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Acquisition d’équipements militaires : Tiebilé Dramé dénonce une mafia
Publié le jeudi 26 avril 2018  |  L’aube
Rentrée
© aBamako.com par Momo
Rentrée politique du PARENA
Bamako, le 20 février 2016 le PARENA a tenu sa rentrée politique 2016 au Palais de la culture
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Dans un rapport publié hier le Parena (Parti pour la renaissance nationale) a fait des révélations accablantes sur des magouilles, détournements de deniers publics et des surfacturations qui ont entouré l’achat d’équipements pour l’armée malienne. Pour paraphraser le président Modibo Keita, c’est un véritable « festival des brigands » qui se déroule actuellement au Mali. Le contenu du rapport est édifiant. L’intégralité de ce document qui enfonce le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta à moins de trois mois de la fin de son mandat.

INTRODUCTION :

Les lignes qui suivent décrivent comment les ressources publiques destinées aux forces armées de sécurité d’un pays en guerre sont détournées et pillées par les autorités maliennes retranchées derrière le « Secret Défense ».

Nous ne révélons aucune information sensible sur les moyens dont dispose notre armée. Nous dénonçons le vol à grande échelle dont nos forces, notre peuple et notre pays sont les victimes de la part de nos dirigeants.

De toutes les façons, dans leurs tentatives d’endormir les Maliens, le président de la République et ses gouvernements ont eux-mêmes décrit par le menu, à plusieurs reprises, les nouveaux moyens. Ils ont même ouvert les portes des casernes pour montrer aux téléspectateurs les avions de transport et les hélicoptères. Donc, ils sont mal venus de nous accuser de parler de ce qu’ils ont eux-mêmes exhibé à la télévision et dans les journaux.

Malgré l’insécurité croissante, les milliards destinés à l’armée sont détournés.

Depuis au moins un an, le président de la République et le Gouvernement ne ratent aucune occasion pour célébrer « la remise à niveau» de nos forces armées.

D’importants moyens auraient été acquis pour mettre nos forces en état d’accomplir leur mission sacrée de défense de notre pays. Les propagandistes du régime mettent notamment l’accent sur l’achat d’avions et d’hélicoptères de transport de troupes ou de combat. A les croire, l’armée de l’air, en particulier, « a poussé des ailes ». « Jamais un président de la République n’avait fait autant pour les forces armées et de sécurité » a déclaré le ministre de la sécurité lors d’une interview avec des animateurs de radio en langue Bamanan.

Le président de la République lui-même a déclaré en décembre 2017 : « Nous avons fait un effort budgétaire considérable pour doter (les forces) d’armements modernes, notamment d’une aviation. Sont acquis ou en voie de l’être quatre hélicoptères Puma et MI-35, quatre avions d’attaque Super Tucano brésiliens, trois avions de transport Casa et Y-12 chinois. Quand je suis arrivé aux affaires, notre aviation, qui eut ses heures de gloire, était à l’image de l’Etat malien : réduite à néant. Aujourd’hui, elle renaît, à l’instar du Mali » (Jeune Afrique numéro 2969 du 3 décembre 2017).

Plus récemment il a dit aux journalistes d’un quotidien français : « l’armée vient d’acquérir des avions achetés au prix fort » (le Monde du 22 février 2018).

Malheureusement pour les Maliens, plus le président et ses ministres parlent de nouvelles acquisitions, plus l’insécurité augmente.

En 2017, 716 personnes ont perdu la vie au Mali. Parmi elles, 245 militaires maliens. Les trois premiers mois de 2018 ont enregistré la mort d’au moins300 personnes dont 51 militaires maliens et six internationaux.

Victimes civiles et militaires au nord et au centre du Mali de 2013 à 2017

Victimes civiles et militaires au nord et au centre du Mali au premier trimestre 2018…et 2017 (pour rappel)

Le décalage entre acquisition de moyens et insécurité a été illustré à plusieurs occasions, notamment lors de l’attaque du camp militaire de Soumpi (Niafunké, région de Tombouctou) le 27 janvier dernier. Quatorze soldats maliens ont perdu la vie ce jour, près de 20 blessés. Des véhicules et du matériel de guerre ont été emportés par les assaillants qui ont plus tard exhibé leur butin. Les hélicoptères de combat dont l’achat a été tant médiatisé ne sont pas entrés en action ni pour secourir les blessés ni pour anéantir les agresseurs. Où étaient les hélicoptères de combat le 27 janvier ? Etaient-ils en état de voler ? Etaient-ils vraiment en état de combattre ?

Les Maliens ont, en effet, le droit de s’interroger sur l’effectivité des moyens acquis en regardant au-delà du tapage médiatique de la montée en puissance de nos forces. Ils ont le devoir de s’interroger sur la vraie destination des centaines de milliards votés par l’Assemblée Nationale pour mettre l’armée dans les conditions.
En février 2015, l’Assemblée Nationale a voté une loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) ; pour le quinquennat 2015-2019, 1230 milliards de FCFA ont, ainsi, été prévus pour des dépenses relatives à l’augmentation des effectifs de l’armée, la construction d’infrastructures, l’amélioration des conditions de vie des soldats, le formation et l’achat d’équipements militaires et de matériels de guerre.
Selon nos informations, les dépenses dans le cadre de la LOPM ont donné lieu à des détournements de deniers publics et d’énormes surfacturations.

Le 17 mai 2016, le PARENA avait écrit au Vérificateur Général pour dénoncer un marché douteux de livraison de 42 pick-ups aux patrouilles. Selon le quotidien l’Essor du 18 avril 2016, les 42 pick-ups ont été facturés au Trésor public à 300.000.000 de francs CFA, soit environ 54 millions de francs CFA l’unité.

Le Bureau du Vérificateur Général n’a pas réservé de réponse à la lettre de notre parti.

Toutefois, selon des informations recueillies par le PARENA, le président de la République est en possession des rapports confidentiels de deux missions d’audit conduites par un cabinet privé et une structure publique.

Il s’agit de rapports de vérification des dépenses exécutées dans le cadre d’une douzaine de contrats conclus par le Gouvernement pour doter les FAMAS de moyens terrestres et aériens.

Ces rapports sont des condensés choquant d’anomalies volontaires, de violations grossières et délibérées des règles de la comptabilité publique dans le seul but de piller les maigres ressources d’un pays en guerre qui se bat pour sa survie.

La quasi-totalité des contrats examinés par le cabinet privé présentent des irrégularités et/ou vices de forme : « pas de signature de l’autorité contractante, pas de visa ou de signature du contrôle financier. » etc…,

Dans certains cas, les factures des fournisseurs sont inexistantes, dans d’autres aucune preuve matérielle de la bonne exécution du contrat n’est disponible. Certains contrats n’ont ni clauses techniques ni calendrier d’exécution alors que le Trésor Public a effectué des virements bancaires. Il y’a une opacité autour des contrats et l’absence de tout contrôle financier.
Quelques exemples tirés du rapport d’audit :

Un Super PUMA d’occasion acheté en Irlande et payé en espèces ! – Près de 3,5 milliards de FCFA ont été déboursés pour payer, cash, un hélicoptère de transport type « Super Puma » en violation de toutes les règles élémentaires de procédure d’achat.

Présenté à la presse au moment de son acquisition, cet hélicoptère est cloué au sol malgré l’achat de pièces de rechange à hauteur de 3 milliards de franc CFA.

En payant par espèces un hélicoptère entier, le Gouvernement du Mali s’est donné à une pratique digne de la mafia.

Facsimilé d’un extrait du rapport d’audit (1)

Un second Super PUMA a été acheté à 3,9 milliards de FCFA auprès d’Airbus. Les termes et conditions de ce contrat sont « inconnus ». Le document du contrat est tout simplement illisible selon le cabinet d’audit.

Un officier supérieur a déclaré au magazine américain en ligne « Bloomberg.com » que les deux Super Puma étaient « cloués au sol » (selon un article paru le 13 juillet 2017). En tous cas, ils n’étaient pas en mesure de voler à la fin janvier 2018.

Entre le 23 et le 26 mars 2018, le nouveau Premier ministre s’est rendu à Kidal, Gao, Tombouctou et au centre du pays. Il a évité les hélicoptères Super PUMA de l’armée malienne pour voyager à bord d’un hélicoptère des Nations Unies. Malgré les milliards engloutis dans l’achat de pièces de rechange, les Super Puma maliens tombent souvent en panne. L’on a, ici, une claire indication que le gouvernement a préféré acquérir de vieux appareils dans des conditions douteuses (paiement en espèces d’un des deux Super PUMA) plutôt que d’investir dans des hélicoptères à même de voler.

Le mystère des avions brésiliens : en juin 2015, le Mali a signé un contrat de 88,7 millions de dollars américains, soit environ51,682 milliards FCFA (au cours en vigueur en Juin 2015), pour l’acquisition de six (6) avions de guerre « Super Tucano ».

Dans l’interview à « Jeune Afrique », citée plus haut, le président de la République a annoncé la livraison imminente de quatre (4) Super Tucano.

Embraer SA, la société brésilienne qui fabrique les Super Tucano s’apprête, en effet, à livrer quatre appareils. La valeur totale de ces quatre avions (qui inclut aussi des prestations de service) est d’environ 68 millions de dollars.

Au lieu de 51,7 milliards FCFA initialement prévu, le contrat de Juin 2015 a fait l’objet de 53,302 milliards de FCFA d’engagement et de mandatement entre 2015 et 2017 par les services financiers de l’Etat.

Une première tranche de 13,367 milliards a été « liquidée » en 2015.

Une seconde tranche de 18,636 milliards a été payée en 2016. La « liquidation » de la troisième tranche de 21,298 milliards était prévue en 2017.

Pourtant, EMBRAER ne livrera que quatre appareils comme annoncé par le président.

Où sont donc passés les deux autres avions de guerre ?

La valeur de ces deux avions est d’environ20,7 millions de dollars, soit environ11,2 milliards de FCFA (au cours actuel du dollar).

Que s’est-il passé entre temps ? Un mystère que le gouvernement se doit de dissiper au plus vite. Comme il doit expliquer le retard de livraison des quatre Super Tucano ?

Facsimilé d’un extrait du rapport d’audit (2)

(1/2)

(2/2)Hélicoptère réparé à près de six milliards ! Un hélicoptère de combat acquis sous le président Amadou Toumani Touré a été réparé en 2016 à hauteur de 5,8 milliards francs dans un pays voisin.

Un pilote formé à 250 millions de FCFA ! Le Mali a signé un contrat pour la formation de 15 pilotes à 3,78 milliards de FCFA avec une entreprise basée à Singapour qui offre des cours en République Tchèque. Des vérifications auprès d’experts aux Etats-Unis suggèrent que le coût de formation d’un pilote se situe entre 20 et 35 millions de FCFA.

Des taux de change imaginaires. La plupart des contrats ont été signés en dollars américains. Entre 2015 et 2017, le dollar a fluctué entre 545 et 630 FCFA. Pourtant, les sommes convertis l’ont toujours été en défaveur du Trésor public qui a perdu plus de 2,1 milliards de FCFA dans les opérations de change.
Conclusion :

Depuis plusieurs mois, le président de la République, Chef suprême des armées, est en possession de deux rapports explosifs sur des détournements massifs de ressources financières destinées à nos forces.

Il n’a pris aucune sanction administrative contre ceux qui se sont livrés à ces détournements.

Il n’a ni publié lesdits rapports ni saisi la justice.

Que faut-il en conclure ?

Que le président de la République couvre de son autorité les actes abondamment décrits dans les deux rapports !

L’inaction du Chef de l’Etat dans le traitement de ces graves affaires n’est ni compréhensible ni acceptable.
Sa responsabilité politique et morale en tant que Chef suprême des armées est totalement engagée.
La mauvaise utilisation des ressources financières destinées à nos forces dans ce contexte de guerre contre le terrorisme est un immense scandale d’Etat.
C’est parmi les plus grands scandales financiers de l’ère IBK, c’est sans doute le plus grand scandale politico-financier depuis l’indépendance du Mali. Jamais les ressources publiques n’ont été dilapidées avec tant de cynisme.

Le président, les premiers ministres et les ministres concernés doivent s’expliquer et tirer toutes les conséquences des actes posés.

En guerre et exsangue, notre pays ne mérite pas d’être gouverné ainsi.

Bamako, le 25 avril 2018.
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