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Indépendance de l’Azawad : Une procession de désarrois
Publié le jeudi 7 juin 2012   |  Le 22 Septembre


Crise
© Getty Images par DR
Crise Malienne : Moussa Ag Assarid (droite), le porte-parole malien du Mouvement national pour la Libération d`Azawad (MNLA) et Irij Maouche (guauche), le membre de l`association Tamazgha


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Le nord du Mali reste occupé par les islamistes et le MNLA. Cinq mois de souillures, de privations, d’exode. Les efforts conjugués des Maliens, de l’intérieur et de l’extérieur, ont réduit le projet d’indépendance de l’Azawad à une noce d’eunuques. Il ne se passera rien du tout. Mais dans quel état le Mali nouveau se retrouvera-t-il? Entre l’isolement des voisins, l’étreinte mortelle de l’hydre aux tentacules islamiste et indépendantiste et le martyre infligé par les politiques et les cadres au Sud, la noce est une procession de désarrois.

Désarroi face à l’attitude de l’Algérie. Nous avons eu droit à un conseil au dialogue et des couverts là où nous attendions un engagement résolu. L’histoire prête à l’Algérie, selon une phrase célèbre, d’avoir «compté ses amis», le Mali en tête, lorsque les Etat africains nouvellement admis à l’ONU ont été appelés à se prononcer sur l’indépendance du pays, disputée dans le sang à la France. Admirez le courage du Mali et de son Président Modibo Keïta, reconnaissant officiellement le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), en février 1961 déjà, et s’activant, au sein du groupe de Casablanca, contre le projet français d’amputer le Sahara algérien (et oui, il a failli ne pas être algérien) du sort global du pays. De plus, l’arsenal de guerre offert par Moscou et débarqué sur les côtes guinéennes transitait par le Mali.

En raison de cette amitié, les héritiers de Modibo Keïta attendent de l’Algérie qu’elle se tienne résolument à leurs côtés dans la passe difficile que le Mali traverse. Même si les langues frontalières avaient un fort accent berbère, c’est bien en malinké que le Président Keïta, par delà les frontières et les mers, a fait parler son intime conviction pour annoncer l’indéfectible soutien du Mali au Front de Libération Nationale (FLN) algérien.
Dieu merci, une oreille attentive et volontairement réceptive de ce message, leader incommensurable de la révolution algérienne vit, qui plus est comme Chef d’Etat de l’Algérie, et continue à répondre fièrement de son nom de guerre, Abdel Aziz El Meli (le Malien). Son consulat à Gao est logé dans son ancien QG de guerre et l’on se rappelle de ses passages au Bar Mali de Bamako Coura, séjour des hôtes du RDA.

Désarroi face aux cas, qui n’en finissent plus, de viols de nos femmes, nos sœurs, nos filles, par le MNLA. En puisant dans l’histoire des conflits, même en comparaison des cas extrêmes de cette conduite ignoble et barbare, les atteintes à l’intégrité des femmes commises par les combattants du MNLA contiennent une note inaccessible à la raison. Du témoignage cruel du correspondant de guerre italien Curzio Malaparte sur le sort des femmes juives durant la seconde guerre mondiale, il apparaît que les soldats d’Hitler ont violé les femmes d’un peuple juif qu’ils vouaient à l’extermination. En Algérie, justement, Mouloud Feraoun, témoin de guerre, a dépeint les atrocités sexuelles des soldats français en des termes poignants, décrivant le sort de femmes algériennes broyées, s’infligeant le coup de grâce parce que «leur honneur était enfoui en dedans du vagin, tel un trésor plus précieux que leur vie». Des soldats français et des harkis ont violé les femmes d’une Algérie où ils venaient de perdre définitivement pied et ne pouvaient plus soutenir le regard de leurs victimes.

Ailleurs, les femmes musulmanes de Bosnie-Herzégovine ont été violées pour laisser une trace douloureuse sur la face d’un peuple «pris en délit» de courage et d’autodétermination. Ces explications ne justifient pas le crime, elles tentent de scruter l’instinct des prédateurs. S’il est encore besoin de le préciser aux instances juridiques internationales, les adolescentes et les femmes maliennes qui ont été violées par le MNLA à Gao et à Tombouctou sont chacune la princesse d’une famille ou d’un foyer, et leur douleur, décuplée de celle des leurs, est aussi lourde que la douleur du peuple juif pour ses victimes, de l’Algérie indépendante pour ses martyres et de la Bosnie pour ses mutilées.

Les combattants du MNLA, dans leur bulle indépendantiste, ignorants de la marche du monde, irrévérencieux des populations autochtones, convaincus qu’ils sont les maîtres et tous les autres leurs serfs, ont donné la preuve de leur incapacité à la construction et leur adresse à créer le chaos. Voyez dans quel état ils ont mis le nord. Il y a des attitudes qui échappent à la raison. Comme celle de ce mouvement, qui prétend détenir un projet de société pour les régions du nord, et dont les membres posent comme «actes symboliques» de leur entrée sur la terre de leur nation en projet, des viols de masse sur des femmes. Quelle culture! Le viol est avilissant, plus pour le soldat que la victime, et il rend caducs tout discours et toute prétention. Mais, il s’agit de «soldats», alors que dans notre cas, au nord Mali, il est question de bandits armés, qu’il appartiendra à la Cour Pénale Internationale de nommer.

Il est vrai que la justice a déserté les régions du nord depuis janvier 2012. Mais nous restons les témoins de la douleur et de la meurtrissure de nos sœurs. Nous avons la mémoire forte et le souci de la préservation de notre nation. Aussi lançons-nous un SOS au monde, au HCNLS et à l’ONUSIDA sur quelques cas insoutenables de la furie sexuelle des combattants du MNLA. Dans la ville de Gao, une bande d’une dizaine de personnes a enlevé à l’hôpital une femme songhaï, fistuleuse et séropositive. Ils la violèrent en groupe pendant deux nuits successives avant de la ramener, comme un trophée, dans le centre de santé. Depuis, ces parfaits imbéciles, portés par le même élan criminel et bardés de virus, font le tour de la région pour semer, non plus seulement le viol, mais aussi la mort et la désolation.

A Tombouctou, les bandits armés du MNLA au poste de contrôle conseillèrent à deux épouses de militaires, en partance pour Mopti, d’y passer la nuit. Ils se divisèrent de deux groupes, trainèrent les deux dames dans les broussailles et les violèrent à tour de rôle toute la nuit. Il y a que les porcs qui font ca.
Désarroi devant le spectacle d’un pays qui a montré ses limites à la saine distribution de la justice. Il y eu le sit-in devant l’Assemblée Nationale, semble-t-il pour mettre fin à la mandature des députés. Il y eu la convention qui s’autosaisit de la gestion de la transition, disqualifiant le Président intérimaire avant même le début de ses travaux. Ces deux forums constituent des défis à l’ordre et à la justice.

Ce n’est pas tant ces regroupements qui font froid dans le dos que la mission conjointe qu’ils vont commettre, porteuse d’un cercueil et de pics, sur un parcours balisé de part et d’autre de garnisons, afin d’exécuter le Président et lui faire une «digne» sépulture. Désarroi parce que les Maliens savent que leur justice est en décrépitude, qu’elle va encore patiner devant ces cas manifestes de raillerie de la chose publique si elle ne redore pas son blason, terni par deux décennies de folklore et de marchandages. Rappelez-vous deux procès médiatisés de façon outrancière. Que retenir de l’affaire BHM – WAIC, où, après avoir discrédité la réputation d’une institution bancaire phare, écorché la sensibilité d’une grande puissance amie, le ridicule ne tuant pas, la grosse de jugement fut, au propre et au figuré, un exploit personnel du régisseur de la prison de Ségou. Quelle qu’en soit la suite, la justice a montré la preuve de son immersion dans l’imparfait. Quand à l’affaire de la maîtresse du Président, elle doit tout simplement figurer au répertoire des aventures de Toundourou, le roi-bouffon, dans un script inspiré de faits réels, avec tous les acteurs, y compris Toundourou, dans leur propre rôle.

Désarroi devant la prestation gratuite de la gestion de l’image des groupes islamistes et narcotrafiquants de Tombouctou par l’ORTM. Si elle est compréhensible pour préserver le corridor humanitaire, il reste que les commentaires, à la limite admiratifs, sur leurs pratiques cultuelles, banales chez nous, et leur droiture (que la charité dont ils se réclament leur commande d’appliquer), risquent d’apporter de l’eau au moulin d’anxiété du député de Gao, craignant une adhésion massive de ses frères à la cause islamiste. Le syndrome de Stockholm pourrait aussi se manifester au sein de la diaspora du nord à Bamako, parce que l’ORTM et les responsables du corridor humanitaire diffusent des images et des témoignages d’une autorité jihadiste capitalisant, en termes d’équité et de justice, la bonne réputation qui a manqué à l’administration civile et militaire précédente. Déjà, de jeunes désœuvrés se sont trouvé une vocation de salafistes, emportés par l’abondante rhétorique des assaillants sur l’architecture insaisissable et la beauté inénarrable du Paradis, dans lequel le moderne et tout emprunt à l’Occident sont insolubles, y compris notre administration et tous ses acteurs.

De plus, il existe un rapprochement virtuel avec la mémoire de Ben Laden, qui jouit d’une admiration quasi divine sous nos tropiques, facilement récupérée par les lieutenants autoproclamés du Saoudien, Abou Zéid, Mokhtar Belmokhtar etc. «J’étais comme dans un rêve», raconte un ami de Tombouctou au cours d’une partie de thé à Bamako. «J’étais assis à la même table que Mocktar Belmokhtar, le geôlier des otages français, vous vous imaginez». Enfin, des couples mixtes sont passés devant l’autorité religieuse, des mariages se sont noués et, si rien n’est entrepris, nous aurons le désarroi de devoir faire des veuves et des orphelins dans nos quartiers, la carte démographique étant en train de prendre une teinte métisse.

Désarroi quant à notre sort dans le Mali en gestation, car, c’est désormais connu, l’indépendance du MNLA profile vers une noce d’eunuques politique. Le forum auquel aboutiront les nombreux conciliabules en cours va se dérouler sur quelle base, selon quels critères d’administration des régions du nord et avec quels acteurs, dans quels rôles? Quel sort pour les renégats qui ont poignardé leur propre patrie dans le dos. Désarroi parce que le Mali, abonné au laxisme et à la foire aux bons procédés, acceptera certainement d’introduire les violeurs d’hier dans l’armée de demain, et, s’il vous plait, aux plus hauts grades. Désarroi parce que le Mali, au nom de la réconciliation nationale et de l’unité retrouvée, invitera des politiques renégats à venir prendre place dans le fauteuil du suffrage, nettoyé par les soins du contribuable du sang de leurs forfaits. Ce n’est pas tant ce pardon qui dérange que la spécificité malienne à générer de la haine de la part de ceux qui en sont les premiers bénéficiaires
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Abdel – Kader HAIDARA
Gestionnaire des Ressources Humaines

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