Si la diplomatie française a été quelque peu écartée en Syrie du fait de l’initiative russo-américaine, au Mali elle a pris le leadership, s’assurant un succès à la fois militaire et diplomatique. Mais de nouveaux défis attendent.
Cela a même surpris des généraux américains, mais au Mali la « puissance moyenne » qu’est la France a agi et atteint ses objectifs militaires pratiquement seule. Elle a réussi à projeter sa puissance militaire de manière efficace (4500 soldats avec un soutien aérien portant un coup fatal aux groupes djihadistes après que ces derniers avaient lancé une offensive à partir du nord en janvier dernier. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que « l’ensemble du territoire malien a été libéré et la menace est aujourd’hui très fortement réduite ».
Le succès militaire a été accompagné de victoires diplomatiques. La stratégie de sortie semble se mettre en place. Le 22 avril, le Parlement français a voté la prolongation de l’opération militaire lancée au début de janvier à la demande des autorités maliennes. Le 25 Avril, la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU parrainée par la France autorisant le déploiement de la mission de maintien de la paix (MINUSMA, 11.200 « casques bleus ») a été adoptée.
La transition devrait entrer en vigueur en juillet. Alors que la présence militaire française est progressivement réduite, le vide laissé doit impérativement être rempli. Mais le « maintien de la paix », ce n’est pas l’« imposition de la paix ». La France a donc fait pression pour l’inclusion d’une unité spéciale de « soutien » ayant autorité pour « faire usage de tous les moyens nécessaires » pour combattre les insurgés si nécessaire (environ 1.000 soldats, principalement des forces spéciales).
Les enjeux sont de taille dans une région connaissant une instabilité croissante. Les dirigeants africains sont inquiets que le scénario malien, dans lequel des militants islamistes extrémistes renversent un pouvoir central affaibli, pourrait se répéter ailleurs en Afrique occidentale et centrale. Le Nigéria a été forcé de lancer une offensive militaire contre des militants islamistes (nord) tandis que la République centrafricaine semble s’enfoncer lentement dans le chaos après un coup d’État.
La relation entre la France et ses anciennes colonies est en constante évolution. Mais c’est précisément parce qu’il existe des liens historiques, économiques et culturels profonds et complexes entre eux que la sécurité en Afrique francophone importe pour la sécurité de la France et ses intérêts nationaux.
La vérité est que, sans l’intervention française, les militants islamistes auraient atteint Bamako. À bien des égards la préparation et la volonté d’action de l’ancienne puissance coloniale a renforcé sa position et son influence. Le président tchadien Idriss Deby n’a pas hésité à envoyer ses troupes d’élite pour combattre aux côtés des militaires français pour écraser l’insurrection islamiste. L’expertise en matière de guerre du désert (rezzous) des 2.000 hommes de cette force mobile rustique et rapide a été un véritable atout pour la libération des territoires du Nord.
Mais le sacrifice du sang des soldats tchadien et français, ainsi que le coût de l’opération (200 millions €) pourrait être vain si l’armée nationale n’est pas transformée en une force disciplinée capable d’exercer un contrôle sur le territoire du pays et le long de ses frontières poreuses. Tout repose donc en grande partie sur la Mission de formation européenne (EU Training Mission) menée par la France pour réformer une armée nationale mal formée et sous-financée, ainsi que notoirement corrompue. Tout cela avec un budget modeste de 12 M € et avec peu de soutien autre que verbal de ses partenaires européens….
L’effort de reconstruction d’une force de combat professionnelle à la suite d’un conflit amer ayant ravivé des tensions ethniques ancestrales prendra du temps, mais il doit impérieusement réussir. Pour que renaisse une démocratie africaine autrefois dynamique et souvent citée comme modèle, sa classe politique malienne et ses militaires doivent aussi surmonter les divisions internes. Le peuple malien est dans l’expectative.
Sophie Quintin Adalı est un analyste pour www.libreafrique.org, le projet francophone de la Fondation Atlas Economic Research. Une version anglaise de cet article est disponible sur Hurriyet Daily News.