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Chronique du web : Le devoir d’indignation
Publié le lundi 23 avril 2018  |  Infosept
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Je n’ai pas le don d’ubiquité pour surveiller le web mondial et dresser une typologie de l’usage qui en est fait par pays. Mais je suis sûr d’une chose, les Maliens sont parmi les plus mauvais utilisateurs des fabuleuses ressources qu’offre la Toile. C’est une conviction empirique qui n’est adossée à aucune étude scientifique et, en fier malien, j’aurais bien aimé que cette conviction soit fausse et démentie par des faits têtus.
Malheureusement, et je le crains, personne ne saura m’opposer ces faits têtus. Au gré du jeu politicien, des interactions et contradictions normales engendrées par les transactions quotidiennes de toutes sortes…, et fur et à mesure qu’approchent des échéances capitales - l’élection présidentielle de juillet prochain est le principal détonateur de la présente passion -, le web malien s’enflamme dangereusement.

Ceux qui se prennent indûment pour ses animateurs font feu de tout bois. Ils ne retiennent plus leurs coups ; ils les distribuent à l’aveuglette. Ces « people » qui se prennent pour notre conscience morale décochent des flèches à tout va et qu’importe si ces flèches ne sont pas dotées de têtes chercheuses et, en conséquence, si elles ratent leurs cibles et font des victimes collatérales. Un tour sur les principaux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube…) suffit à conforter notre religion tant ce qui y est publié, diffusé, partagé et commenté brille par son indigence intellectuelle, sa vulgarité, sa méchanceté et son côté « attaques personnelles gratuites ».

Jean en veut à Paul parce que celui-ci est bel homme et élégant. Oumou bat froid à Penda pour la simple et unique raison que celle-ci est bien mariée. Chacun en veut à son prochain pour la bonne étoile de ce dernier, sa réussite professionnelle, son entregent, son talent, son génie… pour ce qu’il est tout simplement. Qu’elle indignité ! Là encore, je passe sous silence ce qui est véhiculé inbox via Messenger, Whatsapp et les autres applications de messagerie classique (Gmail, Yahoo, Hotmail…) qui est plus nocif, toxique, pourri, sournois et trivial. A coup de mensonges diffusés via ce qu’ils appellent « vidéos », « sons » ou « audio » à la qualité grossière, ils tentent de vous démolir dans le subconscient d’un public très peu avisé qui raffole des « affairages », des ragots, des potins et tout ce qui vole bas, côtoie le ras des pâquerettes voire se noie dans le caniveau.

Cette pollution morale à ses tribuns dont la rhétorique à deux sous, les diatribes, les philippiques et les flatulences arrachent des hourras au bon petit peuple qui oublie, le temps d’une connexion, qu’il n’a pas assuré ses arrières et qu’il risque de dormir le ventre creux et se réveiller le lendemain avec ses problèmes dont la résolution devient un peu plus complexe tous les jours que le bon Dieu fait. Est-il seulement conscient qu’il est en train de vivre sa vie par procuration et qu’il cherche au mauvais endroit un exutoire à ses difficultés existentielles ? Qu’au lieu de se battre courageusement avec ses atouts, il soustraite son avenir à des charlatans, à des illusionnistes et que, au finish quand il sera trop tard, qu’il aura lâché la proie pour l’ombre ?

Ceux qui ont étudié Karl Marx se souviennent de cette citation passée à la postérité : « la religion est l’opium du peuple ». Vrai ou faux ! Je n’en sais rien, mais je puis humblement attester que l’habitude de consommation aveugle de tout ce qui s’écrit, se dit, est vu et partagé sur les réseaux sociaux traduit le désarroi de notre jeunesse et son manque de perspectives. En tant que parents, cette « dérive technologique » nous interpelle fortement et nous incline à mieux communiquer avec nos enfants pour mieux encadrer leurs relations aux réseaux sociaux et aux contenus qu’ils diffusent. Les partis politiques et les sociétés civiles doivent accepter qu’ils se sont lourdement trompés et que, au lieu de former des citoyens responsables aptes assurer la relève le moment venu, ils ont accompagné l’émergence de monstres sur lesquels ils n’ont aucune prise.

Que dire donc de la responsabilité de l’Etat, dépositaire de la violence publique ? Il a manqué d’anticipation et de proactivité et se complait dans le rôle ingrat de pompier. Au moment où le pays tout entier est gagné par la fièvre pré-électorale, il convient d’appeler tous les acteurs nationaux à revisiter les valeurs qui font la spécificité du peuple malien, entre autres, le respect dû aux ainés, la courtoisie, la convivialité, le respect de la vie privée et le travail. Si nous acceptons que nous devons nous réaliser par notre travail, à la force de notre poignet ou à la sueur de notre front – l’invite au travail libérateur est si facile à exprimer - , on rendrait grâce à Voltaire qui écrivait que « le travail nous éloigne de trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin".

Serge de MERIDIO
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