à remplacer le « Programme d’actions gouvernementales » qu’annonce généralement un candidat à l’élection présidentielle. L’élaboration d’un tel Programme touchant à la totalité des aspects majeurs de la gouvernance requiert la planification, voire la prospective englobant nombreuses considérations politiques, économiques, financières, sociales et diplomatiques. Le tout prenant en compte les engagements internationaux ou les conditionnalités des partenaires bilatéraux et multilatéraux. A défaut d’un tel Programme d’essence détaillée, mais contraignant à priori, nos gouvernements font le choix d’une DPG afin d’éviter des erreurs d’appréciation des paramètres de gestion des affaires publiques. Et surtout de ne pas faire l’annonce des actions irréalistes et irréalisables Avec la DPG, le gouvernement tente ainsi de se ménager certaines marges de manœuvres dans l’exécution de tâches multisectorielles.
De 1992 à nos jours, le Mali démocratique a connu seize (16) Premiers ministres (PM) dont cinq (5) nommés par le président Alpha Oumar Konaré, quatre (4) désignés par le président Amadou Toumani Touré (ATT), deux (2) choisis sous le président Dioncounda Traoré et cinq (5) promus par le président Ibrahim Boubacar Keïta aux affaires depuis le 4 septembre 2013. Avec le passage ce 20 avril 2018 de l’actuel chef du gouvernement Soumeylou Boubèye Maïga, l’Assemblée nationale va enregistrer la prestation du 14ème PM à se soumettre au « Grand oral » que représente la présentation d’une DPG. Cet exercice de contrainte ou opportunité tribunicière est un moment particulier dans les rapports Gouvernement – Parlement dans un système de démocratie représentative. A cet exercice très attendu, deux (2) PM ne s’y sont pas soumis : Cheick Modibo Diarra et Oumar Tatam Ly.
Devenu en avril 2012 chef de l’équipe ministérielle mise en place pour la Transition consécutive à la chute du président ATT, le Dr Diarra, ex-navigateur interplanétaire de la Nasa, est resté à planer au-dessus de l’Assemble nationale en n’y atterrissant guère. Il était peut-être ragaillardi par la force volante de sa masse volumique de PM aux « pleins pouvoirs ». Il est resté huit mois (avril – décembre 2012) à la Cité Administrative sans faire un petit tour au palais des députés à Bagadadji. Tout comme le sexagénaire astrophysicien, le quadragénaire banquier Oumar Tatam Ly, premier Premier ministre du Président IBK, ne subira pas lui-aussi l’examen de passage devant les députés. Il préféra, le 05 décembre 2013 (soit trois mois après sa nomination à la Primature), procéder à la présentation à la Presse du « Programme d’Actions du Gouvernement (PAG 2013-2018) ». Première du genre, cette initiative novatrice a été plutôt perçue par maints observateurs comme un exercice original de relations publiques qui cachait mal une communication politique de mauvais aloi frôlant un tant soit peu du mépris ou de la méfiance dans les rapports interinstitutionnels.
Tel ne fut ni le cas ni l’impression dégagée dans la démarche le Premier ministre Diango Cissoko (en poste du 11 décembre 2012 au 4 septembre 2013). Contrairement à son prédécesseur Cheick Modibo Diarra et à son successeur Oumar Tatam Ly, l’administrateur civil chevronné Sissoko a conduit l’action gouvernementale avec pragmatisme. Le 30 janvier 2013, il a présenté à l’Assemblée nationale une « Feuille de route » de son gouvernement engagé prioritairement dans la voie de la reconquête des zones septentrionales du pays occupées par des forces obscurantistes au service criminel du narco-terrorisme.
Pour rappel, il est utile d’indiquer que l’exercice de la DPG est devenu une pratique institutionnelle instaurée au Mali par la 3ème République. En effet, la Constitution du 25 février 1992 respecte le principe de la séparation des pouvoirs à travers son Article 54 qui dispose que « le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions et suivant les procédures prévues aux Articles 78 et 79 ». Lesquels déterminent les rapports entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Ainsi, « le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur un Programme ou éventuellement sur une Déclaration de Politique générale. » (Article 78, Alinea1). Quant à l’Article 79, il envisage que « lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le Programme ou une Déclaration de Politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du Gouvernement ». Depuis l’instauration au Mali en 1992 de cet exercice d’échanges et d’appréciation, l’Assemblée nationale a jusque-là favorablement accueilli les différents Premier ministres dont les DPG des gouvernements sont toujours adoptées sans anicroches par les députés. Cela, en raison de la domination de la majorité parlementaire écrasante en phase avec le Président de la République.
S’agissant de la mise en pratique de présentation de la DPG, des débats (questions-réponses) entre le chef du Gouvernement et les députés ainsi que les opérations de vote du texte gouvernemental, toutes les modalités sont définies dans le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale. Ce Règlement est une loi organique habituellement proposée et adoptée par les Elus de la Nation au début de chaque législature. Particularités non négligeables : la séance parlementaire concernant la présentation, les débats et le vote de la DPG du gouvernement est toujours et intégralement retransmise sur les antennes radio et Tv de l’audiovisuel public, l’Ortm.